COE, Porto Alegre: Un bilan de la 9e Assemblée du COE proposé par le journaliste canadien David Finès

David Fines, rédacteur du mensuel francophone de l’Eglise unie du Canada, Aujourd'hui Credo et responsable des Communications publiques de cette Eglise, dresse ici le bilan de la 9e Assemblée du Conseil Oecuménique des Eglises. Son Eglise comprend une aîle d’origine méthodiste.


Me voici de retour à Montréal ; il fait moins 10. Celle qui est venu me chercher me demande comment je ressens la différence d’avec les températures estivales du Brésil. Mais la différence n’est pas que dans la température. Nous vivons sur une même planète, presque un même continent, mais j’ai l’impression qu’en 22 heures et trois vols d’avion, je suis passé d’un monde à un autre. Je retrouve le mode de vie auquel je suis habitué avec une organisation sociale à l’occidentale, avec des habitudes, des horaires, des rythmes qui me sont naturels. Je retrouve une ville sans grilles en contraste avec Porto Alegre où les grilles sont partout, autour des maisons, des cours, des murs, des devantures. Je retrouve un environnement urbain sans cette économie souterraine, ou du moins parallèle extrêmement importante dans les pays du Sud : échoppes sur tous les trottoirs, petits vendeurs de mille biens et objets, ramasseurs de déchets…


Me voici de retour chez moi ; je me demande si nous avons (vraiment) accompli durant cette Assemblée du Conseil œcuménique des Églises ce que nous avions appelé en moult déclinaisons, transformer le monde. Dans sa dernière présentation aux journalistes, le secrétaire général du COÉ Samuel Kobia, décrit avec enthousiasme les grands accomplissements de cette 9eme Assemblée qui se termine :


1- le fait d’avoir « réaffirmé » la vitalité et le dynamisme du mouvement œcuménique, sa diversité qui s’est reflétée notamment en celle du Mutirao;


2- « l’engagement » solide et indéfectible à l’unité visible et à la lutte pour vaincre la violence, l’engagement visible des Églises à travailler ensemble à ces deux objectifs ;


3- la « pertinence » du COE en tant que plateforme globale majeure pour atteindre cette mission de l’unité, son rôle privilégié au sein du mouvement œcuménique…


Étrange… aucune fois il ne prononcera le mot « transformation » ou « transformés ». Qu’avons-nous transformé ? Avons-nous été transformés? Aucun journaliste ne lui posera la question. À celle sur ce qui ressort de façon significative de cette Assemblée, le secrétaire général répondra, premièrement, que c’est « l’apport des jeunes » (!?), ils étaient 700 inscrits, ils ont participé en masse aux activités (parallèles) du Mutirao, on a créé un comité permanent de surveillance sur leur rôle au sein du COÉ ; deuxièmement que c’est la décision de tenir la prochaine assemblée avec les autres organisations œcuméniques internationales, que ce soit l’ARM, la FLM ou quelque autre que ce soit ; enfin, que la participation à venir de l’Église catholique augmente continuellement par sa participation accrue aux divers programmes, agences et comités du COÉ (70 sur un total de 135).


À nouveau, pas une seule fois le mot « transformation » n’est prononcé. On aménage de meilleure façon ce qui existe déjà, on réorganise les (mêmes) morceaux pour les rendre plus efficaces, mais nulle mention de transformation du mouvement œcuménique en profondeur ; on essaye de faire moins mal ce que l’on fait déjà pas trop mal, mais sans aborder la nécessité de changer radicalement la façon même de faire. Est-ce que j’en demande trop ? Est-ce que le thème n’était avant tout qu’une prière à Dieu et non pas un appel à l’imagination et à la vision ?


C’est un peu à l’image du message de l’Assemblée : guère de dénonciations virulentes, guère d’envolées prophétiques, guère d’appels à la guerre sainte qui doit être menée chaque jour et chaque instant contre le mal sous toutes ses formes, contre l’oppression et l’injustice déshumanisante, contre les avancées impitoyables de l’impérialisme néo-économique ; guère de visions d’urgence à des situations nombreuses et dramatiques auxquelles Dieu nous enjoints de réagir. « Nous avons aussi reçu de Dieu le mandat (?!) de témoigner de la transformation qui survient dans nos vies personnelles… »


Dans la liste finale des membres du nouveau Comité central, on retrouve 87 hommes (dont 76 pasteurs) et 63 femmes (dont 21 consacrées). Et sur les 22 « jeunes » membres, il y a 19 femmes ! Je me fais la remarque que le Comité central souffrira d’un drôle de déséquilibre : il sera composé de « vieux » hommes pasteurs et de

« jeunes » femmes laïques. Comme si les pasteurs et prêtres de la vieille génération (surtout d’Afrique et d’Asie) ne voulaient pas donner leur place, et que pour se faire pardonner en peu, ils avaient voté pour la venue de femmes de la génération suivante. Avons-nous sérieusement transformé quelque chose ?


En jasant une dernière fois avec des participants-es, je reçois deux types de réponses ; celles voulant que, oui, maintenant transformés, nous devons chacun-e de notre côté transformer notre petit coin de monde ; et celles exprimant une déception quant au piètre contenu des plénières, à l’espace réduit de discussion et à la portée limitée des décisions.


Me voici de retour chez moi… avec en tête, tant et tant de matière à réflexion.


David Fines

Source: EEMNI