Nos médias nous parlent quotidiennement du conflit en cours entre musulmans et chrétiens en Indonésie, notamment aux Moluques et aux Célèbes, occasionnant la mort de milliers de personnes.
Ainsi dans son édition du 8 juillet, le journal Libération pointe l'attention de ses lecteurs sur le terrible drame que connaissent les chrétiens. A l'heure de l'indépendance, en 1949, les chrétiens &endash; presque tous protestants &endash; sont majoritaires aux Moluques. De nombreux musulmans émigreront alors aux Moluques pour former à ce jour la communauté la plus importante des 2 millions d'habitants des Moluques. Jusqu'à la chute du président Suharto, les musulmans ont vécu en relativement bonne intelligence avec les chrétiens. Par après, les rapports se dégradent sur l'incitation manifeste de l'armée dépitée de voir sa toute puissance entamée. Des affrontements vont éclater. En janvier 1999, il suffira d'un conflit entre un chauffeur de bus chrétien et un musulman pour qu'un cycle de représailles sanglant se déclenche. Des églises, des mosquées commencent à brûler. Des gangs chrétiens s'opposent à des combattants musulmans. Amboine, la capitale, va se retrouver divisée en quartiers chrétiens et musulmans. Les Moluques s'enfoncent peu à peu dans une guerre civile terrible qui embrase ses îles les unes après les autres. Selon les agences de presse, au moins 28 personnes ont été tuées ces derniers jours, dans le cadre des affrontements entre chrétiens et musulmans qui ont éclaté en janvier 1999 et qui n'ont cessé de se multiplier - on parle de 4 000 morts depuis cette date. Par ailleurs, des centaines de milliers de personnes ont été forcées de quitter leurs foyers.
Les militaires indonésiens ne sont pas étrangers à cette flambée de violences; ils ne font rien pour calmer la violence interreligieuse - à moins qu'ils n'encouragent en sous-main les intégristes musulmans, s'interroge le journal Libération. Autre point à ne pas oublier, nombre de chrétiens sont des immigrés d'origine chinoise (du ressort par le passé de la Mission de Bâle) et que la rivalité entre Indonésiens de souche et Chinois a déjà fait des centaines de milliers de victimes, il y a quelque 25 ans, lorsque les Chinois, souvent commerçants, donc estimés "riches", furent accusés d'être communistes et pourchassés par les militaires.
Aujourd'hui aux Moluques, les chrétiens vivent dans "la crainte perpétuelle" d'une attaque de la part d'extrémistes musulmans. Selon une chrétienne originaire de l'archipel des Moluques, les attaques brutales menées contre les chrétiens par des "combattants du djihad venus de l'extérieur" ont pour but d'éliminer la communauté chrétienne de cette région orientale de l'Indonésie. "Nous-mêmes, et aussi des musulmans, sommes encore bouleversés et nous nous demandons pourquoi tout ceci arrive", a dit cette chrétienne, interviewée durant une réunion du Comité exécutif de l'Alliance réformée mondiale (ARM), tenue du 21 au 29 juillet à Bangalore, en Inde. "Je vous en prie, ne donnez pas mon nom", a-t-elle demandé au journaliste, en expliquant que les combattants du djihad (islamistes) des Moluques préparaient des listes de chrétiens connus en vue de les "éliminer".
Habités par la peur d'attaques subites, bon nombre de chrétiens cherchent à fuir. Le quotidien Libération (8 juillet 2000) rapporte que 492 chrétiens ont fui les milices musulmanes pour aller trouver refuge sur l'île de Sulawes. Le ferry sur lequel ils sont montés a fait naufrage: «c'était comme le Titanic». La plupart des passagers se sont noyés, quelques dizaines se sont accrochés à des débris ou des rafiots. Ils ont lutté pendant trois jours contre les éléments Seuls dix rescapés seront sauvés. Ce drame des chrétiens des Moluques ne peut laisser indifférent.
Dans ce climat de persécution généralisée, dont les chrétiens indonésiens sont les victimes, on apprend la décision du Pentagone de reprendre sa coopération avec les forces armées indonésiennes. La réaction des militants des Droits de l'Homme comme de quelques membres du Congrès des Etats-Unis ne s'est pas faite attendre: ils ont exprimé leur plus vive préoccupation quant au rôle joué par les Etats Unis en Indonésie,via les forces armées.
Selon ce rapport, l'Armée de l'air indonésienne a envoyé en mai des observateurs aux manœuvres conjointes "Cobra Gold", qui ont eu lieu en Thaïlande avec la participations de troupes américaines, thaïes et singapouriennes. Le Pentagone a également invité la Marine indonésienne et les fusiliers marins indonésiens à prendre part à des manœuvres bilatérales organisées par la Marine des USA en juillet.
