Une pile de 2,500 chaussures et de prothèses artificielles ne semblent pas de mise sur la pelouse du Capitole américain, mais plus déconcertant encore a été le choeur d'enfants entonnant une chanson évoquant ce que représente pour un homme la perte de parties de son corps, et ce sous un soleil d’hiver réchauffant tout autant les manifestants que les spectateurs.
Le chant des enfants débute par ces paroles: "quelqu'un m'a dit une fois que le souffle d’une mine pourrait m’emporter. Je ne veux pas perdre ma tête...." Il termine avec cette réclamation ironique : "hé maintenant, M. Bush, signez l'interdiction s'il vous plaît, Nous vous supplions à genoux."
Il manquait une jambe ou même deux jambes à certains des participants les plus âgés de la manifestation de ce 8 mars.
Dans la cadre de la Campagne Internationale pour Interdire les mines anti-personnelles, plus de 500 personnes -beaucoup d'entre elles ont survécu à l’explosion d’une mine anti-personnelle, sont venues de 90 pays différents pour participer à une semaine de réunions et de rassemblements, dans le but avéré de faire pression sur les Etats-Unis pour qu’ils signent le Traité d'Interdiction des mines anti-personnelles de 1997.
Parmi ceux qui ont joint leurs voix à cette demande figurent un pasteur évangélique méthodiste qui est à la tête du personnel du Conseil National des Églises (NCC), un représentant américain qui défend un projet de loi visant à interdire l'usage par les Etats-Unis de mines antipersonnelles, une fille cambodgienne qui a perdu un pied à cause d’une mine et un Prix Nobel de la Paix.
Le pasteur Bob Edgar du NCC a évoqué son expérience passée, quand un membre du Congrès l’a sensibilisé à la nature destructive des mines anti-personnelles. En travaillant dans un comité en charge des vétérans, il a appris, dit-il, qu'un tiers des accidentés américains lors de la Guerre du Viêt-Nam et lors de la Guerre de Golfe avaient été victimes de mines anti-personnelles.
"Elles infligent des dégâts énormes sur notre propre personnel," a-t-il dit. Mais, a-t-il ajouté, plus de 80 % de victimes de mines anti-personnelles sont des civils, la plupart d'entre elles sont des enfants. "Nous devons employer notre autorité morale" pour pousser les Etats-Unis à interdire les mines, a-t-il insisté.
"Ce traité a ralenti le carnage et permis le démarrage d’un long processus visant à guérir la terre," a-t-il affirmé. Edgar a annoncé le lancement par le NCC d'une grande initiative populaire: faire en sorte que chaque église, chaque mosquée et chaque temple et que les gens de partout contresignent cet appel et demandent l’interdiction de ces armes. Il a recommandé vivement aux Etats-Unis de soutenir l'interdiction des mines anti-personnelles et d’augmenter leur aide aux victimes.
"Chacun d'entre nous peut travailler à faire changer partiellement les choses," a-t-il dit. "Laissez-nous interdire les mines anti-personnelles pour toujours."
Le représentant US James P. McGovern (D-Masse)., qui de concert avec un autre représentant Jack Quinn (R.-N.Y) soutient un projet de loi pour interdire l'utilisation par les Etats-Unis de mines anti-personnelles, a dit que les forces militaires modernes du 21e siècle n'emploient pas de mines anti-personnelles. Les Etats-Unis disposent de plus de 11 millions de mines anti-personnelles, soit du tiers des mines disponibles dans le monde, a-t-il dit.
McGovern a invité le ministre de la Défense Nationale Donald Rumsfeld à prendre les mesures qui s’imposent pour que les Etats-Unis cessent d’employer les mines anti-personnelles et détruisent les réserves existantes.
Song Kosal a perdu sa jambe à l'âge de 4 ans par l’explosion d’une mine survenue au moment où elle jouait près de sa maison au Cambodge. En parlant par le truchement d’un interprète, elle a exprimé son désir le plus cher, voir chaque enfant avoir la chance de porter des chaussures. Interdire les mines anti-personnelles est pour elle une urgence dans l’intérêt des enfants; elle a encouragé les gens à travailler pour la paix tous les jours.
Jody Williams, Prix Nobel de la Paix en 1997, a dit que les Etats-Unis, devaient en sa qualité de dernière superpuissance mondiale, ratifier le traité d'interdiction des mines anti-personnelles. Williams s’est chargée de 1991 à 1997 de la coordination de la Campagne Internationale pour Interdire les mines anti-personnelles et elle est maintenant une ambassadrice de cette cause. Dans chaque pays qu’elle visite, on lui demande pourquoi les Etats-Unis n'ont pas encore ratifié l'interdiction, fait-elle remarquer. Probablement que quelques pays ratifieront à leur tour ce traité, dès lors que les Etats-Unis l’auront fait, a-t-elle ajouté.
Jerry White, le président de la Campagne américaine pour Interdire les mines anti-personnelles et lui-même survivant de l’explosion d’une mine, a noté que les Etats-Unis et Cuba sont les seuls pays dans l'Hémisphère Occidental à ne pas avoir signé le traité d'interdiction des mines anti-personnelles.
Au siècle dernier, il a dit que 100,000 américains ont été victimes de mines anti-personnelles. Toutes les 20 à 22 minutes, quelqu'un perd un membre ou sa vie à cause de mines anti-personnelles enterrées dans quelques 80 pays, a-t-il fait remarquer. Il a perdu sa jambe quand, comme simple étudiant, il a voyagé et campé sans le savoir dans un champ de mines en Israël.
Il a cité le discours inaugural du Président Bush, dans lequel les citoyens étaient invités "à pas passer outre", quand ils verront un voyageur blessé aux bas côtés de la route de Jéricho. White a appelé à Bush à venir en aide aux blessés de la route en interdisant les mines anti-personnelles, de façon à ce que les gens puissent marcher sans crainte dans le monde entier.
La Campagne américaine pour Interdire les mines anti-personnelles est une coalition de plus de 500 groupes aux Etats-Unis. La campagne internationale inclut plus de 1,300 groupes dans 75 pays différents.
Le corps législatif le plus élevé de l’Eglise Evangélique Méthodiste (EEM) a adopté une résolution l'année dernière enjoignant les Etats-Unis à signer le Traité d'Interdiction des mines anti-personnelles.
# # #
L’auteur de l’article Joretta Purdue est le nouveau chef d’agence du Service de presse évangélique méthodiste de Washington. Cet article a été diffusé initialement le 08 mars 2001.
Source: Service de presse évangélique méthodiste (UMNS)