Grande Bretagne : Une marche symbolique de repentance pour l'Église d'Angleterre - Contre l'esclavage d'hier et d'aujourd'hui

Le 24 mars à Londres, l'Église d'Angleterre, reconnaissant son rôle dans la traite des esclaves, prendra part à un acte de repentance national. Tout le pays est attendu pour une marche menée par Rowan Williams, archevêque de Cantorbéry, et son adjoint John Sentamu, archevêque de York, d'origine ougandaise, dans la cadre du bicentenaire de l'abolition de la traite des esclaves dans ce qui était alors l'Empire britannique. La décision des anglicans de commémorer la loi de 1807 sur l'abolition de la traite des esclaves par un acte de « souvenir, repentance et réparation » a été prise en 2006 par le synode de l'Église d'Angleterre. Celui-ci avait alors présenté ses excuses aux descendants des esclaves pour la participation de l'Église à la traite. Le synode avait appris que l'Église possédait une plantation à la Barbade, à travers sa branche missionnaire, la Society for the Propagation of the Faith in Foreign Parts (Société pour la propagation de la foi en terre étrangère), où les esclaves recevaient une marque de propriété. Les détails de la participation de l'Église d'Angleterre à la traite font toujours l'objet d'une étude. Une subvention de 76 000 euros aurait été allouée par la Loterie nationale britannique pour recruter des spécialistes et lancer des recherches.


Lors de la marche, une croix géante sera portée et des percussionnistes africains joueront des lamentations. Le cortège s'arrêtera à plusieurs endroits pour laisser place à la réflexion avant une célébration en plein air dans le parc de Kennington. Ce lieu est historique. John Wesley, fondateur du méthodisme, y prêchait devant 50 000 personnes en 1739, avant que cela ne devienne tout au long du XVIIIème siècle le lieu des exécutions publiques, puis le lieu de naissance de la démocratie anglaise en 1848. Les marcheurs seront invités à signer une pétition appelant le gouvernement à prendre davantage de mesures pour mettre fin à l'esclavage moderne dans le monde.

À propos de la traite des êtres humains, que l'on considère généralement comme une forme moderne d'esclavage, le pasteur Alan McDonald, modérateur de l'Église d'Écosse, a salué le projet de la Grande-Bretagne d'adhérer à la Convention européenne sur la lutte contre la traite des êtres humains. Cette mesure, qui a déjà reçu le soutien de plus de 30 États, dont la France, donnera aux victimes de la traite des être humains le droit de rester sur le territoire britannique pour une période minimale de 30 jours « de récupération et de réflexion ». « La situation précédente - où les victimes de la traite des êtres humains et de l'esclavage sexuel étaient immédiatement expulsées vers leur pays d'origine - était cruelle et inhumaine » confie le pasteur Mc Donald.


L’Eglise anglicane s’excuse


Lors de son synode à Londres, l’Eglise anglicane s’est officiellement excusée pour son rôle dans la traite négrière. 


L’Eglise anglicane a présenté ses excuses pour son rôle dans la traite négrière, « reconnaissant les dégâts causés aux héritiers de ceux qui ont été placés en esclavage ». Réunie en synode mercredi à Londres, elle a voté en faveur de ces excuses officielles alors qu’elle débat actuellement d’une motion sur les conséquences « honteuses et déshumanisantes » de l’esclavage, dont le bicentenaire de l’abolition sera célébré en 2007 en Grande-Bretagne. La déclaration de mercredi a fait suite à un débat passionné, certains évêques faisant valoir que l’ensemble du pays devait partager cette culpabilité et pas seulement l’Eglise. Mais l’idée a été soutenue par la majorité des prélats présents, dont l’archevêque d’York, Dr John Sentamu, le premier noir à accéder à cette charge, et l’archevêque de Canterbury, Rowan Williams, chef spirituel des 77 millions d’Anglicans du monde entier, qui a déclaré que ces excuses étaient « nécessaires ». « L’Eglise a le devoir de partager la honte et les péchés de nos prédécesseurs. Il ne s’agit pas de politiquement correct. Cela fait partie de ce que nous sommes en tant que communauté chrétienne ».