"C'est très inquiétant qu'ils aient recommencé", a dit Miriam A. Young, directrice exécutive du Centre Justice et Paix pour l'Asie et le Pacifique, un groupe de défense d'intérêts et de conscientisation basé à Washington et qui reçoit un appui financier du Comité des ministères globaux de l'Eglise Evangélique Méthodiste (United Methodist Board of Global Ministries). "Cela veut dire que les USA approuvent les changements effectués en Indonésie et les considèrent comme suffisants. Or, ils ne sont de loin pas suffisants."
Mme Young a affirmé que le poids politique des militaires indonésiens au niveau local n'a en rien diminué. Elle a cité des rapports selon lesquels des soldats indonésiens continuent à se rendre coupables de violations des droits humains dans les régions d'Aceh et d'Ambon.
Elle a aussi mentionné l'attaque récente perpétrée par des éléments est-timorais pro-indonésiens contre le bureau de Solidamor à Jakarta, au cours de laquelle quatre collaborateurs de cette organisation ont été gravement blessés et de l'équipement de bureau détruit, cependant que des militaires indonésiens observaient l'incident sans réagir. Solidamor est un centre qui favorise, en Indonésie même, la solidarité avec le peuple du Timor oriental et diffuse des informations sur ce pays.
Parallèlement, 14 députés membres de la Chambre des Représentants des Etats-Unis, ont écrit au Président Clinton, relevant qu'une reprise prématurée de la coopération militaire enverrait un signal erroné aux militaires indonésiens, qui n'acceptent toujours pas de rendre des comptes et de se soumettre au contrôle de l'autorité civile.
Les députés, ayant à leur tête le président du Comité des relations internationales de la Chambre, Benjamin A. Gilman (Démocrate, New York) ont insisté pour que l'Administration Clinton se conforme à la législation en vigueur, qui interdit toute assistance militaire - y compris la formation et l'entraînement - aux Forces armées indonésiennes.
La texte en question, qui fait partie de la section 589 de la Loi sur le financement des opérations étrangères pour l'année budgétaire 2000, dispose que l'interdiction de l'aide militaire doit rester en vigueur jusqu'à ce que certaines conditions quant aux droits humains soient remplies. Ces conditions comprennent entre autres de déférer à la justice les violateurs des droits humains et d'assurer la sécurité et le libre passage des réfugiés rentrant au Timor oriental.
Les Etats Unis avaient suspendu leurs relations militaires avec l'Indonésie en septembre 1999 en réaction au carnage et aux atrocités commises au Timor oriental par des milices pro-indonésiennes appuyées par les militaires indonésiens. L'adoption, le 30 août, du référendum sur l'indépendance du Timor oriental avait déclenché une vague de violence qui, selon les rapports disponibles, a détruit 70 % des infrastructures est-timoraises, causé la mort de centaines de personnes et provoqué un exode massif de la population vers le Timor occidental et d'autres provinces indonésiennes périphériques.
Deux projets de lois, H.R. 4357 à la Chambre des Représentants et S. 2621 au Sénat, ont été déposés; ils demandent la poursuite de l'interdiction de l'assistance militaire à l'Indonésie jusqu'à ce que les conditions fixées à propos du Timor oriental soient remplies.
Pour sa part, la Conférence générale de l'EEM, qui a eu lieu en mai 2000 à Cleveland, a approuvé une résolution demandant au Gouvernement des Etats-Unis et aux Nations Unies "de prendre toutes mesures dans leurs domaines de compétences respectifs pour réduire les souffrances de la population est-timoraise, obtenir le retrait des forces responsables du massacre de cette population et les déférer à un Tribunal international sur les crimes de guerre, prendre en charge immédiatement tous les réfugiés au Timor oriental et occidental et assurer leur sauvegarde, créer les conditions d'une véritable autodétermination au Timor oriental et appuyer la reconstruction du Timor oriental en tant que nation indépendante."
L'Eglise Evangélique Méthodiste (EEM) n'est pas la seule Eglise à intervenir en faveur des chrétiens indonésiens en butte à la persécution: dans leur ensemble, les Eglises chrétiennes réclament une action rapide pour endiguer la violence aux Moluques, signale ENI. Les Eglises et organismes religieux en Indonésie et dans le monde réclament une action rapide en vue d'endiguer la violence.
>Source: UMNS - United Methodist News Service, Libération, ENI, EEMNI