Avec Françoise Caron, Vice-Présidente des Associations Familiales Protestantes, et 10 autres représentants associatifs, Franck Meyer, président du CPDH, est cosignataire d’une tribune publiée par le journal Le FIGARO, intégralement reproduite ci-dessous. Elle exprime ses réserves et ses interrogations sur le projet de loi relatif à « l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant » actuellement en débat à l’Assemblée Nationale.
Tribune :
Depuis quelques jours, le député Erwann Binet, s'exprimant comme co-auteur de la proposition de loi «relative à l'autorité parentale et à l'intérêt de l'enfant» (APIE), déclare à qui veut l'entendre que l'ensemble des associations familiales est d'accord sur ce texte.
Nous sommes un certain nombre de représentants d'associations à nous étonner de cette affirmation puisque, en réalité, nous avons fait part, notamment à Laurence Rossignol, secrétaire d'Etat à la famille, de réserves importantes sur ce texte.
Certes, il est indiqué dans l'exposé des motifs que «l'intérêt de l'enfant est la pierre angulaire» de cette proposition de loi, ce qui bien-sûr nous réjouit. Hélas, après cette encourageante introduction, la suite du texte est décevante: les mesures proposées sont, dans le meilleur des cas, inutiles et, pour les plus importantes, contraires à l'intérêt supérieur de l'enfant.
Le chapitre premier du texte, qui dit clarifier les règles applicables à l'exercice conjoint de l'autorité parentale pour assurer des relations équilibrées de l'enfant avec son père et son mère, est en fait un patchwork de mesures ne faisant qu'exprimer ce que le droit positif dit déjà, même si c'est de façon implicite ou à travers la jurisprudence. Ces précisions inutiles sur l'exercice de l'autorité parentale et l'imposition de principes comme la résidence alternée semblent en fait répondre davantage à l'amour-propre des parents séparés qu'au besoin de stabilité et de sécurité des enfants. Ce texte apparaît en réalité comme une «législation de Salomon» tentant maladroitement de couper l'enfant en deux pour satisfaire toutes les parties, quitte à en faire un jeune SDF.
Le deuxième chapitre de la proposition de loi est autrement problématique. Il précise les droits et devoirs des tiers qui concourent à l'éducation de l'enfant, ceci étant prévu, d'après l'exposé des motifs, comme une «palette d'instruments souples, évolutifs et adaptables».
Tout d'abord, le fait de vivre avec un enfant et de contribuer à son éducation ne confère aucun droit sur lui! D'autre part, les droits dont il s'agit ne sont pas définis dans le temps si ce n'est par le fait qu'ils sont révocables à tout moment! Où est le bénéfice pour l'enfant?
En réalité, le fond du problème dans ce texte, c'est la conception qu'il implique de la place et de la responsabilité du père et de la mère : ils sont relativisés. Et cela conduira l'enfant à se trouver entouré d'adultes ayant des droits divers sur lui, non justifiés par son intérêt supérieur.
Le «mandat d'éducation quotidienne» peut être confié au «concubin, partenaire ou conjoint avec lequel il réside de façon stable» et «permet d'accomplir les actes usuels de la vie quotidienne pour la durée de la vie commune». Que signifie ce «de façon stable» sans précision et surtout lorsque le «partenaire» est inclus?
Ce mandat est en outre inutile parce que, en l'état actuel du droit, le seul fait de confier son enfant à un tiers emporte l'autorisation tacite d'accomplir les actes usuels, c'est-à-dire les actes de la vie quotidienne évoqués par la proposition de loi.
Il est également problématique parce que le fait de dire qu'un des parents peut donner ce mandat à son conjoint, concubin ou partenaire semble exclure que, en l'absence de mandat, un tiers puisse accomplir ces actes de la vie quotidienne. Faudra-t-il désormais délivrer des mandats à tout l'entourage de l'enfant, du baby-sitter aux grands-parents en passant par la nounou?
Hélas, d'autres articles constituent des régressions importantes, en particulier l'article 11, qui supprime la priorité donnée jusque là à la famille lorsque la garde de l'enfant doit être confiée à un tiers par le juge. Cette seule mesure, conséquence du «mandat d'éducation quotidienne», révèle à elle seule la philosophie de cette proposition de loi. Quant à l'article 14, il renonce à justifier l'éventuel partage de l'autorité parentale par les besoins de l'enfant!
En réalité, le fond du problème dans ce texte, c'est la conception qu'il implique de la place et de la responsabilité du père et de la mère: ils sont relativisés. Et cela conduira l'enfant à se trouver entouré d'adultes ayant des droits divers sur lui, non justifiés par son intérêt supérieur. Ce dernier terme, d'ailleurs, n'est pas utilisé dans ce texte au contraire de tous les textes nationaux et internationaux dans ce domaine, textes dont la France est signataire. 0r, à l'évidence, rien n'est anodin dans un texte législatif !
Les enjeux sont importants et chacun de nous doit en être conscient: comment l'enfant se retrouvera-t-il au sein de cette sorte de multi-parentalité ?Comment la vie familiale sera-t-elle possible dans un tel maelström juridique ? Peut-on réellement penser que l'existence commune en sera facilitée ?
A moins que ce mandat ne soit en fait un moyen de reconnaître l'affection que le beau-parent et l'enfant peuvent avoir l'un pour l'autre dans certaines familles recomposées ? Ou au contraire régler d'éventuelles difficultés entre le beau-parent et l'enfant ? Mais non, ce n'est pas du ressort d'une loi, ni dans un cas, ni dans l'autre !
Au fond, le troisième chapitre, portant sur la médiation familiale, aurait suffi. Cette voie très intéressante de règlement des conflits familiaux mérite en effet un texte et une réflexion spécifique, afin que les aspects pratiques mais cruciaux, telle la formation des médiateurs puissent être repensés. En effet, notamment en raison du manque de formation des médiateurs, la médiation familiale peut devenir le lieu d'un chantage affectif, ou de la loi du plus fort ou du «meilleur» manipulateur.
Nous tous, représentants d'associations et mouvements divers, nous appelons les responsables politiques à se montrer enfin véritablement ambitieux. Cette proposition de loi APIE évoque, à juste titre en l'occurrence, «l'augmentation du nombre des divorces et des séparations». Nous savons le très lourd tribut que payent les enfants, les adultes et la collectivité dans son ensemble. Plutôt que d'en prendre acte pour en tirer des mesures inutiles ou nocives, il est grand temps de réfléchir à de véritables mesures d'aide comme à une politique de prévention des difficultés familiales: sensibilisation des jeunes à la responsabilité de parents, préparation au mariage civil, accompagnement des tous jeunes parents, maisons d'accueil des familles… autant d'idées et de pistes, pas forcément coûteuses d'ailleurs, qu'il faut promouvoir et mettre en œuvre urgemment, ou généraliser quand elles existent ici où là.
Donnons réellement la priorité à l'intérêt supérieur de l'enfant, si totalement dépendants de nous, adultes !
Prions :
Pour qu’à l’occasion des débats qui s’engagent au parlement, les députés de toutes sensibilités politiques puissent avoir vraiment à cœur l’intérêt des enfants et que des positions justes et sages soient trouvées.
Action proposée :
Citation extraite du débat : « À mes yeux, défendre l’intérêt de l’enfant consiste à réaffirmer la place des deux parents » Claude Greff, députée d’Indre et Loire, ancienne secrétaire d’état à la famille.
Encourageons cette députée. Pour lui écrire :
4 bis rue Jules Ferry
37400 AMBOISE
Ou par mail
CPDH