France: aux lendemains du premier tour des élections présidentielles, déclaration des institutions protestantes - espérer toujours en la vie politique

La force et l'honneur d'une démocratie sont de donner la parole à ceux-là même qui la mettent en question. De cette mise en question, nous venons de faire la cruelle expérience.



- Si rien, en effet, n'autorise à contester la légitimité du choix des citoyens au moment où ils déposent leur bulletin de vote dans l'urne, si – de toute évidence – l'extrême droite cumule des votes de conviction et des votes de contestation, nous sommes affligés de voir se porter en si grand nombre nos concitoyens sur une candidature qui cache un vrai déni des valeurs républicaines les plus élémentaires, comme la capacité pour notre pays d'accueillir et de partager, de refuser toute discrimination fondée sur l'origine nationale; comme également la priorité donnée à la tolérance, à la défense des Droits de l’Homme et des libertés publiques, au refus de la peine de mort. 


- Le principe démocratique est tout autant mis en péril par celles et ceux qui n'usent pas de la liberté qui leur est donnée de choisir et de s'exprimer. Le niveau atteint par l'abstention nous inquiète. Nos concitoyens ne savent-ils pas que les extrêmes attirent aussi le vote des mécontents et que, plus la dispersion est grande, plus chaque voix compte? Auront-ils entendu la leçon: que la démocratie est entre les mains de tous et que le choix politique n'est, parfois, que l'expression d'un moindre mal? 


A la veille d'un second tour de l'élection présidentielle qui sera suivi, peu après, par des élections législatives, il nous semble nécessaire de rappeler des valeurs qui nous font espérer en la vie politique et attendre les rendez-vous qu'elle nous propose comme des moments importants pour notre démocratie, donnant à chacun la possibilité de faire entendre sa voix et de prendre en main son avenir. 


- Nous comprenons le vote de contestation qui exprime l'inquiétude de beaucoup. C'est pourquoi nous appelons celles et ceux qui porteront devant nous un projet pour la France à retrouver une proximité toujours plus grande avec les aspirations de nos concitoyens.


- Nous comprenons l'inquiétude, mais nous refusons les fractures de notre société. Nous appelons celles et ceux qui porteront devant nous un projet pour la France, à rendre l'espérance à celles et ceux qui se trouvent à l'écart des biens élémentaires que cette société leur doit: santé, logement, formation, sécurité, retraite décente… chacun doit trouver en France sa place et son avenir.


- Nous comprenons l’inquiétude mais nous refusons la haine, le rejet des étrangers qui ont choisi librement notre pays pour y vivre et y travailler. Notre pays doit leur dire sa volonté sans faille de leur faire place dans le cadre des lois de la République et du principe de laïcité auquel nous, protestants, sommes tellement attachés par notre histoire. Tant de pays d’Europe ont su, il y a longtemps, nous accueillir pour que nous sachions, aujourd’hui, accueillir à notre tour.


- Nous faisons confiance aux choix républicains de nos concitoyens, à leur capacité à se mobiliser pour redonner vie à notre démocratie, rendre à notre pays sa dimension de fraternité et d'ouverture, et redresser son image dans le monde.


- Nous faisons confiance aux hommes et aux femmes politiques de notre pays pour développer une vision de notre avenir commun qui permette à chacun de s'y engager avec espérance et de redonner aux fonctions auxquelles ils aspirent leur vraie dimension de service de tous et de toutes. 


Pasteur Jean-Arnold de Clermont, Président de la Fédération protestante de France,

Pasteur Jacques Stewart, Président de la Cimade, 

Pasteur Frédéric Trautmann, Président du Service protestant de Mission,

Monsieur Hubert Pfister, Président de la Fédération de l'Entraide protestante. 


23 avril 2002

Source: FPF - FEDERATION PROTESTANTE DE FRANCE