Les représentants religieux multiplient les critiques à l'encontre du projet de loi sur l'immigration qui vise à durcir les conditions du regroupement familial, haussant particulièrement le ton contre la proposition d'instaurer des tests ADN.
Les sénateurs examinent mardi après-midi en séance le projet de loi sur l'immigration de Brice Hortefeux, adopté le 20 septembre à l'Assemblée.
Les représentants religieux --catholiques, protestants et musulmans-- s'en prennent d'abord à l'esprit général du projet de loi parce qu'il fait une différence entre "bons et mauvais migrants", comme le souligne la Conférence des évêques.
Cette instance dirigeante de l'Eglise catholique française a déploré lundi la mise en place de "mesures toujours plus restrictives contre les migrants", y voyant des "concessions à une opinion dominée par la peur plutôt que par les chances de la mondialisation".
"Si nous comprenons le souhait du gouvernement de mieux adapter l'immigration aux besoins et à la capacité d'accueil du pays, il ne nous paraît ni convenable ni conforme à nos valeurs chrétiennes de vouloir contingenter l'exercice du droit des étrangers à vivre en famille", a souligné la Fédération protestante de France, dans un communiqué.
Le Centre d'Action sociale protestant, la Cimade, la Fédération de l'Entraide protestante, la Fondation de l'Armée du Salut, la Mission populaire évangélique de France se sont associés à ce texte.
Mais plusieurs dispositions plus ponctuelles du projet suscitent aussi les critiques des religieux. Il s'agit de l'imposition de tests ADN aux candidats au regroupement familial, de la réduction du délai fixé aux demandeurs d'asile pour déposer un recours, et de l'exclusion des sans-papiers du dispositif d'hébergement d'urgence.
A propos des tests ADN, les évêques dénoncent "le risque d'une grave dérive sur le sens de l'homme et la dignité de la famille".
La Fédération protestante se déclare, elle, "choquée" par "cette intrusion dans la vie privée et l'intimité des familles". "Tout comme il est choquant de constater que la représentation nationale accepterait une telle intrusion dans la vie des familles étrangères alors qu'elle le prohibe à l'égard des familles françaises".
Le recteur de la mosquée de Lyon, Kamel Kabtane, a pour sa part écrit la semaine dernière au président du Sénat, Christian Poncelet: "notre humanisme profond de musulman est heurté par ce recours banalisé à l'ADN".
Rappelant que "le cadre légal a été fixé par les lois bioéthiques de 1994", le recteur estime que "l'identification par empreinte génétique n'est pas à la libre disposition des personnes (...) Ce qui est une infraction pour l'ensemble des citoyens, deviendrait la règle recommandée pour les étrangers", regrette M. Kabtane.
La Fédération protestante, la Cimade et de nombreuses associations s'occupant des droits des étrangers dénoncent également "la réduction de moitié du délai --d'un mois à quinze jours-- pour que les demandeurs d'asile puissent saisir la commission des recours des réfugiés". Une mesure "dont la portée concrète risque fort de réduire à bien peu ce droit d'appel essentiel pour les réfugiés", estime la Fédération.
Enfin, un autre amendement, rédigé par Thierry Mariani (UMP) et passé inaperçu lors de son adoption par l'Assemblée, a suscité la réprobation générale des associations, car, soulignent-elles, il "vise à exclure les sans-papiers du dispositif d'hébergement d'urgence et de stabilisation".
Une "rupture avec toutes les traditions d'accueil de la société française", commentent la Cimade et Emmaüs.
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La Fédération protestante de France se positionne par rapport au projet de loi sur l'immigration
Sur l’initiative du président de la Fédération protestante de France (FPF), le pasteur Claude Baty, des représentants des associations, membres de la Fédération et engagées dans le domaine social (le Centre d'Action Sociale Protestant – CASP, la Cimade, la Fédération de l’Entraide Protestante, la Fondation de l’Armée du Salut, la Mission Populaire Évangélique de France), se sont rencontrés à plusieurs reprises pour partager leurs préoccupations et réfléchir à la manière de communiquer ensemble. La situation des immigrés sans papier, les quotas de reconduites à la frontière, le projet de loi du gouvernement sur l’immigration, autant de points qui ont interpellé ce groupe de réflexion et incité la Fédération protestante à s’exprimer, portant ainsi une parole commune dans un communiqué rendu public le 1er octobre. Cette parole est bien sûr dite au nom de l’ensemble de la Fédération.
Catholiques et protestants souhaitaient partager une déclaration sur ce sujet. Mais il n’a pas été matériellement possible de faire aboutir ce projet dans les délais imposés par le rythme de l’actualité politique. Cependant, la proximité du communiqué de la FPF et de la déclaration de la Conférence des évêques de France témoigne du même souci de vigilance sur la fragilisation des familles étrangères et des demandeurs d’asile et rappelle les valeurs évangéliques d’accueil et de protection du plus faible.
Les questions que soulèvent les migrations interrogent une fois de plus nos sociétés à l’occasion de la discussion d’un nouveau projet de loi présenté au Parlement.
