Le Conseil Oecuménique des Eglises (COE) profondément préoccupé par la vague de violence en Haïti

Le secrétaire général du Conseil oecuménique des Eglises (COE), le pasteur Konrad Raiser a lancé un appel au gouvernement d'Haïti et aux leaders du parti politique au pouvoir les exhortant à mettre fin à la spirale de violence et d'injustice dans le pays, faute quoi celui-ci «va au-devant du chaos total», écrit le pasteur Raiser dans la lettre ouverte qu'il a adressée à la Fédération protestante d'Haïti (FPH). Cette lettre vient en réaction à la récente vague de violence qui a balayé le pays.


Le pasteur Raiser s'adresse directement aux partis politiques - la Famille Lavalas du président Jean-Bertrand Aristide et la Convergence démocratique de l'opposition - les appelant à «tout faire pour poursuivre et conclure l'accord politique en négociation»


Il encourage la Fédération protestante d'Haïti ainsi que «toutes les Eglises et communautés chrétiennes à persévérer dans la recherche du bien pour le peuple haïtien, à travers la prière, la proclamation de la volonté de Dieu et les actions, en s'associant à tous ceux qui s'engagent pour sortir le pays du cercle vicieux de l'injustice et la violence»


Le pasteur Raiser a effectué une visite en Haïti en mai 2000 à un moment de montée des tensions sociales et politiques. La FPH a déjà dénoncé publiquement à plusieurs occasions «la grave crise» qui secoue le pays. 


Dans sa lettre le secrétaire général du COE assure les Eglises et les communautés chrétiennes d'Haïti de la solidarité et du soutien de l'organisation oecuménique. 


Voici le texte intégral de la lettre ouverte à la Fédération protestante d'Haïti :


Le Conseil oecuménique des Eglises suit avec une inquiétude grandissante la détérioration de la situation politque et sociale en Haïti de ces derniers temps. La recrudescence de la violence, les lynchages comme celui du journaliste Brignol Lindor le 3 décembre dernier à Petit-Goâve, les assassinats et les exécutions sommaires font régner un climat d'insécurité insupportable pour la population, et risquent de rendre impossible l'accord politique pour lequel ont oeuvré le parti au pouvoir et les forces de l'opposition. 


Tout porte à croire que ces violences ne sont pas gratuites et ne s'expliquent pas seulement par la pauvreté extrême à laquelle est condamnée la majorité du peuple haïtien. Des groupes agissent qui provoquent la terreur et visent l'élimination physique de certaines personnes ciblées. Il semble bien que les autorités publiques ne fassent pas tout ce qui serait nécessaire pour réprimer ces actes. Des témoignages fiables indiquent même qu'elles puissent y être impliquées ou tout au moins les tolèrent. 


Les récentes informations parues dans la presse internationale sur les exécutions sommaires perpetrées par des agents de la police, basées sur un témoignage authentique, font craindre le pire pour le l'intégrité et l'autorité de l'Etat. Le principe de «zéro tolérance» fixé par le gouvernement est compréhensible et répond à l'exaspération d'une population qui n'en peut plus. Mais cela ne saurait en aucun cas justifier que des personnes soupçonnées d'actes criminels ou même prises en flagrant délit soient exécutées sans aucune forme de procès. 


Face à cette situation préoccupante, le Conseil oecuménique des Eglises se joint aux appels lancés par le Centre oecuménique des Droits de l'Homme, le Comité des Avocats pour le Respect des Libertés Individuelles, et d'autres organisations en Haïti pour que les droits humains soient réellement respectés. Nous demandons instamment au gouvernement d'assurer le comportement correct de la Police nationale haïtienne et d'améliorer le fonctionnement des instances judiciaires, dans le respect de la loi. 


Le Conseil oecuménique des Eglises appelle les partis politiques, notamment la Famille Lavalas et la Convergence démocratique de tout faire pour poursuivre et conclure l'accord politique en négociation. Dans ce contexte, nous demandons au gouvernement et aux responsables du parti politique au pouvoir d'empêcher les réactions violentes à la récente tentative de coup d'état, comme la mise à feu des locaux de la Convergence démocratique, qui réduisent les chances de faire aboutir les pourpalers. Nous voulons croire que la conclusion et la mise en oeuvre d'un accord politique entre les principaux partis peut redonner espoir au peuple haïtien et ouvrir une voie d'avenir. Sans la volonté de mettre fin à l'engrenage de la violence et des injustices le pays va au-devant du chaos total. 


Le Conseil oecuménique des Eglises encourage la Fédération protestante d'Haïti et toutes les Eglises et communautés chrétiennes de persévérer dans la recherche du bien pour le peuple haïtien, à travers la prière, la proclamation de la volonté de Dieu et les actions, en s'associant à tous ceux qui s'engagent pour sortir le pays du cercle vicieux de l'injustice et la violence. Nous vous assurons de notre solidarité et notre soutien. 


En ce temps de l'Avent, où les chrétiens du monde entier se préparent pour accueillir Celui qui est le Prince de paix, nous nous souvenons que l'amour manifesté en Jésus Christ est plus fort que le mal et nous rend capable d'être des ambassadeurs de la réconciliation. Que Noël soit pour vous un temps de paix et de renouveau spirituels, qui vous permettent de continuer le bon combat (2 Tim.4 :7). Que Dieu vous bénisse et bénisse le peuple d'Haïti.


Le 21 décembre 2001

Source: COE