Angleterre, Eglise Anglicane: Rowan Williams succède à George Carey et devient le 104e archevêque de Cantorbéry

Rowan William succédera à George Carey à la tête de l'Eglise Anglicane. Il sera le 104e archevêque de Cantorbéry. En tant que tel, il sera le chef spirituel de l'Eglise d'Angleterre et dirigera la Communion anglicane mondiale, forte de presque 70 millions de membres. Après l'annonce de sa nomination le 23 juillet, Rowan Williams, âgé de 52 ans, qui est actuellement archevêque du pays de Galles, a déclaré: "Une immense confiance a été placée entre mes mains, et je ne peux que l'aborder avec un certain degré de crainte et aussi de gratitude d'avoir été reconnu digne de celle-ci." Et d'ajouter: "S'il y a une chose que j'attends plus que tout depuis longtemps déjà, c'est de voir dans les années à venir le christianisme dans ce pays capable de nouveau de capturer l'imagination de notre culture, de canaliser les énergies les plus fortes de notre pensée et de notre sentiment," a dit Williams lors de la conférence de presse qui a suivi l'annonce de sa nomination. A cette occasion, il précise aussi la façon dont il aborde son ministère à venir: "Je dois continuer à être un prêtre et un évêque, c'est-à-dire célébrer Dieu et ce que Dieu a fait en Jésus et partager tout autour de moi, pour l'amour de Dieu, ce que je peux discerner de la perspective de Dieu sur le monde - ce qui est à la fois un défi et une satisfaction."


Le pasteur Ian White, président de la Conférence Méthodiste galloise, a souligné de son côté la compétence du nouvel archevêque en tant que leader, communicateur et enseignant aussi bien au service de l'Eglise que de la nation.


Echos de la presse


Pour la presse britannique, qui a largement couvert sa nomination, Rowan Williams, le prochain archevêque de Cantorbéry, devrait être un leader capable d'inspirer, mais aussi de susciter la controverse. "Ce prêtre turbulent de Cantorbéry", écrit le Daily Telegraph, en reprenant l'expression du roi Henri II à l'égard de Thomas Becket - qui fut son prédécesseur à Cantorbéry au 12e siècle et qui fut déclaré martyr.


Certains, dans l'Eglise Anglicane le considèrent comme un chrétien orthodoxe et un penseur profond, d'autres comme un libéral aux thèses dangereuses.. Dans le Washington Post, Desmond Tutu, l'ancien archevêque de Cape Town, décrit Williams comme "le principal théologien dans notre communion." Christina Rees, membre du Synode Général de l'Église Anglicane, déclarait de son côté mardi au Washington Post: "Je pense que l'Eglise s'apprête à vivre un moment passionnant avec quelqu'un qui n'est pas sur la défensive mais prêt à s'engager sur les questions contemporaines,".


Ses prises de position provoquent de vives réactions sur des sujets aussi divers que l'ordination d'homosexuels ou que la guerre contre le terrorisme menée par les Etats Unis. Ses attaques répétées contre l'intervention militaire américaine en Afghanistan et l'éventualité d'une frappe contre l'Irak continuent aussi de défrayer la chronique politique.


Libération en présentant Rowan Williams comme un réformateur à la tête de barde celte, ancien militant pacifiste et partisan déclaré de l'ordination des homosexuels" a presque tout dit sur cet homme.


Le quotidien parisien relève pour commencer son engagement politique de jeunesse: "Jeune, il a lutté pour le désarmement nucléaire et a même été arrêté en train de prier devant une base militaire". Cet homme d'Eglise se dit ouvertement "hostile à toute guerre contre l'Irak menée hors du mandat onusien". Arrêté en 1986 pendant une manifestation pacifique contre une base aérienne des ETATS-UNIS, il avait déclaré: "je soutiendrais seulement une intervention militaire approuvée par l'ONU. En ce qui concerne l'Irak, je préfère participer à des discussions avant toute prise de décisions." Cet ancien militant du mouvement pacifiste britannique a prévenu qu'il comptait peser de tout son poids dans le débat sur le sujet.


Dans un tout autre domaine, Libération révèle son anticonformisme: dans un pamphlet à paraître contre le consumérisme, il s'en prend à «l'empire Disney» et sa «culture de marketing» inculquée aux enfants". Rowan Williams y met en cause la multinationale américaine – et les publicitaires en général – l'accusant de corruption enfantine, "en la soumettant, à des fins mercantiles, à des suggestions à caractère sexuel que les enfants sont incapables de comprendre" selon le Temps.


Rowam Williams y dénonce en effet la vente de dénonce en effet la vente de "produits dérivés" des films --jouets, bonbons et autres gadgets. "La perception de l'enfant comme un consommateur est clairement plus dominante aujourd'hui qu'il y a quelques dizaines d'années", écrit-il.