Dans son esprit, comme dans son contenu, le texte qui vient d’être adopté ces derniers jours à l’Assemblée nationale et qui sera présenté dans les tout prochains jours au Sénat soulève plusieurs questions de principe qui ne peuvent laisser les Églises indifférentes :
C’est tout d’abord la volonté affirmée par le ministre de l’Immigration, de l’Intégration et de l’Identité nationale, comme par les membres de sa majorité, de réduire l’immigration familiale au profit d’une immigration économique. Si nous comprenons le souhait du gouvernement de mieux adapter l’immigration aux besoins et à la capacité d’accueil du pays, il ne nous paraît ni convenable ni conforme à nos valeurs chrétiennes de vouloir contingenter l’exercice du droit des étrangers à vivre avec leur famille. Nous craignons que les mesures envisagées viennent encore plus fragiliser des milliers de familles déjà en difficulté.
C’est l’instauration d’un test génétique aux fins de vérification ou d’authentification des membres d’une famille. Cette intrusion dans la vie privée et l’intimité des familles nous choque, tout comme il est choquant de constater que la représentation nationale accepterait une telle intrusion dans la vie des familles étrangères alors qu’elle le prohibe à l’égard des familles françaises.
C’est aussi la réduction de moitié du délai pour que les demandeurs d’asile puissent saisir la commission des recours des réfugiés, mesure dont la portée concrète risque fort de réduire à bien peu ce droit d’appel essentiel pour des réfugiés qui ont fui et sollicitent la protection de la France. Nous ne pouvons oublier, à cet égard, la promesse que l’État nous avait faite, en avril 2006, de ne pas modifier négativement ce délai.
C’est encore l’amendement qui prévoit d’exclure les personnes sans papiers de la possibilité de se maintenir dans les structures d’hébergement d’urgence. Pour nos Églises, la protection et l’assistance à apporter aux plus pauvres ne peuvent tolérer aucune discrimination.
Les risques de fragilisation accrue des familles étrangères et des demandeurs d’asile ne peuvent laisser les chrétiens sans réaction. C’est pourquoi nous invitons les parlementaires à porter dans leurs débats et votes à venir la plus grande attention au respect et à l’attention que chaque personne et chaque famille pourront, ou non, recevoir du fait des mesures qu’ils s’apprêtent à adopter.
La Fédération protestante de France invite, quant à elle, les Églises membres de la Fédération protestante et les mouvements qui leur sont proches à veiller aux conditions d’accueil, de protection et d’accompagnement des migrants. Elle s’attachera à ce que, dans un contexte souvent marqué par la méfiance, les valeurs d’humanité, de confiance et d’intégration, prédominent dans notre pays.
Fédération protestante de France
Avec Le Centre d'Action Sociale Protestant – CASP
La Cimade
La Fédération de l’Entraide Protestante
La Fondation de l’Armée du Salut
La Mission Populaire Évangélique de France
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Dans un communiqué rendu public aujourd’hui, la Cimade appelle les parlementaires à se mobiliser contre le projet de loi relatif à l’immigration et l’intégration pour garantir les droits fondamentaux des étrangers
La Cimade est un organisme oecuménique qui dès son origine se donne pour objectif de défendre dans notre pays la condition du demandeur d’asile et de l’étranger. Dans un communiqué publié aujourd’hui, l’association lance un appel pressant aux parlementaires (eemni).
Le projet de loi relatif à l’immigration tel qu’il a été durci par l’Assemblée nationale est aujourd’hui soumis aux sénateurs. C’est une nouvelle étape d’une répression et d’une stigmatisation accrue des étrangers qui portent atteinte à leur dignité et à leurs droits fondamentaux.
Le droit de vivre en famille des personnes migrantes sera soumis à des exigences supplémentaires inutiles et injustifiées
Présentées comme des mesures visant à favoriser l’intégration des étrangers en France, les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale provoqueraient au contraire l’exclusion et la désintégration des familles.
Les délais de recours votés par l’Assemblée Nationale ne permettront pas l’exercice d’un recours effectif en matière de droit d’asile
La réduction de ces délais à 15 jours devant la commission de recours des réfugiés et à 24 heures en cas de refus d’entrée en France au titre de l’asile rend quasiment impossible l’exercice effectif du droit d’asile, pourtant reconnu comme un droit fondamental.
Pour atteindre les objectifs chiffrés en matière d’expulsion, le projet de loi limite considérablement les possibilités de contestation des mesures d’éloignement
Absence de motivation des décisions d’obligation de quitter le territoire, suspension des droits des personnes pendant leur transfert vers les lieux de rétention les empêchant d’assurer leur défense, possibilité de maintenir une personne en zone d’attente malgré une décision de libération prononcée par le juge des libertés et de la détention.
Enfin, la loi exclut les personnes en situation irrégulière du principe du maintien dans un hébergement d’urgence, instauré par la loi relative au droit au logement opposable
Cette exclusion est inadmissible. Laissera-t-on mourir de froid des hommes et des femmes parce qu’ils sont sans papiers ?
La Cimade appelle donc tous les parlementaires, les sénateurs aujourd’hui, les députés demain dans le cadre de la commission mixte paritaire, à se mobiliser contre ce projet de loi qui, sous couvert de lutte contre l’immigration clandestine et d’actions en faveur de l’intégration des étrangers, porte gravement atteinte à la dignité des personnes et à leurs droits les plus fondamentaux, le droit de vivre en famille, le droit d’asile et le droit à un procès équitable.
La Cimade fait parvenir ce jour à tous les sénateurs un courrier récapitulant l’ensemble des dispositions qui suscitent son inquiétude et sa réprobation. Elle s’associe et participera par ailleurs à l’initiative d’Emmaüs France devant le sénat cet après-midi.
Source: AFP/cimade/FPF/eemni