Chili: la vérité est cruelle et douloureuse à ... entendre

A partir de 1999 était organisée au Chili une «table du dialogue» réunissant des représentants des forces armées, des Eglises et du gouvernement, ainsi que des avocats des droits de l'homme. L'Association des familles des détenus-disparus avait refusé de participer à ces réunions, se montrant sceptique sur la volonté réelle des militaires de fournir des informations sur les 1198 disparus de la dictature, qui a fait au total plus de 3000 victimes.

Les protagonistes de cette table ronde ont signé alors un accord. Selon les termes de cet accord, les auteurs ou les personnes au courant seraient invités l'espace de six mois à témoigner confidentiellement dans des bureaux militaires, devant des prêtres, des pasteurs, des rabbins et des francs-maçons. Le but avoué de l'opération, mettre en lumière le sort de plusieurs centaines d'opposants le plus souvent de gauche devenus les victimes des militaires en 1973 et au cours des années suivantes.

Cette période de consultation générale est arrivée aujourd'hui à son terme.

A la date du 5 janvier, le collectif religieux (comprenant des pasteurs de l'Eglise Evangélique Méthodiste (EEM), civil et militaire a remis son rapport le 5 janvier dernier au président socialiste. Ce document devrait permettre de faire la lumière sur le sort des disparus.

Le président Ricardo Lagos a annoncé, dimanche soir, dans un discours radio-télévisé, avoir reçu de l'armée des informations concernant le sort de 180 détenus et disparus de la dictature (1973-1990). « Ces informations, difficiles à supporter, -des vérités cruelles et douloureuses- disait-il, seront d'une grande utilité pour que la justice puisse établir qu'un nombre proche de 180 personnes détenues et disparues sont mortes, dont 130 jetées en haute mer, dans des fleuves ou des lacs, et 20, dont l'identité n'est pas connue, enterrées dans une fosse commune de la région métropolitaine de Santiago», a précisé le chef de l'Etat, qui a souligné le «courage» des forces armées pour éclaircir le sort des disparus.

Il reste à ce jour à éclaircir le sort de plus de 600 disparus, aussi le président Lagos a-t-il appelé toute personne en possession d'informations à parler. «Ils devraient purifier ainsi leur conscience, et permettre aux parents des victimes de connaître avec certitude le sort des disparus. Ils aideront ainsi tout le peuple chilien à venir à bout de ce traumatisme national».

Lagos a exprimé l'espoir que le Chili passe d'une authentique réconciliation à la fraternisation (fraternidad), difficile processus à ses yeux. "Le Chili ne peut pas regarder vers l'avenir sans dissiper les ombres du passé", pense le président, lequel félicite les militaires qui ont déjà compris cette leçon et apporté leur contribution à la recherche de la vérité.

Même s'il demeure encore beaucoup de points d'ombre, Lagos estime fondamentalement nouveau et essentiel d'avoir réussi cette consultation. Sous la pression, il est vrai, des associations des familles de détenus disparus déterminées à faire éclater la vérité et que justice soit faite. Faisant référence à leur combat inlassable, le président social-démocrate soulignait que l'opinion chilienne n'avait jamais placé la vérité sous ses yeux aussi distinctement qu'aujourd'hui. Les Tribunaux sont prêts comme jamais à rendre la justice. L'affaire est à suivre.... surtout pour l'ex-dictateur Pinochet appelé à s'expliquer devant la justice de ses crimes.


<18.01.2001 

>Source: RNA RPD / sepch (Service de Presse protestant chilien) / Le Monde daté du mardi 9 janvier 2001