Suisse/France: Renforcer le sentiment communautaire, tel est l'objectif de Daniel Nussbaumer, nouveau surintendant

Je vais m'engager surtout dans la partie francophone de notre Eglise



Daniel Nussbaumer est le nouveau surintendant du district de Bâle/district francophone. Dans l'entretien ci-après, il dit pourquoi il aime les êtres humains et la nature, quelles sont les différences entre la francophonie et la Suisse alémanique et pourquoi il s'engage en faveur de ce qui nous est commun.


Comment vous décrivez-vous?


Je suis quelqu'un qui aime la vie, mais je n'ai pas une approche systématique des choses. J'aime les gens et j'aimerais être proche d'eux. Pour moi, il est enrichissant de rencontrer des personnes, de les accompagner, de les écouter et de les aider. Je pense que cela vient probablement du fait que j'aime la création et que je me sens proche de la nature. C'est sans doute ce qui me caractérise le mieux. 


Vous aimez la nature. D'où cela vient-il?


J'ai d'abord été pasteur à Strasbourg, puis à Jebsheim. Là, le presbytère consiste en une ferme entourée d'un grand jardin. La paroisse était surtout formée d'agriculteurs. Je suis souvent allé avec eux et les ai aidés, que ce soit pour semer ou pour traire. J'avais un bon contact avec ces personnes. Mon amour de la nature se manifeste aussi par le fait que j'aime faire des randonnées à pied ou aller à la montagne. Mon passe-temps favori est l'ornithologie, c'est à dire que j'aime observer des oiseaux. Une grande partie de mes livres a trait aux oiseaux et à la nature.


Quelles sont vos projets en tant que nouveau surintendant?


Je vais m'engager surtout dans la partie francophone de notre Eglise. Ces dernières années, diverses choses s'y sont développées et il est important que quelqu'un en assume la coordination. Et puis, nous sommes confrontés à certains problèmes, tels que le centre de vacances de Landersen ou Bethesda Strasbourg et il faut s'y atteler. D'autre part, la fusion provisoire envisagée en France pourrait me donner de nouvelles tâches. En Algérie, j'exerce désormais la fonction de modérateur des conversations qui y ont lieu. Je n'ai pas de projets personnels ou théologiques que j'aimerais promouvoir. Chaque paroisse et chaque pasteur ont leur propre caractère et c'est là une des richesses de notre Eglise. Je ne pense pas que nous devions avoir une ligne commune. Je préfère chercher les points communs et travailler à partir de là.


Pouvez-vous préciser le sens de votre fonction de coordination?


Un exemple: j'ai constaté qu'en France, il faut que je m'annonce à l'avance lorsque je souhaite rendre visite à une paroisse. Dans mon agenda, toutes les dates de rencontres avec les paroisses suisse-alémaniques sont déjà fixées, alors que pour la France, je n'ai que peu de dates. Je pense que la notion même du surintendant n'y est pas aussi développée qu'en Suisse. Ainsi, lorsque le surintendant se rend dans une communauté, on est certes content, mais on pourrait aussi s'en passer. C'est justement pourquoi j'aimerais renforcer le sentiment communautaire au sein des paroisses et de toute l'Eglise. C'est dans ce sens que la fonction de coordination est utile. Savoir si je vais réussir est évidemment une autre affaire. 


Y a-t-il donc une sorte de "barrière des rösti" entre méthodistes germanophones et francophones?


A mon avis, la notion de "barrière des rösti" s'applique surtout à la Suisse. Elle existe effectivement entre la Romandie et la Suisse alémanique. Mais, comme nous n'avons que quatre communautés - dont certaines sont petites - en Suisse romande, cela n'est pas trop grave. Entre la francophonie et la Suisse alémanique, par contre, les différences sont assez grandes. Mais nous sommes en train d'essayer de trouver le moyen d'identifier les points communs. Cela a commencé avant que je sois surintendant. Nous visons une Conférence véritablement bilingue - ce que pour l'instant elle n'est pas.


Qu'est-ce qui changerait pour les séances de la Conférence annuelle?


Actuellement, les séances se déroulent en allemand et sont interprétées vers le français. Nous sommes en train de nous demander comment, par exemple, le cahier des rapports pourrait devenir entièrement bilingue? Jusqu'ici, nous avions un cahier qui ne contenait que quelques rapports entièrement traduits en français, ainsi que des résumés, en français, des autres rapports, tandis que le cahier en allemand était beaucoup plus gros. Je pense que là, il est nécessaire d'agir. On pourrait envisager que les participants à la Conférence qui parlent bien le français s'expriment dans cette langue. La Conférence en deviendrait encore plus vivante. Mais cela signifierait que tous les délégués auront besoin d'écouteurs et qu'il faudra aussi interpréter vers l'allemand. D'autre part, nombre d'affaires traitées par la Conférence ne concernent que la Suisse, tandis que d'autres ne concernent que la partie francophone. Là, il nous faut encore réfléchir. Mais je remarque qu'il y a de plus en plus de personnes qui viennent à la Conférence annuelle et qui ne parlent et ne comprennent plus que le français.


Y a-t-il aussi des différences de culture?


Je trouve que c'est bon de sentir, lors de la session, que les Suisses alémaniques attendent de nous que nous y fassions ressortir les particularités de la culture francophone. Par exemple, on aime bien la Romandie. Mais à l'inverse, on ne ressent pas la même attitude de la part des Romands. Un exemple: les Suisses alémaniques regardent volontiers le programme de la Télévision Suisse romande, tandis que les Romands ne regardent pas la Télévision alémanique, mais plutôt les chaînes françaises. Je crois que nous aurions beaucoup à gagner en nous ouvrant réciproquement à l'autre culture. Je ne voudrais pas critiquer la Suisse alémanique ou la francophonie, car je ne veux pas démolir; je veux travailler de façon constructive. J'aimerais renforcer la francophonie, mais il faudrait également vivre ensemble le bilinguisme.


Géographiquement, vous êtes, en tant que surintendant, à la tête d'une vaste région. Allez-vous devenir un prédicateur itinérant comme John Wesley?


Mon district s'étend du Sud-Ouest de la France à l'Alsace, ainsi qu'à quelques paroisses de Suisse alémanique. De plus, je serai plusieurs fois par année en Algérie. Je vais donc couvrir de plus grandes distances que les autres surintendants. Cela va poser des problèmes de temps et là aussi, il faudra bien coordonner.


En tant qu'EEM, nous ne devrions pas nous cacher, mais nous engager pour les êtres humains


Quel avenir voyez-vous pour l'EEM?


C'est une question difficile. J'ai de la peine à travailler avec des objectifs. Pour moi, être en chemin avec des personnes est plus important. C'est ainsi, par exemple, que je suis persuadé que le manque de pasteurs ne sera pas résolu avec des pasteurs, mais avec des laïques. Les laïques doivent vivre leur foi chrétienne et ainsi l'Eglise vivra. Je pense qu'on attend encore beaucoup trop, dans les paroisses, que le pasteur et l'Eglise dans son ensemble offrent un lieu où l'on se sent bien. L'avenir réside dans des groupes de personnes qui vivent leur foi en Jésus et qui se mettent en route. Notre voix de méthodistes a quelque chose à dire dans le monde. Il y a beaucoup de problèmes sociaux. En tant qu'EEM, nous ne devrions pas nous cacher, mais nous engager pour les hommes et les femmes et être à leur côté.


Kirche+Welt No. 16, 8 août 2002

Interview: Andy Schindler-Walch

Source: EEMNI