Etats Unis, CHARLESTON, W.Va.: un évêque critique la presse, la Maison Blanche sur la question de l'Irak

La presse a en grande partie ignoré et passé sous silence le fait que les leaders d'une majorité d'églises américaines s'opposaient à l'occupation unilatérale ininterrompue de l'Irak et à la politique de l'administration de Bush en matière de guerre préventive, dénonce un évêque évangélique méthodiste.


La presse a donné un blanc-seing à l'administration quant à sa politique en Irak, a déclaré l'évêque William Boyd Grove. Ancien responsable des relations oecuméniques au sein du Conseil des Evêques Méthodistes, Grove est allé à Rome plus tôt cette année pour encourager le Pape Jean Paul II à user de son influence pour prévenir une guerre en Irak.


"La presse a servi de boutefeu dans cette guerre," a dit Grove. "Les fondateurs de notre pays n'avaient pas prévu un tel rôle pour la presse, le jour où ils ont introduit la liberté de la presse dans la Constitution."


Il a dit qu'il avait bon espoir que toujours plus de citoyens se poseraient la question du bien-fondé de l'intervention américaine en Irak. "Toute action préventive devrait être condamnée par les citoyens américains," a dit l'évêque. "A quoi le monde ressemblerait si chaque pays s'y croyait autorisé?"


"Pourquoi aurions-nous un droit que d'autres gouvernements n'auraient pas?" a-t-il demandé.


Pour justifier l'invasion menée au cours du printemps dernier par les Etats-Unis en Irak, Bush a cité des rapports accusant le dictateur Saddam Hussein de construire un arsenal d'armes de destruction massive.


Grove, retraité et vivant à Charleston, a noté qu'une guerre préventive n'était pas conforme à la théorie de la "guerre juste" développée au sein de l'église chrétienne depuis des siècles. Selon cette position, la guerre ne peut être justifiée que pour réparer un mal déjà commis, a-t-il ajouté.


Le président Bush a admis tardivement qu'aucune liaison directe n'a existé entre Saddam Hussein et les attaques terroristes du 11 septembre 2001, a déclaré Grove.


"Et pourtant l'administration américaine cite toujours encore l'Irak comme pièce maîtresse de sa guerre contre le terrorisme," a-t-il dit.


L'évêque a dit que Bush a bien réagi au lendemain du 11 septembre, mais depuis lors s'est aliéné la bienveillance internationale que la tragédie de ce jour avait suscitée de par le monde. 


Il a critiqué l'administration pour son "attitude méprisante et arrogante envers nos alliés européens."


Grove intervenait à un forum qui se tenait le 21 octobre à l'Université de Charleston, où il siège au conseil d'administration; à cette occasion, Grove a dit que la rhétorique de "la guerre sainte" développée par le lieutenant général William Boykin, qui est l'officier du Pentagone chargé de désigner les cibles les plus en vue comme Osama Ben Laden et Saddam Hussein, n'avait fait qu'alimenter chez les musulmans la haine pour les nations occidentales.


Quand on brandit le spectre hideux des Croisades et qu'on diabolise l'Islam, il est facile pour des extrémistes de recruter des terroristes, ajoute l'évêque.


"Le pouvoir de Saddam Hussein était démoniaque," reconnaît Grove. "Mais il est très dangereux spirituellement et arrogant politiquement de supposer que nous autres comme peuples, nous ne portons aucune responsabilité de ce qui ne va pas dans le monde. L'idée que notre nation soit pure de toute faute est une illusion; elle mène à l'orgueil même qui a caractérisé nos dirigeants en ce temps épouvantable."


L'évêque s'accorde avec l'auteur Edouard Abbey, qui a dit: "Chaque patriote doit être prêt à défendre son pays contre son propre gouvernement."


Grove déclare enfin: "Ce moment de la vie de notre pays appelle justement à un tel patriotisme."


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Le 23 octobre 2003

umns