Malaisie: bannissement de la Bible dans une démocratie de l'Asie du Sud-est

Tandis que les chrétiens du monde entier célébraient Pâques en toute liberté, des centaines de milliers de croyants en Asie du Sud-Est ont célébré Pâques sans accéder librement à la Bible. 


Le gouvernement malaisien - qui se considère comme une des démocraties les plus avancées de l'Asie- a pris une décision qui soulève l'incompréhension des chrétiens indigènes de Malaisie orientale: il leur a interdit l'accès à la Bible dans leur langue maternelle. 


Le peuple Iban, groupe ethnique indigène le plus important parmi les 27 groupes que compte la province Sarawak dans l'île de Bornéo, a depuis 1988 accès à la totalité de la Bible dans sa propre langue publiée par la Société Biblique de Malaisie. 


Mais à présent le Ministère de l'Intérieur du gouvernement principalement musulman a désigné la Bible en langue Iban comme une des 35 publications interdites parce qu'"elles nuiraient à la paix publique." 


Parmi les autres livres prohibés figurent des livres chrétiens en langue Bahasa Malaysia et Bahasa Indonésia, qui constituent les langues nationales de ces deux pays. 


La liste des livres interdits comprend aussi la traduction de livres parus initialement en anglais et écrits par des auteurs évangéliques occidentaux bien connus J.I. Packer et John Stott. D'autres livres portent sur des sujets islamiques. 


Selon un décret publié par ce ministère, "l'impression, l'importation, la production, la reproduction, la vente, la circulation, la distribution et la possession de livres inscrits sur cette liste sont chose interdite dans le pays." 


Toute personne qui enfreint cette interdiction encourt trois ans de prison, des amendes pouvant aller jusqu'à 5,200 $ ou les deux peines à la fois. 


Environ 9 % sur les 23 millions d'habitants que compte la Malaisie sont des chrétiens et la plupart vivent à l'est du pays. Plus de 400,000 personnes parlent la langue Iban, dont les membres d'une tribu de Bornéo que l'on redoutait jadis comme chasseurs de têtes. 


Beaucoup se sont convertis au christianisme, tandis que certains prônent toujours encore la pratique des rituels religieux traditionnels. 


L'Islam est la religion officielle de la Malaisie, bien que la constitution fédérale garantisse à tous les citoyens le droit de professer, de pratiquer et de propager la religion de leur choix. 


Cette liberté est soumise à une autre clause restrictive stipulant que les lois "peuvent contrôler ou limiter la propagation de n'importe quelle doctrine ou croyance religieuse parmi des personnes professant la religion de l'islam." 


Selon les critiques, les autorités se fondent sur cette clause, par exemple, pour identifier les publications susceptibles selon elles de jeter la confusion parmi les musulmans. 


A l'approche de Pâques, une fédération d'Eglises conue sous le nom d'Association des Églises au Sarawak a publié une déclaration laissant entendre que les chrétiens de la province ne pouvait pas comprendre pourquoi leur Bible avait été interdite. 


"Trouver interdit le Bup Kudus [la Bible en langue Iban] a maintenant causé la confusion, suscité la crainte, provoqué l'inquiétude et l'alarme dans la communauté chrétienne du Sarawak," a déclaré le groupe, où se regroupent entre autres les Eglises Catholique, Anglicane, Méthodiste. 


"Sans la Bible en langue Iban, nous ne pouvons pas célébrer nos cultes," a dit le président de l'association, le Pasteur Lawrence Banyie. 


Il semblerait qu'à l'origine de cette attaque contre les publications chrétiennes autochtônes l'usage d'expressions précises ayant pu jeter de la confusion dans les rangs des musulmans (ndlr).


Parmi les mots qui ont généré des réactions figure "Allah". Les Musulmans utilisent ce mot pour désigner la déité qu'ils adorent, mais le mot arabe a précédé l'Islam et est aussi employé par les Arabes chrétiens et l'appliquent à Dieu - même si leur conception de Dieu présentent des différences considérables. 


La traduction Iban de la Bible emploie le terme d'"Allah Taala" pour désigner Dieu, tandis que les autres livres chrétiens interdits, en Malaisie Bahasa et l'Indonésie Bahasa, employent aussi "Allah" pour désigner Dieu. C'est là, le fond du problème pour le Ministère de l'Intérieur. 


Kong a dit qu'il était faux pour une religion spécifique de revendiquer le monopole sur certains mots. "La terminologie ou la langue n'appartiennent à aucune religion particulière. C'est une propriété universelle." 


Si le gouvernement s'inquiète de l'embarras de quelques Musulmans, il est de la responsabilité du gouvernement d'aborder le problème par des programmes éducatifs à l'intention des Musulmans - mais il ne résoud certainement pas le problème en interdisant des livres chrétiens, a-t-il dit. 


"Dans une société multi-culturelle, multi-religieuse comme le nôtre, il est important pour le gouvernement de suivre le processus de ce que nous appelons 'la justice naturelle' - il doit consulter ou discuter avec les organisations en cause avant le fait de prendre une décision qui les concerne." 


Kong et d'autres leaders chrétiens ont prévu une réunion avec un ministre adjoint du gouvernement plus tard dans le mois pour discuter de l'interdiction, a-t-il dit. 


Un représentant de la Société Biblique de Malaisie, le docteur Victor Wong, a dit jeudi dernier la stupéfaction des éditeurs devant la décision gouvernementale d'interdire la traduction Iban 15 ans après sa première édition. 


La version Iban en était maintenant à sa huitième édition et on en imprime environ 5,000 exemplaires tous les cinq ans, ajoute-t-il. 


Wong a refusé de faire d'autres remarques, se contentant de dire que la Société "observait pour voir ce qui arrive" avant de prendre d'autres décisions. Il a noté qu'un certain nombre d'instances chrétiennes avaient protesté contre l'action du gouvernement. 


La communauté chrétienne a aussi reçu l'appui du Parti d'Action Démocratique (DAP), un parti d'opposition laïque, qui a dit que l'interdiction devait être levée. 


La juriste du DAP Thérèse Kok a qualifié l'interdiction d'arbitraire et d'injustifiable et a demandé au gouvernement "d'expliquer pourquoi il considérait les livres comme nocifs à la santé publique." 


Le 17 avril 2003 


Source: CNSNews.com