Allemagne: manifeste de l’Église des femmes concernant la situation mondiale actuelle

 Partout dans le monde des femmes donnent naissance à des enfants. Quotidiennement elles prennent soin d’eux et assurent ainsi qu’ils deviennent des adultes responsables et matures. Partout dans le monde, des gens cultivent la terre et contribuent à la vie de la communauté. Partout dans le monde, des êtres humains produisent des objets utilitaires et vivent de l’échange de leurs connaissances, habiletés et ressources.


Ces faits fondamentaux du concept de civilisation signifient que la civilisation est un phénomène mondial. Nous nous élevons donc contre l’idée courante qui veut que le monde se sépare clairement en parties civilisées et parties non civilisées, ou même en un empire du bien et un empire du mal.


Des traditions et des comportements qui encouragent et protègent la vie existent dans toutes les cultures, et de même, chaque culture connaît des traditions et des comportements qui entravent la vie. Dans la situation de la politique mondiale actuelle il y a des pratiques qui sont clairement des entraves à la vie : un capitalisme socialement indifférent, des actes terroristes, l’armement technologique extrême, l’exploitation abusive des ressources naturelles, l’incapacité de supporter des différences culturelles, et la dynamique de la vengeance et des représailles. 


2. L’oeuvre civilisatrice des femmes se concentre traditionnellement sur le bien-être des individus et des groupes, le plus souvent dans un contexte familial. Par ailleurs, dans la plupart des cultures existent des interdits plus ou moins rigides concernant la possibilité pour les femmes d’avoir droit à la parole en public ou en politique. Les intérêts féminins, leurs valeurs et leurs contributions à une société juste et harmonieuse sont souvent dévalorisés et désavoués.


Et pourtant il est évident qu’aucune culture humaine ne peut survivre sans les activités quotidiennes par lesquelles les femmes préservent et donnent un sens à la vie. Ainsi, dans les activités guerrières, on compte sur la collaboration silencieuse des femmes dans l’arrière-plan. C’est pourquoi nous insistons pour que les femmes et les hommes qui donnent priorité à une vie commune en paix, sortent de leur existence d’ombre et fassent entendre publiquement leurs valeurs alternatives pour une cohabitation positive des êtres humains dans le monde entier. Nous y voyons une perspective mondiale pour une politique de paix, qui est déjà pratiquée et qui doit être perçue et vécue davantage.


3. En tant que femmes de sociétés occidentales nous reconnaissons les libertés pour lesquelles les femmes ont lutté avant nous. Ces libertés se manifestent aujourd’hui par les droits égaux des femmes et des hommes dans la vie privée et publique. Mais nous réalisons que les buts des mouvements féministes ne sont pas encore atteints. Les femmes ont obtenu l’égalité formelle au sein de certaines cultures; cependant, certaines valeurs traditionnellement masculines sont considérées comme les seules réponses efficaces pour résoudre les conflits mondiaux : la compétition, la pensée dualiste, la guerre et les autres mécanismes de domination. 


Nous intervenons en faveur des valeurs féminines qui se sont développées dans le cadre de l'oeuvre civilisatrice des femmes, et nous voulons que ces valeurs soient reconnues et appliquées. Les hommes comme les femmes peuvent les mettre en pratique : en respectant autrui, en donnant la priorité au bien-être concret plutôt qu’à l’application de principes généraux; en prenant conscience de la vulnérabilité et des besoins fondamentaux de tous les humains, en pratiquant l’écoute et la patience.


4. La religion fait partie de chaque civilisation humaine. Être religieux signifie reconnaître des réalités qui existent au-delà du pouvoir des individus. Ces réalités permettent de donner un sens à la vie et la foi en elle doit être respectée. Pour la finalité de cette spiritualité élémentaire, non dénominationnelle, on donnera aux autres humains, cultures et modes de vie l’espace nécessaire à leur épanouissement. Toutefois personne ne peut posséder le Bien; par conséquent, la spiritualité vécue dans cette perspective humble permet une ouverture sur des avenues chargées de surprises, de nouvelles compréhensions, ainsi que des conflits et des révélations qui viennent de cet Autre qui est indisponible. De pas sa nature, cet Autre (la divinité, le divin) ne peut ni être possédé ni être utilisé à des fins quelconques. Une telle compréhension de la religion exclut donc que des individus ou des groupes jugent, mettent en danger ou même tuent d’autres humains. Le christianisme n’a malheureusement pas su éviter ce danger au cours de son histoire. Partout ou l’indisponible Autre est inscrit dans des systèmes dogmatiques il est abusé, par exemple dans la mains mise du patriarcat sur le christianisme pendant des siècles.


5. Partout dans ce monde on peut sentir le désir des femmes de faire évoluer leur destin et celui de ce monde. Nulle part les énergies qui travaillent à une meilleure vie pour tous les humains peuvent être arrêtées. À l’ombre de l’ordre patriarcal, apparemment omnipotent, les signes du début d’un nouvel ordre sont évidents. Par exemple, des Américaines se prononcent ouvertement, dans la rue, dans les églises, dans des journaux et même au Congrès, contre la campagne de vengeance de leurs politiciens.


Des Afghanes osent continuer d’informer le monde de la situation oppressive contre les femmes dans leur pays, mais aussi de leur force. Elles travaillent infatigablement et dans les conditions les plus difficiles pour un minimum d’éducation, de soins de santé, de vêtements, de nourriture et de logements, ainsi que pour un avenir démocratique de leur pays qui donnera aux femmes le droit de participer à la vie publique et politique.


En Israël et en Palestine, aussi bien qu’en ancienne Yougoslavie, des femmes ont démontré pendant des années que la lutte commune pour une vie en paix est possible, même au-delà des frontières et des fossés profonds.


Nous, des femmes de foi et féministes de l’Allemagne, de l’Autriche, de la Suisse et de plusieurs autres pays, nous exprimons par ce manifeste notre solidarité avec toutes celles et tous ceux qui travaillent dans le monde entier pour des idées et des actes nouveaux. 


Ensemble nous croyons à l’apparemment impossible, notre richesse réside dans la force de notre désir commun pour une meilleure vie pour tous les êtres humains. 


Cette richesse se manifeste par notre capacité de faire confiance à nos propres observations, à notre discernement et à nos intuitions, et en reconnaissant les limites du pouvoir humain. 


Nous sommes prêtes à apprendre ensemble, et l’une de l’autre; nous voulons être aussi honnêtes et respectueuses que possible, et nous faisons confiance à la force qui grandit par et dans les relations humaines. 


Nous allons utiliser cette richesse généreusement!


Les personnes qui souhaitent des renseignements au sujet du manifeste peuvent s'adresser à moi ou, dans le cas de la Suisse, à Dr. Ina Praetorius, une théologienne qui a participé très activement à nos travaux (i.praetorius@bluewin.ch)



Source: EEMNI