L'"ossuaire" du frère de Jésus en passe d'être authentifié

André Lemaire, de l'Université de la Sorbonne à Paris (École Pratique Des Hautes Études), a fait une découverte capitale à Jérusalem en 2002, celle d'un ossuaire très ancien (2000 ans d'âge),; cette pièce funéraire aurait pu contenir les ossements de "Jacques, fils de Joseph, frère de Jésus.", si l'on en croit l'inscription qui orne cette boite funéraire. Mais cette pièce est-elle seulement authentique? Tout ce que la terre compte comme spécialistes en archéologie et en sciences bibliques s'est donné rendez-vous en décembre 2002 à Ontario (Canada) au Musée Royal de l'Ontario, où la pièce unique au monde était exposée. Ils l'ont étudiée sous toutes les coutures et tiré les premières conclusions. Dans les colonnes du journal National Geographic News du 18 avril 2003, Hillary Mayell se fait l'écho du débat qui agite les spécialistes. Nous publions les extraits les plus significatifs de son article:


L'authenticité de l'ossuaire en tant que tel est généralement admise, mais beaucoup de savants se demandent encore si l'intégralité ou du moins une partie de l'inscription ne serait pas une contrefaçon. 


"La pièce a subi depuis un examen approfondi au Musée Royal de l'Ontario et passé avec succès tous les tests," dit Ben Witherington, un professeur de Nouveau Testament au Séminaire Théologique Asbury de Wilmore, dans le Kentucky et coauteur du livre The Brother of Jesus. Le livre, publié le 18 mars, décrit la découverte de cet ossuaire tout en évoquant les temps bibliques et les origines du christianisme. 



"L'ossuaire de Jacques témoigne en faveur de la foi des habitants de ce temps-là: ils croyaient très fort en la résurrection de Jésus," a dit Witherington. "Dans l'antiquité, la crucifixion était la façon la plus humiliante et la plus déshonorante de mourir et les gens croyaient que la façon dont vous mouriez révélait la nature de votre caractère. 


"Si la vie de Jésus avait simplement abouti à la crucifixion, personne de sérieux n'aurait inclus son nom - à une place d'honneur - sur l'ossuaire." 


L'histoire de l'ossuaire


Au cours d'une période de 90 ans, de 20 av. J.-C à 70 ans de notre ère, la communauté juive avait pour tradition funéraire de placer le corps dans une caverne pendant une année ou plus et de récupérer ensuite les os et de les mettre dans une boite dénommée "l'ossuaire", lequel pouvait alors être placé dans une niche au milieu du tombeau familial. 


Plusieurs centaines de tels ossuaires datant de cette ère ont été trouvés, dont 215 comprenaient des inscriptions. Seules deux ossuaires mentionnent un frère. 


"Jusqu'ici, de toutes les inscriptions dont nous disposons, seule une d'entre elles fait mention d'un frère," a dit André Lemaire, un paléographe de l'Université de la Sorbonne à Paris (École Pratique Des Hautes Études). "Cela suggère que le frère en question était aussi une personne en vue, une personne importante." 


Lemaire a découvert l'ossuaire en examinant la collection privée d'Oded Golan, un ingénieur de Tel-Aviv passionné pour les reliques des temps bibliques. Golan acheté la pièce à un revendeur en place à Jérusalem dans les années 70. 


Le fait qu'on ne sache pas quelle était la provenance de l'ossuaire a soulevé des doutes parmi quelques savants. Il importe aux archéologues de savoir le lieu où a été découverte à l'origine un objet, car ainsi on a autant d'indices supplémentaires pour l'authentifier. 


"Le revendeur qui l'a vendu était un homme de réputation douteuse qui avait mené par le passé des transactions inopportunes avec divers musées et agences gouvernementales," a dit Eric Meyers, archéologue à l'Université Duke. 


Meyers ne doute pas un instant de l'autenticité de l'ossuaire et qu'il remonte au premier siècle. L'ossuaire a été examiné à l'origine en Israël par des scientifiques du Groupe chargé des Enquêtes Géologiques (Geological Survey Group), qui l'a estimé à 2,000 années d'âge. Mais les savants sont divisés sur l'inscription. 


"Je suis plus convaincu que jamais que la pièce a été falsifiée et que la partie de l'inscription qui mentionne ' le frère de Jésus' est une contrefaçon insérée à une date ultérieure," a dit Meyers. 


Witherington soutient de son côté que les examens ont permis d'en savoir davantage sur la provenance de la boîte. 


