France: témoignage d'un chercheur sur les imbrications de la politique et de la religion aux Etats Unis

Pour Mokhtar Ben Barka, maître de conférences en civilisation américaine à l’université de Valenciennes, politique et religion sont étroitement imbriquées à la Maison-Blanche Dnas les colonnes de la Voix du Nord, il pose un regard fataliste sur un conflit aux allures de croisade, déclenché par George W. Bush « sur fond d’appel à Dieu, de messianisme, de manichéisme et de soif de vengeance.» Nous en diffusons quelques extraits:


La mission sacrée de George W. Bush


– Quelle influence a eu le 11 septembre ?

«George W. Bush veut assouvir une soif de vengeance, c’est certain. Il doit montrer aux Américains qu’il est le cow-boy dans sa dimension mythique, celui qui ne se laisse jamais marcher sur les pieds. Comme les premiers puritains, le président Bush, baptisé à l’âge de 40 ans par le célèbre prédicateur Billy Graham, est convaincu que l’Amérique a reçu la mission sacrée d’apporter au monde la liberté. Il vit dans un monde en noir et blanc inspiré par une vision manichéenne. C’est une caractéristique typiquement américaine. Depuis Lincoln, le pays invoque Dieu à ses côtés.»


–Bush, méthodiste fervent, est-il soumis à la religion?

« Je serais plus nuancé: il l’est quand ça l’arrange, comme lors des élections du Mid Term en 2002. Mais la volonté du président américain de détruire par les armes la figure emblématique de «l’axe du Mal» (Irak, Iran et Corée du Nord) a abouti à une curieuse alliance: celle des juifs néo-conservateurs et de la droite évangélique ultraconservatrice, dont l’unique dénominateur commun est le soutien à Israël.»


– Ces courants sont-ils représentés dans l’administration Bush?


«Oui, depuis les attentats du 11 septembre, les néo-conservateurs sont devenus incontournables. Les plus connus sont Richard Perle, président du Defense Policy Board, Paul Wolfowitz, numéro deux du Pentagone, ou encore Elliott Abrams, conseiller du président pour le Proche-Orient. Surnommés les faucons parce qu’ils dirigent le "parti de la guerre", ils bénéficient en outre du soutien du vice-président, Dick Cheney et du ministre de la Défense Donald Rumsfeld.»


– Que représente la droite évangélique ultraconservatrice?


«Un grand danger! Les évangéliques, mais aussi l’Eglise baptiste du Sud, sont heureux de cette guerre contre l’Irak, car ils y voient la perspective de la fin du monde. Des gens comme Gary Bauer, Jerry Falwell ou Pat Robertson, qui soutiennent Georges Bush, sont animés par une vision eschatologique du monde: ils attendent sereinement l’apocalypse, puis le jugement dernier. Eux seuls seront sauvés et protégés, tandis que tous les incroyants seront exterminés.


En menant une telle guerre contre l’Irak, l’Amérique prend le risque de déchaîner, non seulement contre elle mais aussi contre l’Occident, tous les islamistes radicaux. Pour les fanatiques de toutes sortes, ce conflit est du pain béni, un véritable terreau d’épanouissement du terrorisme.»


ndrl: Dans le cadre d'EEMNI, nous ne répèterons jamais assez l'opposition de l'EEM à cette approche manichéenne (combat contre l'axe du mal) comme à l'instrumentralisation de Dieu en politique.


Source: EEMNI