C’est le révérend Simon Bessant, de Blackburn (nord de l’Angleterre), connu pour condamner le racisme comme un « péché », qui, dès le mois de janvier, a lancé le débat pour savoir si l’Eglise devait oui ou non présenter des excuses. Il avait alors appelé les évêques à « confesser leurs péchés devant Dieu » pour le support, direct et indirect, que l’Eglise avait apporté à la traite transatlantique. « Il est temps de lever la main et de dire que nous avons aussi pris part au problème. Car l’Eglise a non seulement apporté une aide morale aux milliers de propriétaires d’esclaves de l’empire britannique, mais une agence missionnaire était également propriétaire de dizaines d’esclaves dans une plantation à la Barbade.» Des évêques auraient aussi possédé des centaines d’esclaves à titre individuel.


Marqués au fer rouge


« Même si l’aile évangélique de l’Eglise s’est levée contre l’esclavage, ce n’est pas assez pour condamner la complicité de l’institution dans la pratique esclavagiste », explique le révérend Bessant qui précise que certains membres de l’Eglise l’ont pressé d’arrêter de parler du problème, de peur que des excuses ne mènent à des poursuites judiciaires contre l’Eglise. Cela ne l’a pas empêché de largement participer aux débats de mercredi. Il a rappelé que l’Eglise anglicane avait joué un rôle dans l’esclavage via la Société pour la propagation de la parole dans les contrées lointaines et via les propriétés de celle-ci, comme la plantation Codrington à la Barbade. Le révérend a indiqué que le mot « Société » était marqué au fer rouge sur la poitrine des esclaves appartenant à l’église anglicane.


Parmi les dirigeants de la Société se trouvaient alors l’archevêque de Canterbury ainsi que les évêques de Londres et de York. Il a également rappelé que lors de l’émancipation des esclaves, seuls leurs anciens propriétaires ont été indemnisés financièrement. L’Eglise a reçu 9 000 livres (500 00 livres d’aujourd’hui) pour la perte de ses esclaves dans la plantation de la Barbade. L’évêque d’Exeter (sud de l’Angleterre) et trois de ses partenaires en affaires dans les colonies ont touché 13 000 livres en 1833 en compensation des 665 esclaves qu’ils avaient dû libérer.


Pas de réparations financières


« Nous étions au cœur de l’esclavage, nous étions directement responsables de ce qui est arrivé, nous pouvons même dire que nous possédions des esclaves, nous en avions même labellisés certains, c’est pourquoi je pense que nous devons reconnaître notre histoire et présenter nos excuses », a expliqué le révérend Bessant. Suite à ces excuses, qui se placent en droite ligne de celles formulées par l’ancien Pape Jean-Paul II pour l’Inquisition et l’antisémitisme de l’église catholique romaine, la question des réparations financières pour les descendants d’esclaves s’est aussi posée mercredi. Les hommes d’Eglise répondent d’une seule voix qu’il n’en est pas question.


Les excuses de l’Eglise anglicane ont eu lieu quinze jours après le coup d’envoi à la préparation du bicentenaire de l’abolition de l’esclavage. La Grande-Bretagne a adopté le 25 mars 1807 la loi sur l’abolition de la traite des esclaves et en 1833, une loi interdit l’esclavage dans l’Empire britannique. Une commission consultative a été constituée pour coordonner les diverses manifestations de l’année prochaine et le gouvernement a déclaré qu’il allait donner 28,6 millions de dollars en 2006 aux associations et aux musées pour monter des projets. L’Eglise anglicane souhaite utiliser cet anniversaire pour promouvoir les valeurs chrétiennes et attirer l’attention sur l’esclavage moderne. Elle veut encourager les gens à connaître le réformateur anglican William Wilberforce, qui a conduit la campagne au Parlement pour abolir l’esclavage, au début du 19e siècle.


En savoir plus: www.makingourmark.org.uk

Source: Bulletin d'information protestant 1643-15 février 2007/ENI/Assist News Service/RFI/eemni