Joerg Niederer, surintendant
« Personne n'est juste, pas même un seul » (Rm 3.10). Paul pourrait appliquer ces paroles aux entreprises de mode d’aujourd'hui. Joerg Niederer, en charge de la commission Église et Société dénonce l’exploitation des couturières de l’Europe de l’Est et nous invite à changer nos habitudes de consommation pour des raisons éthiques. En cette semaine de Fashion Week sur Paris, ENroute & eemni dénonce ce scandale.
MADE IN EUROPE – ET DONC ÉTHIQUE ?
Exploitation
L’organisation de politique du développement « La Déclaration de Berne » et la « Campagne Clean Clothes » (vêtements propres) ont étudié la situation des travailleuses des fabriques de vêtements d’Europe de l’Est et sont parvenues à un résultat effarant. Même les labels de mode les plus éthiques ne s’engagent pas suffisamment pour un salaire assurant le minimum vital dans les pays producteurs. Les couturières d’Europe de l’Est sont même plus mal loties que les couturières asiatiques. Leur salaire représente en Bulgarie et en Macédoine 14 % du minimum vital. En Slovaquie, on atteint 21 % et 19 % en Roumanie. Les ouvrières les mieux payées sont celles de Croatie, qui gagnent 36 % du minimum vital. La rétention des salaires et les violations du droit du travail sont monnaie courante en Europe.
D’un point de vue méthodiste, il est intéressant de noter que l’Église évangélique méthodiste est activement présente dans 5 des 10 pays d’Europe orientale étudiés par la Déclaration de Berne dans le cadre de la campagne pour un salaire vital.
Pour en savoir plus
Les fiches par pays publiées par la Déclaration de Berne présentent un tableau dramatique du segment des salaires les plus bas de l’économie de chacun de ces pays.
C’est ainsi qu’en Macédoine, il y avait en 2012 37‘217 personnes employées dans l’industrie textile, soit 7,75% des personnes actives. Mais le salaire qu’une ouvrière du textile y reçoit ne couvre que 25 % de ce dont elle a besoin pour faire vivre une petite famille. Deux citations illustrent crûment le dilemme posé par un emploi précaire et la réalité de ne pouvoir en vivre : « Je prie de rester en vie et en bonne santé pour pouvoir toujours continuer à travailler. Comment pourrais-je sinon toucher un salaire ? », dit une couturière. Et une autre : « Vous vous demandez comment nous survivons ? Mais dites-moi ce que je pourrais faire d’autre ? Sans ce travail, ce serait encore pire. Au moins, nous sommes payées chaque mois ».
Le contenu de ces fiches par pays se trouve sur http://goo.gl/KCJdXF
Objectifs de la campagne
Le but de la campagne pour un salaire vital est d’obtenir que dans un premier temps le salaire des ouvrières du textile soit porté à 60% du salaire médian national. Il revient aux firmes acheteuses, donc aux labels de mode, de s’engager dans ce sens. Mais jusqu’ici, il ne s’est pas encore passé grand-chose. C’est ce que montre le Guide „Fair Fashion?“ de la Déclaration de Berne (http://goo.gl/1PIqEB).
L’application (iPhone et Android) « Fair Fashion? » permet également d’obtenir le guide.
Les consommatrices et consommateurs n’ont donc actuellement pas la possibilité d’acheter des vêtements produits à des conditions salariales correctes. Mais ce n’est pas une raison pour ne rien faire. La Déclaration de Berne formule un certain nombre de propositions. Lors de votre prochain achat de vêtements, vous pouvez par exemple exiger de voir « la facture complète ». Vous trouverez la marche à suivre sur http://emk-kircheundgesellschaft.ch. Ou téléchargez l’application (iPhone ou Android) “Fair Fashion”.
Position de l’EEM
Les méthodistes s’engagent depuis plus de 100 ans pour la justice dans le monde du travail. Les Principes sociaux déclarent, au paragraphe 163 C : „Travail et loisirs“: „Toute personne a le droit de travailler et de recevoir en contrepartie une rémunération appropriée.“ Et c’est précisément de cela qu’il s’agit. Et au paragraphe 163 E „Pauvreté“, nous trouvons : « Étant donné que l’une des principales causes de la pauvreté réside dans le niveau peu élevé des salaires, nous demandons aux employeurs qu’ils offrent à leurs employés un salaire suffisant pour leur permettre de ne pas devoir recourir à l’aide de l’État, que ce soit sous forme de tickets de repas ou d’autres prestations sociales ».
Il est temps de ne plus nous habiller de la pauvreté des couturières d’Europe orientale et de porter des vêtements produits à des conditions salariales équitables.
Jörg Niederer, surintendant, Suisse Nord-Est
Traduction : Frédy Schmid