USA, Georgia, Atlanta : Journée Martin Luther King - racisme et guerre toujours d’actualité

« Il me semble qu’en Amérique, nous sommes dans une situation ambiguë par rapport au problème racial », déclare un évêque évangélique méthodiste qui a pris l’habitude d’écrire chaque année, en l’honneur de Martin Luther King jr., une lettre attirant l’attention sur les éléments de sa vision qui se sont vérifiés ou au contraire qui ont été contrecarrés au cours des 12 mois précédents.


« D’une part », écrit l’évêque Woodie W. White, « le racisme systémique et institutionnel fait place à une société racialement plus inclusive. D’autre part, au quotidien, des actes individuels de discrimination et de racisme sont toujours monnaie courante».


Sa dernière épître attire aussi l’attention sur les circonstances tragiques et de plus en plus graves relatives à la guerre et l’occupation en Irak, dans laquelle les USA ont joué un rôle-clé.


L’évêque White écrit sa « lettre d’anniversaire » au pasteur King en rapport avec les développements de l’égalité raciale aux Etats-Unis. Désormais retraité et servant en tant qu’évêque en résidence à l’Ecole théologique Candler, à Atlanta – une institution liée à l’Eglise évangélique méthodiste – White a été le premier directeur exécutif de l’agence de surveillance de la dénomination en matière d’égalité raciale, la Commission sur la religion et la race. 


L’anniversaire de Martin Luther King jr., qui est né un 15 janvier, est fêté par les Américains le troisième lundi de ce même mois, institué jour férié. King était un pasteur baptiste et un activiste des droits civiques, assassiné en raison de son travail intrépide, au nom de l’Evangile, contre l’injustice.


Voici le texte de la lettre 2007 de l’évêque White: 


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Cher Martin,


En t’écrivant cette année, je suis fortement tenté de ne pas mentionner ce qui me pèse le plus : la guerre dans laquelle notre nation est engagée. Je suis sûr que si tu étais ici, ta voix se ferait entendre, comme celles des prophètes d’antan. 


Ce qui m’amène à ressentir profondément combien ta voix nous manque. Combien de fois n’ai-je pas eu envie d’entendre ta voix. La tienne était unique. Tu parlais avec tant de passion, de clarté et d’autorité morale. Tu avais la capacité de changer les cœurs aussi bien que les actions. 


Il me semble qu’en Amérique, nous sommes dans une situation ambiguë par rapport au problème racial. D’une part, le racisme systémique et institutionnel fait place à une société racialement plus inclusive. D’autre part, au quotidien, des actes individuels de discrimination et de racisme sont toujours monnaie courante.


Je crois que l’Amérique blanche ne comprend pas réellement que les Américains noirs vivent dans l’incertitude de savoir quand et où ces actes auront lieu. Ils se produiront sous la forme d’actes ou de remarques d’une serveuse de restaurant, d’un chauffeur de taxi, d’un surveillant, d’un collègue de travail, d’un employé ou même d’un « ami ». Et c’est bien ainsi que cela se passe souvent. 


Martin, je me suis vraiment réjoui de l’élection d’un Afro-Américain au poste de gouverneur du Massachusetts. Je me souviens très bien des émeutes et de la violence à l’époque des bus scolaires interraciaux à Boston. Mais cet événement significatif n’a guère retenu l’attention des médias nationaux ou même de la population noire en général.


Est-ce que ce genre de « premières » en matière raciale, pourtant si novatrices, sont devenues tellement habituelles qu’elles ne retiennent plus l’attention ? Je me dis qu’en un sens, c’est un pas positif ; mais de ne pas le célébrer du tout réduit quand même sa portée par rapport à l’ensemble du problème. 


Presque au même moment, un comédien blanc populaire, irrité par le bruit produit par deux spectateurs noirs, déversa de la scène une avalanche d’épithètes raciaux. Cela attira l’attention des médias nationaux et des réactions de dirigeants nationaux. La communauté noire a entamé un nouveau débat sur l’usage du mot « N » (N.du traduct. : nègre), qui est la façon dont on évoque aujourd’hui cette injure raciste.


Il est intéressant de noter que cet événement-ci est cité comme une preuve du chemin que l’Amérique a encore à faire, tandis que celui-là n’est pas cité comme preuve de ce que l’Amérique a déjà accompli !


Martin, je suis arrivé à la conclusion désabusée que nous serons encore longtemps confrontés à des actes individuels de discrimination et de racisme. Ils semblent être enfouis dans le psychisme humain à l’état endémique. Le racisme et les préjugés peuvent être enracinés très profondément. Ils ne disparaissent pas automatiquement avec le passage des générations. En fait, j’ai noté avec tristesse que certains petits-enfants ont plus de préjugés que leurs grands-parents. Les questions du racisme et de la discrimination doivent être ré-abordées à chaque génération.


Mais changer les politiques et les procédures afin de créer un ordre nouveau est une chose, changer les personnes qui doivent les mettre en œuvre en est une autre. J’ai longtemps maintenu que de ne rien dire par rapport au problème racial ne garantit pas un climat positif. Au contraire, l’Eglise, les écoles et les autres institutions de formation du caractère doivent être pro-activement positives en promouvant des attitudes, des images et des expériences positives. 


L’Amérique est depuis longtemps une société racialement et ethniquement diversifiée et le devient de plus en plus. Le racisme, les préjugés et l’ethnocentrisme ne sont jamais loin de la surface. Il faut très peu de choses pour révéler des attitudes, de l’hostilité et des peurs de nature raciste. 


Martin, au moment même où nous avons été témoins de l’élection d’un Afro-Américain au poste de gouverneur, d’autres candidats Afro-Américains ont été confrontés à des attitudes racistes de la part des électeurs et à des tactiques de campagnes racistes de la part de leurs opposants politiques. Clin d’œil ironique de l’histoire : au même moment, un Afro-Américain est sérieusement proposé comme candidat potentiel de son parti à la présidence des Etats-Unis !


Je suis heureux, Martin, d’avoir pu vivre assez longtemps pour voir des progrès si importants en matière de race dans la vie américaine. D’autre part, je suis profondément déçu de voir combien la question raciale continue à diviser le peuple américain. 


Ainsi, si l’on me demandait, au moment de célébrer ton anniversaire de 2007, si les relations raciales en Amérique sont meilleures ou toujours un problème, je serais obligé de répondre : « Oui ! »


Bon anniversaire Martin ; je suis certain que «…we shall overcome ! » - nous allons vaincre.


Woody


07/01/07


Traduction eemni

Source: umns/ekklesia