"Que se fasse ce que Dieu veut"
Lundi 22 avril, cette phrase a été prononcée par Eduardo Duhalde, Président de la République Argentine, quand il constatait que le parlement rejetait une proposition de loi de son gouvernement. Cette loi fixait une nouvelle échéance de 10 ans concernant la possibilité pour les épargnants de retirer leur argent. Beaucoup de commentateurs ont souligné le caractère liberticide de cette loi qui aurait de plus provoqué des évasions bancaires pour les nantis. L'Evêque Méthodiste en fonction, la pasteure Nelly Ritchie a écrit une lettre ouverte au Président de la République. Voici ce qu'elle dit:
"Que se fasse ce que Dieu veut? Oui, ce que Dieu veut! La phrase a frappé mes oreilles comme une tentative de réponse au manque de réponses. Puis cette phrase a blessé mes yeux quand je l'ai lue à la Une d'un grand quotidien en tant qu'affirmation de l'incapacité de voir et d'écouter la clameur du peuple.
Que se fasse ce que Dieu veut. Je ne sais pas si c'est la légèreté avec laquelle on invoque le nom de Dieu qui me fait le plus mal ou si c'est le fait que l'on unit Dieu avec le "final", le "fatal", le "terminal", avec l'incapacité humaine de bien faire et pour le bien. Voulons-nous vraiment que se fasse ce que Dieu veut? Parce que nous savons parfaitement ce que Dieu veut!
DIEU VEUT que nous n'ayons pas d'autres dieux devant sa face. Par conséquent DIEU NE VEUT PAS que nous déifions le Marché, ni que nous fassions un absolu de nos modèles politiques et économiques.
DIEU VEUT que nous n'ayons pas d'idoles et que nous ne nous inclinions pas devant elles. Par conséquent, DIEU NE VEUT PAS notre soumission au FMI, à la Banque Mondiale, aux pouvoirs "pantins" et aux oligarchies nationales.
DIEU VEUT que nous ne fassions pas de mauvais usage de son nom. Par conséquent, DIEU NE VEUT PAS que nous utilisions son nom pour dissimuler ou soumettre, pour conditionner ou limiter des volontés.
DIEU VEUT que nous travaillions 6 jours et que nous nous reposions le 7ème. Par conséquent, DIEU NE VEUT PAS le chômage, ni l'exploitation, ni le manque de possibilité pour créer et re-créer, pour étudier et chercher.
DIEU VEUT que nous honorions nos parents. Par conséquent, DIEU NE VEUT PAS que nos retraités mendient, souffrent et meurent en vie.
DIEU VEUT que nous ne commettions pas de meurtre. Par conséquent, DIEU NE VEUT PAS la mort provoquée par la famine, le manque d'attention médicale, la violence institutionnelle, celle des lois injustes, ni la confrontation du pauvre contre le pauvre.
DIEU VEUT que nous ne commettions pas d'adultère. Par conséquent, DIEU NE VEUT PAS la tromperie, l'exploitation des personnes, la falsification de la vérité et de la justice.
DIEU VEUT que nous ne volions pas. Par conséquent, DIEU NE VEUT PAS le pillage systématique des ressources du peuple, ni des ressources naturelles, ni le vidage du pays. Il ne veut pas non plus que nous volions l'espérance et l'avenir de nos jeunes.
DIEU VEUT que nous ne prononcions pas de faux témoignage contre notre prochain. Par conséquent, DIEU NE VEUT PAS de lois dissimulant l'illégitimité des avantages que bénéficient quelques uns au nom de tous.
DIEU VEUT que nous ne convoitions pas. Par conséquent, DIEU NE VEUT PAS que spéculions avec la faim et les nécessités de notre peuple, ni que nous oeuvrions de façon mesquine pensant à notre propre bénéfice.
Voilà ce que DIEU VEUT selon Sa Parole (Exode 20). Ou encore selon les anciennes paroles du prophète Michée "On t'a fait connaître, ô homme, ce qui est bien, et ce que l'Eternel demande de toi: c'est que tu pratiques la justice, que tu aimes la miséricorde, que tu marches humblement avec ton Dieu." Si nous voulons connaître la volonté de Dieu, nous la trouverons explicite dans Sa Parole écrite et vécue dans la foi par beaucoup de personnes simples et honnêtes de notre peuple. Si nous voulons faire cette volonté, il nous faudra la traduire en actions honnêtes, en gestes solidaires, en lois justes, en justice transparente, en capacité de gouverner, en construction d'une société démocratique, pluraliste et juste qui protège nos gens et notre sol. Nous espérons qu'il en soit ainsi pour que nous récupérions la dignité d'un peuple qui vit avec joie et liberté sur sa terre. Que se fasse ce que Dieu veut? Oui, que se fasse réellement ce que Dieu veut!
Nelly Ritchie, Evêque de l'Eglise Evangélique Méthodiste Argentine.
(Traduction : Etienne Rudolph)
Mais qui est NELLY RITCHIE, quel est son parcours, quelle est la pointe de son combat à la tête de l'Eglise Evangélique Méthodiste (EEM) d'Argentine? Etienne Rudolph, pasteur dnas la province de Patagonie répond à cette question:
Les 16, 17 et 18 juin 2001, l'Église Évangélique Méthodiste argentine se réunissait pour sa XVIIeme Assemblée Générale (synode). "Nous vivons un moment historique pour les Églises d'Amérique du Sud." Avec cette phrase, l'évêque sortant, Aldo M. ETCHEGOYEN, commentait avec joie l'élection de la pasteure Nelly RITCHIE à la fonction d'évêque. En effet, la nouvelle élue est la première femme à accéder à un tel poste sur l'ensemble du continent sud-américain. L'évêque RITCHIE est née en 1946 dans le village de Dolavon, en Patagonie. Sa famille, d'origine galloise, a rejoint l'Église Méthodiste dans cette région parce que c'était une Église "en mission", selon les propres paroles de Nelly RITCHIE. Après des études d'enseignante, elle commence en 1973 sa formation théologique en Argentine, pour la terminer au Costa Rica. Elle a occupé le poste de pasteure dans différentes paroisses méthodistes d'Argentine et a été nommée surintendante de la Patagonie en 1985. De 1991 à 1998, elle a été une des vice-présidentes du Conseil Oecuménique des Églises (COE, Genève). Dans la deuxième moitié de cette période, elle a commencé une thèse de doctorat qu'elle souhaite terminer prochainement. Le thème de sa thèse traite des ministères à partir d'une perspective latino-américaine et féministe. Sa nouvelle fonction lui permettra-t-elle de mener à terme sa thèse? Elle espère pouvoir enrichir ses recherches grâce à ses nouvelles responsabilités. L'ayant rencontrée à plusieurs reprises, nous avons vu une femme volontaire, chaleureuse et ouverte aux autres, consacrée, capable et convaincue par l'Évangile et consciente de son rôle de témoignage. Les points forts de son premier message en tant qu'évêque ont été la "nécessité de retrouver et de récupérer l'engagement missionnaire et de construire une Église inclusive, ces deux aspects ne pouvant se faire qu'autour de la personne de Jésus Christ." Ses engagements personnels au cours de son ministère témoignent de la conviction profonde de son message. La grave crise socio-économique que traverse l'Argentine doit permettre aux chrétiens, selon Nelly RITCHIE, de retrouver la réelle valeur de la prière et de l'engagement par le témoignage véritable auprès de nos contemporains. Puisse Dieu l'accompagner et la soutenir dans sa nouvelle tâche pour que son service contribue à l'avancement du règne de Dieu.
Etienne Rudolph
Source: EEMNI