Dans cette dépêche, nous publions deux articles d’Urs Schweizer, l’assistant de l’évêque Patrick Streiff sur les Roms kosovars résidant provisoirement en Macédoine. Publiés à un an d’intervalle, ils montrent à l’évidence que leur situation n’a guère changé. Critique, elle était, critique elle demeure.
Le 23.02.2005
Des Roms menacés d’expulsion en Suisse
Au cours des semaines passées, les médias du canton de Zurich/Suisse ont fréquemment évoqué la situation d'une famille de Roms du Kosovo vivant depuis huit ans en Suisse dont l'intégration restée jusqu'ici lettre morte coûte par an aux contribuables suisses des dizaines des milliers de FS. Leur demande d’obtention du statut de réfugiés est restée à ce jour sans suite. Pourtant, pour les autorités suisses au Kosovo, les choses sont assez claires : non seulement le retour de Roms kosovars n'est pas indiqué, mais il pourrait même s’avérer dangereux. Car les soldats de l'UNMIK stationnés là-bas (mission des Nations Unies au Kosovo) ne sont pas vraiment en mesure de garantir la sécurité de la minorité serbe ; pour les Roms, c’est encore pire : personne ne peut leur garantir la sécurité. Les anciens camps tziganes au Kosovo n'ont pas été du tout reconstruits après leur destruction.
Misère persistante des Roms kosovars en Macédoine
Beaucoup de Roms kosovars à Suto Orizari (Macédoine) sont au courant de la situation prévalant dans leur pays natal. Ils sont encore loin de songer à un retour au pays, même s'ils y rêvent. Ils vivent dans un pays dans lequel la plupart des gens leur font comprendre qu'ils ne sont pas vraiment les bienvenus. Ils sont à la fois si proches et si loin de leur pays natal. Ont-ils lieu d'espérer un avenir meilleur ? La résignation et la dépression voilent le regard, paralysent la pensée et l'action, font geler la joie de vivre : le maire de Suto Orizari n'a toujours pas honoré ses promesses de mettre un terrain à bâtir à la disposition des Roms pour les y laisser construire un simple centre communautaire. Les tentatives de Mihail Cekov, pasteur de l'Eglise Evangélique Méthodiste (EEM) en Macédoine de contacter le maire ont échoué. Impossible de le joindre.
Une épidémie de grippe affecte actuellement les habitants de Suto Orizari. L'ambulance pour Roms kosovars est toujours pleine de patients. S'il y a des médecins sur place, les médicaments par contre font défaut. Ce problème a coûté la vie à une fille de trois semaines et à un garçon deux ans. Et un enfant de six mois qui souffre d'une maladie héréditaire l'origine du blocage de ses reins, devrait être opéré d'urgence à l'étranger. Mais comment ? Les enfants Roms qui vont à l'école ont été renvoyés à la maison par les enseignants, entre-temps, parce que l'UNHCR n'aurait payé aucun salaire depuis trois mois. En réaction à une intervention des Roms, l'UNHCR a déchargé toute responsabilité sur d'autres organisations des Nations-Unies. C'est si fréquent : personne n'est coupable, personne n’y est pour rien, et les enfants font les frais de cette incurie. Maintenant, le chef des Roms a demandé aux enseignants de reprendre les cours. Il va faire pression sur l'UNHCR pour le paiement des salaires, car l'éducation doit demeurer accessible aux enfants.
Personne n’est épargné
Récemment, le même chef Rom a appris une fois de plus dans sa propre chair à quel arbitraire les Roms kosovars sont exposés à Suto Orizari. Sans la moindre explication, la propriétaire de la maison a fait quitter la pièce qu'occupait sa famille et mettre toutes leurs affaires sur le seuil de la porte. Malgré l'hiver et le froid. Ils devaient se chercher un autre gîte. Mais c'est plus vite dit que fait. Aujourd'hui, personne ne loue un logement pour moins de 100 euros par mois à Suto Orizar. Et avec quoi une famille de Roms kosovars devrait payer un tel loyer ?
Les humanitaires en lutte
La situation des Roms peine à s’améliorer, ce qui affecte aussi le moral des humanitaires qui leur viennent en aide. Le pasteur Mihail Cekov : "maintenant comme témoin de ces catastrophes survenant aux Roms kosovars, je ne sais plus moi-même quoi faire ; je ne peux qu'espérer en Dieu, qu'Il nous indique comment les sortir de la désespérance, et venir en aide à ces hommes et femmes qui souffrent, sont spoliés de leurs droits et humiliés. Nous restons en relation avec eux et les aidons autant que nos forces et nos moyens le permettent. Je continue aussi à les encourager à chercher un terrain à bâtir ainsi qu'à envoyer leurs enfants à l'école".
Nous ne pouvons pas laisser les Macédoniens en plan.
Concernant l'avenir des réfugiés Roms, le pasteur Mihail Cekov souligne les points suivants :
1. Les Roms seraient prêts à revenir au Kosovo, "selon Gjilane", si leurs maisons étaient reconstruites ou rénovées, et s'ils pourraient recevoir une aide au redémarrage pour pouvoir subvenir rapidement à leurs besoins.
2. Il est important que l'UNHCR verse les salaires des enseignants pour que les enfants puissent suivre leur scolarité sans perturbation.
