Urs Eschbach achève son mandat de surintendant, qu'il a exercé pendant huit ans. Dans l'interview ci-après, il parle des exigences élevées de ce poste, de son style et pourquoi il se réjouit de retrouver un ministère en paroisse.
Lorsque la Conférence annuelle 2002 a pris congé de vous, les membres de l'assemblée se sont levés pour vous applaudir. Comment avez-vous vécu cet
instant?
Je ne m'y attendais pas, et cela m'a ému. Les gens ont exprimé leur appréciation et je m'en suis réjoui. D'autre part, cela m'a montré quelle grande responsabilité j'ai eu à assumer. Peut-être que dans le cours de mon travail, la conscience de cette responsabilité ne transparaissait pas toujours au premier plan, mais rétrospectivement, je suis très reconnaissant de ce que les gens m'ont témoigné de la compréhension et que la manière dont j'ai exercé ma fonction a visiblement été bien acceptée.
Au cours de votre vie, vous avez été deux fois surintendant. Vous repartez maintenant, une fois encore et pour quatre ans, pour un ministère en paroisse. Est-ce qu'il n'aurait pas été possible de rester surintendant pour ces ultimes quatre années?
L'évêque a évoqué cette question avec moi en toute franchise. A ma demande, nous avons décidé que je terminerais mon mandat au bout de huit ans, comme cela avait été convenu dès le début. En pensant à mon maintien dans cette fonction, je me suis demandé si j'aurais la force nécessaire pour répondre de manière adéquate, pendant quatre années supplémentaires, aux sollicitations spirituelles, aussi bien que physiques et psychiques, qu'implique ce poste. Je n'aurais pas voulu que vienne tout d'un coup un moment où tout le monde n'aurait qu'un désir, celui de me voir quitter ma fonction de surintendant. Je pense que c'est une bonne formule que de pouvoir retourner, à la fin d'une vie professionnelle active, là où mon ministère a commencé. Retour à la base, là où j'ai vécu beaucoup d'expériences positives tout au long de ma vie. Je pense que ce sera encore une bonne expérience pour la paroisse et pour moi.
Retour à la base? Est-ce qu'en tant que surintendant, on n'est pas en contact avec la base?
Non. En tant que surintendant, je ne pouvais pas assumer les tâches très pratiques du ministère pastoral, par exemple de prêcher régulièrement devant les mêmes personnes. J'étais chaque dimanche dans une autre paroisse. C'est quelque chose de très particulier que de prêcher toujours devant les mêmes personnes. Evidemment, c'est souvent un grand défi et une charge pour le prédicateur. Mais c'est en même temps une opportunité unique. Car cela participe des processus d'accompagnement de la relation d'aide, au cours desquels je suis en chemin avec ces personnes, très proche d'elles dans leurs joies et leurs peines, dans une étroite relation de confiance. Le surintendant n'a pas la possibilité de travailler ainsi.
Quelqu'un m'a dit une fois que vous avez un air empreint de dignité, presque de majesté. Etes-vous d'accord avec cette appréciation?
Je n'ai en tous cas jamais cherché à avoir un air majestueux. Mais je peux m'imaginer ce qui se cache derrière cette expression. Dans mon travail, j'ai toujours visé la fiabilité et la transparence. J'ai voulu que mes motifs et la façon dont j'aborde et traite une affaire soient prévisibles pour les personnes qui travaillent avec moi. Dans la mesure du possible, j'ai essayé de réagir et d'agir toujours de la même manière, de façon que l'on sache à quoi s'en tenir en ce qui me concerne. Jusqu'à un certain point, il s'agissait de la crédibilité de ma fonction et je m'y suis appliqué. Par ma façon de parler, par mon allure, par une apparence extérieure incluant mes vêtements, je voulais donner une impression de fiabilité. Si les gens l'ont compris ainsi, j'en suis heureux.
Dans l'accomplissement de ma tâche, j'ai toujours visé la fiabilité et la transparence.
Quelles sont les qualités nécessaires à un surintendant?
