Tricentenaire de la naissance de Wesley, suite: les apports de la seconde Réforme selon l'hebdomadaire Réforme

Rémy Hebding revient dans le numéro 3040 de Réforme sur les apports de la "seconde Réforme". Il insiste d'abord sur la phase initiale du ministère de John Wesley


Son expérience majeure, la conversion du cœur


Le Dieu de John Wesley est un Dieu sensible au cœur. Il se révèle à lui lors d'une expérience intime et unique. Cela a lieu le 24 mai 1738, à 8 h 45 exactement. A Londres, dans Aldersgate Street, lors d'une étude biblique où est lue la préface de Luther à l'épître aux Romains : "En entendant la description des transformations que Dieu opère dans nos cœurs par la foi en Christ, je sentis une chaleur étrange s'emparer de mon cœur. Je sentis que je faisais confiance au Christ seul pour mon salut : et je reçus l'assurance qu'il avait enlevé mes péchés, même ceux que moi-même j'avais accomplis, et qu'il m'avait sauvé du péché et de la mort." 


Point de départ d'un ministère hors du commun


Le lendemain jeudi commence alors une nouvelle vie pour ce pasteur de l'Eglise anglicane dont le cœur vient d'être transformé, régénéré. Un an auparavant, il avait participé à une expérience missionnaire malheureuse outre-Atlantique, en Géorgie: "Je suis venu en Amérique pour convertir les Indiens, mais qui me convertira, moi?" Maintenant, fort de se sentir accompagné par "Jésus, Maître", il se lance dans une vaste entreprise de Réveil de la foi. Le nouveau converti réserve sa première prédication en plein air aux mineurs de Bristol. Pour la première fois, un prédicateur sort des églises pour rejoindre le peuple sur son lieu de travail. Et en ce début de XVIIIe siècle, c'est la révolution industrielle qui s'annonce avec ses masses de laissés-pour-compte. Durant toute sa vie, il prononce pas moins de 43 000 prédications et parcourt plus de 300 000 kilomètres à cheval à travers les îles Britanniques. Hiver comme été, les foules accourent pour écouter celui qui proclame: "Le monde est ma paroisse!" et qui appelle inlassablement chacune et chacun à une vie transformée par l'Evangile.


Primauté de la vie spirituelle et du témoignage


Car, pour Wesley et ceux qui le suivent, la valorisation de la vie spirituelle et du témoignage mettent au second plan les affirmations doctrinales. Cette valorisation de l'expérience personnelle par la sensibilité se marie chez lui avec une prise au sérieux de l'univers rationnel.


Une approche qui se veut raisonnable


Cela correspond d'ailleurs à une forme de pensée en Grande-Bretagne à cette époque: raison et foi ne sont pas incompatibles. Comme le souligne l'historien Bernard Cottret, "le chrétien Wesley est un rationaliste, parce que Dieu lui-même est raisonnable. […] En anglais, être sensible, ce n'est jamais qu'être rationnel" (Bernard Cottret, "Histoire de la Réforme protestante", Perrin, 2001. ). 


Pionnier dans l'oecuménisme


L'artisan du renouveau méthodiste est aussi celui ayant pratiqué avec le catholicisme un oecuménisme spirituel. Wesley fréquente assidûment la pensée de François de Sales; cela lui permet de s'ouvrir à des sensibilités mettant davantage l'accent sur la sanctification, ou vie sainte appelée "seconde bénédiction". Il se sépare ainsi d'une grande insistance sur la grâce sans toutefois adhérer à une théologie des œuvres. Il prône une éthique de l'imitation car la foi est avant tout expérience d'une personne invitée à une pratique. C'est un acquis de l'existence bien différent de tout contenu formel ou dogmatique. 


Comme dans l'engagement social


Tout en demeurant politiquement conservateur, John Wesley innove socialement en étant l'un des premiers à s'élever contre l'esclavage. Il innove également en ôtant aux clercs le privilège d'annoncer l'Evangile. Il fait appel à des prédicateurs laïques issus du peuple et confrontés aux dures réalités du monde ouvrier. Cela permettra à ce dernier de passer au réformisme social et politique en faisant l'économie des passages révolutionnaires comparables à ceux que la France a connus. Une élite ouvrière, constitutrice du travaillisme britannique, trouve sa filiation dans le réveil évangélique du méthodisme. Tout en insistant sur l'expérience personnelle de la conversion, "L'apôtre des foules, pasteur des pauvres", selon la formule de Fadiey Lovsky ("Wesley, apôtre des foules, pasteur des pauvres", Fadiey Lovsky, Foi et Victoire, 1977), a aussi inspiré les fondements de la vie sociale britannique contemporaine. 

Source: Réforme