3. Les malades chroniques doivent impérativement recevoir les médicaments dont ils ont besoin.
4. La mise à la disposition/la vente d'un terrain à bâtir sur lequel les jeunes pourront construire une baraque pour leurs rencontres devrait se faire dès que possible.
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Le 12.07.2006
Macédoine : le retour des Roms du Kosovo à Suto Orizari dans leur pays natal toujours encore impensable, impossible...
Depuis maintenant plus de 7 ans, des Roms originaires du Kosovo vivent à Suto Orizari comme personnes déplacées en Macédoine. Ils sont indésirables, et plusieurs verraient d’un bon œil le retour des quelque 324 familles, soit plus de 1 530 personnes au Kosovo, leur pays natal à la fois si près et si éloigné. Selon les représentants de l’ONU, la situation générale au Kosovo se serait considérablement améliorée. Cependant, la réalité semble différente. Certains Roms se sont rendus récemment au Kosovo pour vérifier sur place si leur retour était possible. Ils sont revenus découragés et ont laissé entendre qu’ils ne supporteraient pas de vivre actuellement dans leur pays natal. "Voulez-vous donc revenir au Kosovo ? Et si oui, quand ?", demande-t-on continuellement aux Roms. Leur réponse est toujours la même : " Nous sommes disposés à revenir au Kosovo, si la communauté internationale reconstruit ou remplace nos maisons qui ont été détruites ou dont nous avons été dépossédées, et nous crée des conditions de vie telles que nous pouvons vivre en paix. " Cependant, tant que ne sont pas réunies les conditions d’un retour sûr, les Roms du Kosovo préfèrent rester en Macédoine — bien que les conditions de vie soient loin d’être favorables.
Mihail Cekov, pasteur de l’Église Évangélique Méthodiste (EEM) de Macédoine, se trouve encore en contact régulier avec les Roms kosovars à Suto Orizari. Ensemble avec d’autres membres de l’EEM, il essaie de faire sentir avant tout aux jeunes qu’ils ne sont pas seuls : des personnes comme elles prennent part à leur vie et s’impliquent pour améliorer leur vie présente et future. Il n’ignore pas les problèmes auxquels sont exposés les jeunes le plus souvent livrés à eux-mêmes: l’alcoolisme, les drogues, la prostitution, la mendicité. Il arrive toujours à nouveau également que des filles de 12-ou 13 ans soient mariées de force.
Le 20 juin 2006, journée internationale des réfugiés, les jeunes roms kosovars ont organisé diverses activités à Suto Orizari. Ainsi eut lieu entre autres un tournoi de football. En signe de soutien (modeste), l’EEM a procuré 30 T-shirt pour les joueurs et joueuses. En outre, deux jeunes méthodistes ont aussi participé au tournoi.
Début août 2006, douze Roms de Suto Orizari ont pris part à un camp de jeunesse EEM (Macédoine, Albanie et Bulgarie). Le financement a été assuré par la mission mondiale de l’EEM en Allemagne et par Connexio, le réseau Mission et Diaconie de l’EEM en Suisse et en France.
Même si de telles activités appartiennent vite au passé — elles aident ces jeunes à s’extraire de leur situation pour un moment et à préserver l’espoir que leur vie sera autre, meilleure un jour.
Le pasteur Mihail Cekov cherche toujours et encore à acquérir un terrain pour y bâtir une baraque en guise de salle de rencontre. Des cours d’alphabétisation, de l’artisanat, des activités sportives et autres pourraient y être organisés. Un tel lieu de rencontre faciliterait aussi les rencontres entre l’EEM et les Roms kosovars. Pour un tel terrain à bâtir, il faudrait trouver la somme de 15 000 euros cash.
La situation est donc loin d’être satisfaisante, malheureusement, comme le prouve le suivi scolaire des enfants et des jeunes. Au début de l’année scolaire — en septembre 2005-, 360 enfants allaient à l’école. Seuls 14 d’entre eux ont fini l’année scolaire ! Cela tient en grande partie au fait que les enfants ne disposaient ni de bons habits ni de livres ni d’autres affaires. D’un autre côté, et c’est mauvais signe, ils ne trouvent la plupart du temps aucun soutien auprès de leurs parents. Le pasteur Mihail Cekov estime très important pour les enfants comme pour leurs parents d’être encouragés et de pouvoir suivre des leçons particulières. À défaut, les efforts entrepris pour améliorer la situation scolaire ne servent à rien.
Concernant la situation sanitaire des Roms kosovars, le pasteur Mihail Cekov informe : "les gens souffrent de graves dépressions, de désespérance et de la peur de l’expulsion. Ils sont cassés et meurent un peu plus chaque jour." Certes, des médecins examinent les Roms. Mais ils ne peuvent leur fournir les médicaments nécessaires (sédatifs, antidépresseurs, médicaments contre les maladies digestives) que sporadiquement — et rarement dans les quantités nécessaires.
Les Roms kosovars doivent différer à plus tard leur retour au pays et tout changement marquant dans leur situation. Et c’est ainsi que les membres de l’EEM en Macédoine continueront à poser de petits signes d’amour et d’espoir suivant leurs possibilités.
Urs Schweizer, assistant de l’évêque D. Patrick Streiff
Source: EEMNI