Centrafrique: «les anti-balakas n’ont rien de milices chrétiennes

Distribution de nourriture à Bangui © Twitter/Peter Bouckaert, HRW

Alors que les violences des anti-balakas n'épargnent personne, pas même les chrétiens, l'appellation de "milices chrétiennes" choque en Centrafrique. Le DEFAP publie le témoignage saisissant d’un pasteur évangélique de Bangui.

L'auteur de ces lettres est un pasteur d'une Église évangélique de Bangui. Il est également coordonnateur de l’organisation Nations en Marche Mission et Jeunesse.

20 février

Des affrontements entre les anti-balakas et les soldats tchadiens

« Les dernières nouvelles que j'ai reçues du pays ne sont pas bonnes. Avant-hier à Damara (75 km) de Bangui, et hier dans plusieurs arrondissements de la capitale, il y a eu des affrontements entre les anti-balakas et les soldats tchadiens qui sont venus chercher les derniers Tchadiens à Bangui. La population civile a payé un lourd tribu... Un frère qui était avec les soldats tchadiens (qui voulaient acheter son véhicule) a raconté que les Tchadiens étaient les premiers à ouvrir le feu. Prier pour apaiser la tension qui est encore vive dans la capitale.

Nous sommes aussi informés que les Sélékas et des mercenaires ont décidé de reprendre le pouvoir à Bangui. Les mercenaires sont déjà dans le pays. Ce n'est qu'une confirmation de ce que nous avons appris il y a quelques jours. Prier que le Seigneur renverse le dessein des méchants.

Aujourd'hui, on a demandé à Odile et aux enfants de partir de l'hôtel. Nous avons trouvé temporairement un arrangement. Merci de prier pour eux.

Que Dieu vous bénisse. »

18 février

Les musulmans sont divisés en RCA

« Les musulmans sont divisés en RCA. La partie intégriste a écrit aux musulmans du monde demandant qu'ils viennent à leurs secours pour faire le jihad. L'autre aile pacifiste a écrit pour dire le contraire. Nous ne sommes pas donc étonnés de la décision de Boko Haram. Merci de continuer à prier pour la RCA. »

15 février

Les anti-balakas sont une nébuleuse

« Les épreuves continuent pour les enfants de Dieu. Il y a des projets de reconquête du pouvoir par ceux qui sont partis et nous vous demandons de continuer à prier pour nous.

Ce matin dans le quartier Boye Rabe, plusieurs anti-balakas ainsi que leurs responsables ont été arrêtés. D'autres sont en fuite. Le problème c'est que les anti-balakas sont une nébuleuse. Ceux qui sont arrêtés ce matin sont la fraction soutenue par le président déchu Bozizé qui tient à revenir au pouvoir. Il y a au moins cinq groupes différents des anti-balakas dans le pays, sans parler des groupes de rebelles dans l'arrière-pays. La situation semble être entretenue pour maintenir la pays dans le chaos. Cela profite à certains. Prier que seul le projet de Dieu se réalise dans la nation.

Un ami à moi dans la Misca m'a appelé depuis Berbérati hier soir pour m'informer des attaques dont ils sont l'objet des anti-balakas. Prier pour ces Africains qui viennent pour aider le pays et qui laissent leur vie. »

13 février

Un pasteurs violenté par les anti-balakas

« Merci pour vos prières qui font la différence chaque jour dans le pays. Il y a des découvertes macabres de plusieurs corps en décomposition dans des endroits que les Sélékas occupaient précédemment. C'est difficile de les identifier, mais ce n'est pas la première fois. Si dans certains quartiers la sécurité tend à s'améliorer, plusieurs personnes sont toujours sur les sites parce que le désarmement n'est pas encore effectif.

Prier pour l'église en RCA qui continue d'identifier les serviteurs de Dieu qui sont très nombreux sur les sites pour plusieurs raisons : maisons incendiées, maisons détruites, maisons pillées, problème d'insécurité, etc... Les serviteurs de Dieu se retireront en prière du 26 au 28 février, pour demander pardon à Dieu à cause du sang versé et aussi se repentir. Tout le mois de mars sera consacré à la prière en faveur de la nation, et des rassemblements publics auront lieu dans les arrondissements de Bangui pour amener les croyants à se repentir. Un effort de communication sera fait pour amener les villes de l'arrière-pays à se joindre à ce programme.

Le débat cet après midi à la radio était très animé. J'étais en compagnie de l'Abbé Freddy qui dirige la paroisse Saint Jacques à Kpetene. Il y avait deux représentants des anti-balakas, dont un pasteur qui se dit leur conseiller technique et porte-parole. Nous avions à répondre à deux préoccupations : les anti-balakas sont-ils une milice chrétienne? Les anti-balakas sont-ils les ennemis de la paix (le général de la force Sangaris et la présidente de transition les ont ainsi qualifiés) ?

C'était l'occasion d'affirmer haut et fort que les anti-balakas n'ont rien de milices chrétiennes et ne sont pas mandatés par les églises chrétiennes. Ce sont des groupes d'auto-défense. Eux-mêmes l'ont reconnu et affirmé. Certes, la présence d'un pasteur à leur côté peut contribuer à la confusion, mais c'était l'occasion de donner la position des évangéliques qui avaient mis sous discipline ce pasteur - qui a dit sur les ondes se préparer à quitter l'Alliance des Evangéliques en Centrafrique. Même si les anti-balakas se justifient en affirmant n'être ni les auteurs des crimes, ni les fauteurs de troubles dans le pays, j'ai cité des exemples de tout ce que nous avons vécu de près à cause de leurs membres :

- l'assassinat de Dave, l'un des orphelins que nous accompagnions,
- mon neveu dont l'oreille a été coupée et suturée par MSF,
- un autre neveu sauvé deux fois par la grâce de Dieu, et plus récemment,
- un de mes pasteurs, violenté par les anti-balakas.

Plusieurs auditeurs ont aussi téléphoné pour contribuer ou poser des questions. J'avais suggéré aux anti-balakas de donner un signal fort pour que cesse la violence envers les musulmans, et d'arrêter les destructions des maisons dans les quartiers. Même après le débat j'ai reçu plusieurs coups de fil de certains frères qui ne comprenaient pas qu'un pasteur soit anti-balaka.

Ce qui est intéressant est l'explication du nom donné au groupe d'auto-défense. Les journalistes disaient anti-machettes (puisque balaka veut dire machette en sango, la langue nationale). Faux, a retorqué le porte-parole qui a expliqué l'appellation : anti-balle AK. En fait les amulettes ou les gris-gris qu'ils arborent sont censés les rendre imperméables aux balles des AK 47. Soit, une autre raison de voir clairement qu'ils sont plus dans le fétichisme que dans la foi chrétienne. »

Franck Lefebvre-Billiez

20/02/2014

DEFAP