Gérald Machabert (*)
"Dans certains pays d'Afrique l'Eglise meurt à cause de l'épidémie du SIDA". Beaucoup de ses dirigeants les plus jeunes sont atteints et le virus fait des ravages au sein des communautés. Le Docteur Anthony Allen, psychiatre à Kingston en Jamaïque, lance un appel fort aux Eglises présentes à la Conférence Mondiale sur la Mission et l'Evangélisation (CME) d'Athènes. Il les invite à prendre la pleine mesure de cette épidémie et à mobiliser les efforts de prévention et de guérison dans toutes les dimensions de la personne humaine et de la société.
Depuis longtemps les Eglises ont pris en compte la réflexion sur la prévention face à la propagation du VIH. Elles n'ignorent pas le poids de leur parole, dans la stigmatisation ou contraire dans la pleine acceptation des personnes atteintes du SIDA. "En Afrique par exemple", rappelle Christoph Benn, membre du groupe consultatif sur le VIH du Conseil Oecuménique des Eglises (COE), "les tabous culturels traditionnels concernant la sexualité ont été renforcés par la 'bonne morale' chrétienne". Le résultat de tant de silence sur le sujet,nous explique-t-il est que les Eglises se trouvent souvent démunies pour ne serait-ce qu'aborder la question, manquant de mots pour en parler. D'où l'initiative du COE de publier Africa Praying, il y a deux ans, un recueil liturgique offrant des textes de prières et des célébrations autour du thème du VIH-SIDA.
Cette initiative, comme bien d'autres présentées lors de la CME, n'aborde pas la question de la prévention sous le seul angle de la responsabilité individuelle. La présence de Japé Heath, pasteur anglican porteur du VIH, en est un signe fort. "La 'guérison' passe par des Eglises qui refusent de stigmatiser les malades, qui refusent de se taire". Anthony Allen, praticien d'une médecine holistique, insiste "Quand une personne est malade, toute la communauté l'est, et donc aussi toute la société. La guérison passe donc par la personne, la communauté et la société".
Ce que semble confirmer le récit de Gracia Violeta Ross, anthropologue colombienne, militante pour les droits des personnes atteintes du SIDA et elle-même porteuse du VIH, lorsqu'elle évoque son parcours de guérison, passant par l'annonce et l'acceptation de sa séropositivité par sa famille puis par son Eglise. "Dieu m'a totalement guérie... à travers ma séropositivité-même !", raconte cette jeune femme de 28 ans née dans une famille évangélique et qui perçoit dans sa maladie acceptée le dépassement de la vie brisée qu'elle vivait auparavant. Elle sait qu'elle est porteuse du virus et elle sent qu'elle est plus sensible aux maladies opportunes qu'auparavant. Et pourtant, elle a pu retrouver un certain équilibre dans sa vie et ses relations, dans sa foi.
Ce refus de la stigmatisation des personnes atteintes du VIH, leur plein accueil dans la communauté de l'Eglise, dans la société et la guérison de tous à travers cet accueil, représente un long chemin encore à parcourir, mais les Eglises y progressent. Le témoignage de Japé Heath le montre. En parlant de sa rencontre avec un pasteur luthérien de Tanzanie qui avaient perdu son poste d'aumônier universitaire à cause de sa séroposivité, il raconte : "J'ai pu lui dire, lorsque je l'ai rencontré pour la première fois : "Dieu t'aime tel que tu es, parce que je sais qu'il m'aime tel que je suis" J'ai pu partager avec lui la réalité : rien ne justifie qu'il doive mourir du SIDA, on peut vivre avec le VIH... Aujourd'hui, ce pasteur parcourt la Tanzanie pour prêcher l'accueil et la guérison aux personnes séropositives et aux Eglises"..
(*) Gérald Machabert vient de Montbéliard - France. Il est actuellement pasteur de l'Eglise Evangélique Luthérienne de France pour lequel il est également rédacteur en chef de son mensuel L'AMI CHRETIEN.
14/05/05
Source: Conseil oecuménique des Eglises (COE)