Nous publions des extraits d'un article publié par SAM dans le journal LE SOIR d'Algérie du 19 mars 2000. L'article n'est pas récent, mais les faits qu'il relate sont encore d'actualité.
Près de 40 ans après l'indépendance des Algériens de tous âges se convertissent au christianisme. Individuellement, en groupe ou en famille, ils sont de plus en plus nombreux, surtout depuis le début des années 90, à se réclamer de la foi chrétienne. Ils s'affirment au grand jour avec cérémonies de baptême et célébrations hebdomadaires de culte comme les nouveaux témoins ardents de Jésus-Christ sur une terre où l'islam a les faveurs des statistiques, des lois et des institutions.
Ce mouvement de conversion au Christ a commencé de façon significative au milieu des années 80, pour connaître son apogée avec le début de la dernière décennie, donnant naissance à de petites communautés chrétiennes locales, disséminées à travers de nombreuses villes et villages de Kabylie et du pays. Beaucoup des membres de ces communautés disent avoir eu une aventure spirituelle et religieuse suite à laquelle ils ont changé de trajectoire, d'autres font pour la première fois l'expérience de la foi; mais tous convergent sur la voie du Christ, affirmant avoir reçu sa grâce. Le phénomène a-t-il un lien avec l'actualité immédiate de l'Algérie?
Nous avons recueilli les témoignages de nombreux fidèles, qui se reconnaissent dans le Christ et puisent la force de leur foi dans les enseignements bibliques et l'Evangile. C'est dans un cadre champêtre et agréable, sur un terrain de la mission protestante des Ouadhias, que Kader le pasteur et Hocine le diacre nous ont reçus.
La discussion commence autour d'un café que Kader nous a offert accompagné d'un évangile et d'une cassette vidéo, la version berbère d'un film sur le Christ, pour mieux comprendre et vous imprégner du vrai message du Christ, expliquera Kader, en guise d'introduction. Nous sommes une communauté chrétienne organisée en association agréée et affiliée à l'«Association nationale des églises protestantes d'Algérie» qui regroupe les églises de plusieurs régions du pays (Oran, Alger, Constantine, Ouadhias). Nous vivons notre culte en toute liberté, on ne se cache pas. Beaucoup de gens viennent pour prier et participer au culte célébré chaque vendredi.
Qu'est-ce qui a motivé le choix spirituel de Hocine et Kader? Le mot «converti» les choque-t-il? Non, répond Kader, le mot «converti» ne me choque pas, il est d'ailleurs intrinsèque à la Bible. Se convertir, c'est, selon les enseignements évangéliques, se remettre sur le droit chemin. En tout cas, c'est dans la Bible que j'ai rencontré Jésus-Christ qui a changé ma vision du monde. Je suis un jeune algérien, né de parents musulmans.
J'étais moi-même comme eux. . . La foi, c'est autre chose, c'est une question de Cur. Avant je croyais en un Dieu lointain, diffus, créateur de toutes choses. En lisant la Bible, j'ai touché du doigt l'existence de Dieu, une entité palpable. Dans mes prières, je dis: Mon Père qui est au ciel... et je me sens rassuré. Avant j'étais comme une brebis égarée, et avec Jésus j'ai retrouvé mon berger.
Hocine enchaîne: Les fidèles chrétiens n'existent pas qu'en Kabylie. Il y a un réveil remarquable de la chrétienté dans d'autres régions du pays. . . Il n'y a aucun présupposé idéologique ou politique derrière notre démarche.
Personnellement, je me posais beaucoup de questions sur la vie, la mort, sur ma venue au monde. Nous avons trouvé en Jésus notre Dieu, notre Sauveur, et nous sommes prêts à en assumer les conséquences, même si nous prenons beaucoup de risques. En effet, si devenir chrétien est facile, le vivre l'est moins dans un milieu où les préjugés ont la peau dure, comme en témoigne Hocine: «Mon entourage villageois n'a pas accepté ma conversion au christianisme qui remonte à 4 ans». Pour Kader, les préjugés procèdent de la méconnaissance des évangiles. Pour certains, il y a une distribution ethnique des religions: le christianisme pour les Européens, l'islam pour les Arabes, le bouddhisme pour les Japonais ou les Chinois, etc. Mais l'Evangile a une portée universelle, il n'est pas destiné à une entité culturelle particulière. . . Hocine confirme: «L'Evangile transcende les cultures; on peut être chrétien tout en restant imprégné de sa culture et de ses traditions, du moment qu'on reste conforme aux enseignements du Christ».
Mokrane, âgé de moins de 30 ans, appartient à une communauté chrétienne de plus de 200 fidèles. Sa «rencontre» avec le Christ fut consécutive à un moment où il traversait une «mauvaise passe». Mal servi par la vie, Mokrane était en proie au doute et à des questionnements. C'est dans ces conditions qu'il est invité par un membre de la communauté à assister à un culte. «Je ne sais pas si celui-ci m'a tendu un piège, en tout cas, j'ai assisté au culte. J'ai parlé de mes problèmes, confessé tous mes péchés . . . et ça a marché. Je me suis senti comme libéré d'un fardeau. . . J'ai appris à aimer, à pardonner». Mokrane a été baptisé chrétien en 1997. Kader, Hocine, Mokrane et tous les autres respectent les différences, et se disent animés par aucune velléité de déstabilisation et de pénétration par le moyen de la religion. Ils espèrent être payés de retour et vivre leur culte en toute liberté sans anathème.
Un rappel: cette jeune Eglise Algérienne est partie intégrante de la Conférence Annuelle France/Suisse
La Société Biblique de Genève prend de son côté une part modeste mais concrète à l'action en faveur de l'Algérie: elle a accordé gracieusement les droits d'utilisation de la traduction Louis Segond 1975 à la Communauté chrétienne d'Ouadhia (Kabylie) pour l'impression de 5000 Evangiles selon Luc et a préparé le support informatique nécessaire pour ce tirage.
>Source: BIBLE INFOS 58e année N°3 Septembre 2000