BIOETHIQUE : LE DEPISTAGE DE LA TRISOMIE CONTESTE


Henrick Lindell, journaliste, lève le voile sur le sort des trisomiques 21 dans notre société après l’usage intensif des tests de dépistage, approche qui pose la place des personnes handicapées dans notre société.

Henrik Lindell

Journaliste

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 96 % des enfants à naître affectés par la trisomie 21 sont avortés. Dans la rubrique actu, le journaliste Henrik Lindell revient pour le compte de quatre journaux évangéliques (Horizons Évangéliques, Christ Seul, Pour la Vérité et En route) sur les tests de dépistage et la place reconnue dans notre société aux personnes handicapées.

La question paraît technique, mais elle porte sur un choix de civilisation : faut-il inclure la trisomie 21 dans le diagnostic pré-implantatoire, parfois utilisé dans le cadre d’une fécondation in vitro ? Cet été, ce dilemme est au centre de plusieurs débats politiques à l’occasion de la révision des lois de bioéthique prévue cet automne 2010. Même des grands médias populaires ont abordé le sujet avec une certaine rigueur. Pourquoi ces émotions ?

Si le législateur répond oui à la question, cela signifie d’abord que la trisomie sera assimilée à ce qu’on cherche habituellement dans un diagnostic pré-implantatoire : une « maladie génétique d’une particulière gravité reconnue comme incurable ».

Deuxièmement, ce dépistage conduira à l’élimination des embryons, ce qui pose problème sur le plan éthique. En ce qui concerne les trisomiques, dont la maladie n’est pas héréditaire, pas moins de « 96% des enfants sont avortés », comme le rappelle Jean-Marie Le Méné, président de la fondation Lejeune. 

Un des défenseurs de l’inclusion de ce dépistage de la trisomie n’est autre que le député UMP, Jean Leonetti, auteur d’un rapport sur le sujet. Pour Leonetti, le dépistage doit être destiné à des « femmes présentant des facteurs de risque spécifique comme l’âge ». D’après le Comité consultatif national d’éthique, il faudrait dépister la trisomie sur l’embryon afin d’éviter un diagnostic prénatal (amniocentèse notamment) qui, s’il est positif, conduit quasiment toujours à l’avortement et aux souffrances liées à celui-ci. Certains membres du CCNE, dont le théologien baptiste Louis Schweitzer, s’opposent cependant à ces dépistages-là.

C’est surtout Eléonore Laloux, une trisomique rayonnante de 24 ans, qui a permis de populariser ce combat pour la vie. Remontée contre la « stigmatisation » de la trisomie et le manque d’investissement dans les thérapeutiques, elle se trouve à la tête d’un collectif d’une quinzaine d’associations de trisomiques. Employée dans un service de facturation d’une clinique, Eléonore a été reçue par la ministre de la Santé Roselyne Bachelot, le 20 mai.

Le cabinet de la ministre a par la suite indiqué qu’il souhaite éviter la stigmatisation d’une maladie et maintenir le caractère exceptionnel du dépistage en question.

Cela ne signifie pas que ce combat est gagné, mais qu’une brèche est ouverte contre des logiques sociétales que certains médecins et experts en éthique, dont le docteur Didier Sicard, n’hésitent pas à décrire comme « eugénistes ». Ainsi le 7 avril, le Centre hospitalier universitaire de Nantes a été condamné par le tribunal administratif à verser 51 000 euros plus une rente conséquente  aux parents d’un enfant trisomique, né en 1994. La faute de l’hôpital ? Les médecins connaissaient les risques mais n’avaient pas proposé d’amniocentèse à la mère. Si elle avait su, elle aurait avorté. Elle peut maintenant se prévaloir d’un préjudice du seul fait de la naissance de son enfant. Cette affaire, par son caractère absurde, a choqué beaucoup de Français.


enroute / eemni