COE: Message de Noël 2002 - Pasteur Konrad Raiser - Secrétaire général, Conseil oecuménique des Eglises

Une fois encore, Noël est proche. Pourtant, particulièrement cette année, beaucoup de gens, partout dans le monde, sont emplis de crainte et d'anxiété : crainte d'une guerre possible au Moyen-Orient et de ses conséquences imprévisibles bien au delà de la région; crainte d'attentats terroristes meurtriers tels que ceux qui ont été commis à Bali ou à Moscou récemment; crainte de perdre son gagne-pain et de tomber dans la misère, en Argentine par exemple; crainte d'un long dépérissement et de la mort pour les malades du sida, notamment en Afrique sub-saharienne; crainte d'être victimes du fanatisme, de la haine et de la violence pour les membres de minorités ethniques ou religieuses, en Inde et ailleurs; ou simplement, crainte de catastrophes naturelles telles qu'ouragans, inondations, tremblements de terre ou éruptions volcaniques, crainte des conséquences des changements climatiques. La liste pourrait continuer, témoignant d'un sentiment largement répandu d'insécurité et d'impuissance.


Dans ce climat de crainte et d'anxiété, nous entendons une fois encore le message de l'ange aux bergers, dans la première nuit de Noël: «Soyez sans crainte!» (Lc 2,10). Les bergers, dans les champs près de Bethléem, confrontés à la puissance du sacré qui les submerge, sont saisis d'une grande crainte. Ils prennent conscience de la fragilité de leur existence face à un pouvoir qui les dépasse, et qui peut soit les anéantir, soit les sauver. Mais ils nous rappellent aussi que la crainte n'est pas le signe d'une faiblesse humaine qu'il faudrait dissimuler. Dans l'émotion provoquée par la peur, nous anticipons la possibilité d'un danger ou d'une menace, et nous mobilisons les défenses qui nous seront peut-être utiles. N'ayons pas honte de nos craintes : elles nous rappellent que nous sommes des créatures humaines, et non Dieu.


La réaction naturelle instinctive à la crainte consiste à chercher protection et sécurité, à se rapprocher les uns des autres. La solidarité de la crainte peut mobiliser les gens en vue d'une action commune. Mais elle peut aussi les pousser à suivre aveuglément ceux qui proposent ou promettent la sécurité. Comment nous protéger de ceux qui exploitent nos craintes dans leur propre intérêt et qui cherchent délibérément à nous enlever toute autonomie? 

Comment briser le cercle vicieux qui fait que la recherche même de la sécurité provoque l'accroissement de la peur et que les mesures de sécurité deviennent une fin en soi, faisant de nous des otages de nos craintes?


Noël nous invite à porter nos craintes devant Dieu: Dieu qui ne veut pas rester pour nous un étranger, dont la sainteté inaccessible inspirait la terreur; Dieu qui connaît nos craintes humaines, et veut les apaiser en s'adressant à nous comme il parle aux bergers par la voix de l'ange: «Soyez sans crainte!» Dieu ne nous propose pas la sécurité, mais l'amour totalement vulnérable en la personne de l'enfant de Bethléem. C'est l'amour de «Dieu avec nous» qui peut repousser la crainte (1 Jean 4,18) et nous délivrer de l'idolâtrie de la sécurité. Tel est aussi le sens de la Décennie oecuménique «vaincre la violence». Car, comme le dit l'apôtre Paul, «j'en ai l'assurance: ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni le présent ni l'avenir, ni les puissances, ni les forces des hauteurs ni celles des profondeurs ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus Christ, notre Seigneur» (Rm 8,38s.).


22 novembre 2002

Source: Conseil oecuménique des Eglises (COE)