Mgr Williams, père de deux enfants d'âge scolaire dénonce plus généralement "une culture du marketing qui nourrit si ouvertement les obsessions" pour vendre et la publicité liée à la sexualité, y compris pour les produits destinés aux enfants.


Cet homme aux convictions fortes se démarque aussi de son prédécesseur par ses prises de position sur l'homosexualité: George Carey avait déclaré en 1998 que les relations homosexuelles étaient incompatibles avec la Bible et interdit l'ordination des prêtres gays, et la bénédiction des mariages gays tout en affirmant également qu'il n'y avait "aucune place pour l'activité sexuelle en dehors du mariage". Quant à Rowan Williams, il prend plutôt la défense de prêtres à l'homosexualité déclarée: selon la Voix du Nord, il aurait même déjà ordonné prêtre un homme qu’il savait être homosexuel, en rupture avec les canons de l’Eglise Anglicane. Williams aurait dit récemment, nous rapporte le Washington Post qu'il n'avait pas la mission de "faire le tour de la chambre à coucher une loupe à la main pour surveiller ce qui s'y passe." Et d'ajouter qu'il n'était pas nécessaire pour des prêtres homosexuels de rester célibataires "dans toutes les circonstances imaginables."


Déjà, la branche évangélique de l'anglicanisme s'inquiète de la tournure que prennent les événements et menace de «schisme»", selon le Temps. Frank Naggs, membre évangélique du Synode Général, admettait au micro de la B.B.C. que son groupe avait "des problèmes avec son ordre du jour radical, mais nous aimerions de façon chrétienne qu'il s'explique sur certaines de ces questions, nous préparons une première réunion avec le bon espoir de clarifier certaines de ces questions fondamentales." Sur l'ordination de prêtres homosexuels, il a ajouté: "pour autant que nous le sachions, c'est contre la révélation biblique ... et nous sommes prêts à faire scission."


Le mois dernier, un groupe de responsables anglicans évangéliques en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis et dans d'autres pays a mis en garde contre le choix de Williams comme prochain responsable anglican. Les ecclésiastiques avaient écrit dans une lettre adressée à Blair que son choix "irait à l'encontre de l'Ecriture Sainte" et pourrait mener à une scission dans l'Eglise. "Rowan Williams n'aurait pas la confiance de la grande majorité des Anglicans dans le monde, qui sont maintenant dans le Tiers-Monde et qui, comme des anglicans loyaux, tiennent les Ecritures Saintes comme leur autorité suprême," ont-ils écrit dans leur lettre.


"Nous reconnaissons ses bonnes qualités, mais les responsables de l'Eglise doivent défendre la Bible," a dit de son côté le pasteur David Philips, secrétaire général de la Church Society, un groupe évangélique indépendant au sein de l'Église Anglicane. "Nous avons quelques soucis. Sur quelques questions importantes auxquelles l'Eglise est confrontée, Williams défend des positions qui ne sont pas scripturaires et sèment la division," a dit Phillips.


Pour Williams qui considère la réconciliation comme étant sa mission essentielle, la tâche s'annonce rude. D'autant plus à l'heure où l'Eglise Anglicane et l'Eglise Méthodiste d'Angleterre envisagent de fusionner dans un horizon plus ou moins proche. L'ordination de prêtres homosexuels sera-t-elle ou non une pierre d'achoppement dans ce rapprochement significatif entre ces deux Eglises historiques? L'avenir nous le dira.


Williams est à l'origine d'une dernière controverse au début du mois. On apprenait alors qu'il serait introduit le mois prochain dans une confrérie galloise de druides. La cérémonie, qui a des racines païennes, inclura des prières aux déités des druides. Les membres des Bardes du Gorsedd, une société galloise de poètes, d'auteurs et d'artistes, disent que leur organisation est une société fraternelle plutôt qu'un culte religieux et inclut plusieurs responsables religieux dont la Reine Elisabeth II. Mais l'explication n'a pas totalement satisfait les groupes conservateurs. "Sa décision de participer à un festival druide païen, avec des prières adressées aux déités païennes, met en question son engagement à rester fidèle à la vérité exclusive de la foi chrétienne," a dit Phillips dans les colonnes de cnsnews.com.


Bien que libéral sur la question de l'homosexualité, Williams soutient néanmoins des vues conservatrices sur l'avortement et a critiqué la volonté du gouvernement britannique de diffuser plus largement le contraceptif de secours ou "la pilule du lendemain" .

Source: EEMNI/Libération/le Temps/The Washington Post/ENI/Blomberg.com/The Nando Times/cnsnews.com/The Gardian/edicom.ch/apic