L'essentiel est d'envisager les défis qui se posent à la lumière de Jésus Christ, de les relever dans cette optique, de se laisser imprégner et orienter par son attitude et son amour, par sa vision du règne de Dieu. Je crois que c'est le meilleur préalable pour pouvoir tenir dans une telle fonction. Il faut aussi une grande souplesse, une faculté de compréhension rapide, une capacité à faire face rapidement à une situation nouvelle et à s'y adapter. De plus, une santé physique robuste est très utile. J'ai toujours bien dormi dans des lits étrangers. Pendant la période particulièrement intense des visites aux paroisses, il m'est arrivé, en une semaine, de coucher dans six maisons différentes. Je n'ai pas eu de problèmes avec la nourriture, quels qu'aient été les mets sur la table et l'arrière plan culturel de la préparation des repas. Cette absence de difficultés quant à ces questions extérieures m'a beaucoup aidé à rester ouvert aux aspects spirituels et humains de ma tâche.
Comment faut-il se représenter, concrètement, une activité aussi diversifiée?
A titre d'exemple, je vous cite le programme d'une semaine en juin de cette année. Dimanche, j'étais à Munster pour la célébration du centenaire; toute la journée du lundi, séance du cabinet. Mardi, j'ai pris part à une réunion du Comité des constructions de l'EEM suisse, où j'avais à défendre cinq projets de mon district. Mercredi, j'ai présidé la commission immobilière de la paroisse de St-Imier. Vendredi matin, j'ai participé à la réunion du bureau du Conseil d'administration de l'Eglise et l'après-midi, j'étais à Bâle pour une séance du Conseil de fondation du Wesleyhaus. Dimanche enfin, j'étais à Genève pour la célébration du jubilé de cette église. Ce programme d'une semaine - et je n'ai pas parlé de mon travail habituel dans mon bureau, au téléphone ou devant l'ordinateur - montre bien quelle est la variété des tâches et combien il faut pouvoir passer rapidement de l'une à l'autre.
J'ai remarqué que vous avez une excellente mémoire. Vos déclarations en séance peuvent souvent être reprises telles quelles pour le procès-verbal. Est-ce que ce sont, là aussi, des qualités nécessaires à un surintendant?
Je ne voudrais pas affirmer que ces qualités sont indispensables. Mais la faculté de penser de manière systématique et analytique et de formuler sa pensée en un langage compréhensible facilite certainement l'accomplissement d'une telle fonction. Il m'a souvent été donné de contribuer de cette manière au déroulement d'une réunion et les rédacteurs du procès-verbal étaient reconnaissants de pouvoir reprendre directement mes conclusions ou mes résumés.
L'essentiel est d'envisager les défis qui se posent à la lumière de Jésus Christ et de les relever dans cette optique.
On constate au sein de l'EEM une tendance à la professionnalisation. Dans le même temps, on souligne l'importance du bénévolat. De quel genre de personnes l'Eglise a-t-elle besoin?
Je suis persuadé qu'il faut les deux. Mais nous avons besoin de plus de collaboratrices et collaborateurs bénévoles que de professionnels. Ce qui est important, c'est qu'ils disposent tous des dons et de la formation nécessaires à leur activité. Mais, et c'est le plus important, c'est que leur engagement et la manière dont ils s'acquittent de leurs tâches et assument des responsabilités soient fondés sur une relation avec Jésus Christ et sur l'assurance que l'amour de Dieu pour le monde imprègne leur travail et devient ainsi visible.
Quelle allure l'EEM aura-t-elle dans 5 ans?
En fonction des données actuelles, je pense que l'EEM aura moins de pasteurs qu'aujourd'hui. Il y aura également moins de communautés se trouvant en situation précaire et luttant pour leur survie. Mais j'ai confiance qu'il y aura aussi plus de paroisses qui grandissent et qui rayonnent vers l'extérieur enthousiasme et attirance, selon la parole de Jésus: vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde.
Interview: Andy Schindler-Walch parue dans Kirche-und-Welt
Source: EEMNI