"L'ossuaire est fait de pierre calcaire que l'on trouve au Mont Scopus de Jérusalem et la poussière qui recouvre les parois intérieures provient d'une région spécifique de Jérusalem, Silwan, comme le revendique déjà à l'origine le revendeur antiquaire selon Oded Golan," a-t-il dit. 


Golan, a-t-il ajouté, n'était pas sûr du nom du revendeur qui lui avait vendu l'ossuaire il y a 30 ans. 


Théorie des deux mains


La moitié de l'inscription aurait été nettoyée à un endroit, d'où les doutes émis sur l'authenticité de l'inscription. La pause survient au mot de "frère" et la partie de l'inscription "le frère de Jésus" semble aussi avoir été écrite sous une forme légèrement plus cursive que le début de l'inscription. Il semble par conséquent que l'inscription ait été taillée par deux différentes personnes. 


"Un amateur en Israël a vu une photographie de l'ossuaire et a commencé à répandre le bruit que c'était un travail à deux mains," a dit Ed Keall, directeur du département de Civilisation Orientale et Antique du Proche-Orient du Musée Royal de l'Ontario. 


Le doute, ajoute-t-il, s'est répandu comme une trainée de poudre, une fois publiés les premiers articles autour de cette découverte. 


"Nous avons examiné l'ossuaire très soigneusement et l'avons soumis à des tests analytiques avec un microscope à la lumière polarisée, l'ultra-violet, un microscope puissant (agrandissement à 60 fois) et la microscopie électronique," a dit Keall. 


"J'affirme sans hésitation que l'ossuaire lui-même et l'inscription sont totalement authentiques et que toute cette découverte est compatible avec l'âge présumé de l'ensemble. Il est évident que quelqu'un a nettoyé à fond la partie de l'inscription consacrée à Jacques," a dit Keall. "Mais c'est comme quand vous vous brossez vos dents, peu importe la peine que vous vous donnez, il y a toujours des particules et des pièces qui s'en vont dans l'opération. Et c'est le cas pour l'inscription; il y a toujours des particules et des pièces qui se détachent des recoins et des fissures et elles demeurent compatibles avec le reste de l'inscription." 


Les spécialistes bibliques ont tenu conférence en décembre au Musée Royal de l'Ontario. C'était l'occasion pour un grand nombre d'archéologues de regarder de près l'ossuaire et beaucoup d'entre eux ont été convaincus de son authenticité, a-t-il dit. 


Mais pas tous. L'usure diffère sensiblement suivant le côté de l'ossuaire, ce qui complique les choses. Le côté le plus usé compte deux rosettes taillées et un peu de peinture rouge. Le côté comprenant l'inscription apparaît moins usé. Pour Meyers, c'est la preuve que l'inscription a été taillée à une date ultérieure. 


Il y a une explication raisonnable à ce phénomène, déclare Witherington. 


"La reconstruction du temple de Jérusalem a été en grande partie achevée à l'époque où Jésus était encore un jeune enfant," a-t-il dit. "Aussi les tailleurs en pierre se sont-ils reconvertis dans la taille d'ossuaires. Ils n'ont pas attendu la mort d'une personne pour lui tailler un ossuaire comparable à celui-ci. Ils en ont taillé un certain nombre et les ont ensuite laissés dans la cour, exposés aux intempéries, qui à Jérusalem peuvent être très sévères. Jacques est soudain mort martyr en 62 de notre ère et ils ne pouvaient pas se permettre de dépenser beaucoup d'argent, ils ont donc acheté celui qui avait déjà été taillé, porté sur lui l'inscription et placé en un lieu protégé des éléments." 


Keall a une explication supplémentaire des différences d'usure. 


"Je pense que les rosettes sont sur le front de l'ossuaire et l'inscription sur le dos," a-t-il dit. "Dès lors que l'ossuaire a été placé dans sa niche dans la caverne, on peut imaginer que l'avant de l'ossuaire a été soumis davantage aux intempéries que l'arrière." 


Il y aura toujours des incrédules. 


"On lui a appliqué tous les tests possibles pour déterminer son caractère et son authenticité, mais il y aura toujours une ombre de soupçon et il y en aura toujours qui douteront, parce qu'il n'a pas été récupéré lors d'une fouille archéologique légitime," a dit P. Kyle McCarter, un paléographe à l'Université Johns Hopkins. "Mais ce n'est pas une situation inhabituelle. Nous l'avons rencontrée souvent. »

Source: National Geographic News