Le Christ nous enjoint d’accueillir l’étranger comme si c’était Lui, et nos Eglises évangéliques sont des lieux d’accueil qui voient venir à elles des personnes étrangères en difficulté. C’est pour ces raisons que nous ne pouvons rester indifférents à leur sort. Il est important de rappeler que beaucoup de ces personnes qui arrivent dans notre pays fuient la guerre ou la pauvreté, qu’elles sont victimes de trafiquants et d’employeurs sans scrupules qui exploitent leur détresse et qu’elles ont droit à notre compassion et à la protection de leur dignité humaine. Ne sombrons pas dans l’angélisme en disant que l’arrivée de personnes de cultures différentes sur notre territoire ne pose pas de problèmes, mais ne faisons pas non plus de ces personnes les boucs émissaires de tous nos maux sociaux.
Le regroupement familial est aujourd’hui la principale source d’immigration légale. Ce droit à une vie de famille normale doit être préservé dans le respect de notre code de la famille (interdiction de la polygamie).
Ne traitons pas comme des criminels les étrangers en situation irrégulière et ceux qui, touchés par leur détresse, accueillent ces « clandestins ». Il est injuste et dangereux de fixer un nombre d’étrangers en situation irrégulière à expulser par an. Cela ouvre la porte à tous les abus. Les conditions de détention dans les centres de rétention administrative, la façon dont certains sont expulsés remettent en cause la dignité de ces personnes et sont indignes de notre pays.
Il est légitime pour une nation de vouloir réguler son immigration, de tenir compte de ses capacités d’accueil et de ses besoins. Mais une immigration « choisie » qui contribuerait à vider des nations pauvres de leurs ressources humaines serait une forme de pillage. Une politique de migration ne peut être engagée sans être conjointe avec une forte et véritable politique d’aide au développement qui vise à favoriser un échange entre pays d’émigration et pays d’accueil où tous seraient gagnants. Sans cette dimension, les décisions visant à limiter l’immigration ne pourraient être comprises que comme la manifestation d’un égoïsme national de pays riche qui attiserait encore les tensions entre le nord et le sud. Cette tentative de solution à court terme risquerait de s’avérer particulièrement dangereuse en accentuant le caractère de citadelle assiégée des pays privilégiés.
La stigmatisation de l’étranger me semble être le symptôme d’une crise d’identité : qu’est-ce qu’être français aujourd’hui ? Il est légitime de demander à l’étranger migrant des efforts d’intégration mais à quelle communauté nationale quand la culture commune de notre pays se résume à la capacité à consommer ? Est-ce que finalement la marginalisation du christianisme dans notre pays n’aboutit pas à une société sans repères et plus égoïste ?
Les paroles du Christ invitant à accueillir l’étranger comme si c’était Lui ne déterminent pas une politique migratoire, elles nous renvoient, nous chrétiens, à notre propre devoir d’hospitalité. En revanche, il est légitime pour les chrétiens de demander à l’Etat de respecter et de faire respecter la dignité des personnes, quelle que soit leur origine.
Luc Olekhnovitch
Président de la commission d’éthique
de la Fédération des Eglises Evangéliques Baptistes
et de l’Union des Eglises Evangéliques Libres
Le 14 décembre 2005
Source: EEMNI