Chili: des communautés religieuses du pays livrent des témoignages anonymes sur les victimes de la dictature

On aura fait un petit pas supplémentaire dans la mise en lumière des atteintes aux droits de l'homme survenues durant la période de dictature militaire au Chili de 1973 à 1989.


Des dirigeants d'Eglises chrétiennes comme des responsables de la communauté juive ainsi que des francs-maçons transmettent au président Ricardo Lagos des documents réunissant la somme de témoignages oculaires anonymes.


Les documents doivent donner des indications sur le sort de tous ceux que des gens en uniforme ont alors arrêtés, déporté avant de les faire disparaître: à ce jour, personne ne sait ce qu'ils sont devenus.


Pendant six mois, tous ceux qui le voulaient ont pu s'adresser aux communautés religieuses et spirituelles pour leur déclarer ce qu'ils savaient de pertinent sur le sort de gens disparus sous le régime militaire de Pinochet et de le transmettre par ce biais et de façon anonyme aux pouvoirs publics.


L'idée de cette consultation est née lors de la table ronde au sujet des droits de l'homme (mesa de diàlogo) convoquée au début de l'année passée . La mesure a été prise à cette occasion. Dans ce forum s'étaient rencontrés pour la première fois des militaires et des militants des droits de l'homme et ensemble ils ont repris le passé récent chilien pendant plus d'un an régulièrement sous la direction du ministre de la Défense.


Dans ce dialogue, les représentants des Eglises ont joué un rôle important, dans la mesure où ils n'ont pas cessé de jouer les intermédiaires et de renvoyer aux fondements éthiques d'une réconciliation faite dans la vérité et la justice. Le gouvernement a considéré l'année passée en termes favorables la participation des communautés religieuses à cet effort collectif.


Cet effort vise à clarifier l'un des chapitres les plus sombres de la dictature. Le Parlement, quant à lui, a promulgué en procédure d'urgence et à une majorité écrasante une loi allant dans ce sens. Tous les représentants religieux se sont vus reconnaître une obligation de réserve particulière de même que des règles très strictes ont été arrêtées pour la collecte des renseignements.


Au centre des efforts de clarification actuels, il y a les années de persécution systématique des opposants au régime entre 1973 et 1978. A la fin de cette épuration politique avait été prononcée une amnistie. La découverte de cadavres remontant à ce temps-là pourrait aider non seulement les familles à faire le deuil de leurs disparus mais aussi calmer la conscience collective troublée par le sort de leurs compatriotes chiliens non inhumés. …


L'amnistie proclamée par le décret de loi N°2191 pour les assassinats politiques commis de1978 jusqu'à ce jour ne s'applique qu'au cas où le cadavre du défunt a été retrouvé. Donc sans cadavre, il s'agit juridiquement d'un cas d'enlèvement non encore élucidé jusqu'à ce jour. Seule l'exploitation des documents établira dans quelle mesure les effort déployés maintenant par les communautés spirituelles auront porté du fruit pour élucider les cas de disparition inexpliquées.



Le porte-parole de la Conférence des Evêques catholique romaine du Chili, Enrique Palet, a laissé entendre dès la semaine précédant Noël qu'il ne fallait pas trop attendre de cette initiative: "l'information recueillie sur les personnes arrêtées et sur les disparus n'est pas très riche ».


L'archevêque de Santiago, Monseñor Francisco Javier Errázuriz, n'a fait preuve que d'un optimisme mesuré dans une interview à la radio le soir de Noël. Il doute en effet que, trois décennies après que ces actes se soient produits, l'on trouve encore beaucoup de victimes et que l'on puisse vérifier leurs affirmations. Comme son collègue catholique, l'Evêque protestant Neftalí Aravena a commenté à sa manière la fin de cette opération de clarification entreprise par les communautés spirituelles du pays pour mettre en lumière les événements tragiques du passé; cette date coïncide jour pour jour avec la fin de l'année jubilaire.


A la table ronde, Aravena a été le représentant des Chiliens protestants (environ 20% de la population). Ceux-ci ne disposent pas encore de structure d'Eglise commune et sont loin de se positionner politiquement de la même façon. Mais fait étonnant, beaucoup de protestants ont considéré cet homme avisé et intègre comme leur représentant.


Comme coordinateur protestant dans la collecte des informations, ce méthodiste connu pour avoir été un adversaire déterminé du gouvernement militaire a attiré l'attention sur la responsabilité particulière des commissions pour mettre les militaires à contribution dans la collecte des renseignements.


Selon le quotidien MTG, Aravena ne dispose de données que sur 29 disparus seulement ; or ces données s'avèrent trop éparses pour pouvoir jamais servir à élucider la totalité des affaires en cause. Il propose de ce fait que l'enquête soit prolongée. Selon dépêche encore non confirmés jusqu'ici, les cercles informés comptent retrouver la trace d'une cinquantaine de morts environ de plus sur la base des données recueillies par les communautés religieuses. On peut dire que cette manière le pays aura fait un pas de plus pour venir à bout du passé chilien récent, - un très petit pas. Mais pour les familles concernées, cela signifie beaucoup, le fait de pouvoir par exemple enterrer malgré tout leurs morts.

<05.01.2001 


>Source: Reformierte Nachrichten