Pour la première fois depuis la fin du conflit, en 1999, un petit groupe de Serbes kosovars retourne à Pristina, dans le cadre d’un programme d’aide de deux ONG occidentales, dont l'UMCOR, l'Oeuvre d'entraide et de secours de l'Eglise Evangélique Méthodiste (EEM).
Un petit groupe de retraités serbes est revenu à Pristina, mais la ville a bien changé depuis leur départ.
Vukosava Mitrovic s’apprête à célébrer ses 68 ans dans sa maison de Pristina où elle est revenue après avoir passé cinq ans comme réfugiée dans le sud-est de la Serbie.
«J’ai cru que mon cœur allait éclater quand j’ai revu le Kosovo» dit-elle, les larmes aux yeux. «Je savais que je pourrais aller en paix si je peux vieillir et mourir ici».
Vukosava et son mari Dragoljub, un économiste à la retraite, sont des pionniers. Ils font partie d’un petit groupe de Serbes qui sont les premiers à participer à une opération de retour dans la capitale du Kosovo depuis la fin du conflit qui a fait fuir des milliers de Serbes vers le Nord en 1999.
Le Conseil des Réfugiés danois et l'Oeuvre d'Entraide et de Secours dse l'EM (l'UMCOR), dirigent ce programme.
Un troisième membre du groupe, Dobrila Milic, une ancienne professeure de Serbe âgée de 70 ans, est une amie intime des Mitrovic. Elle espère retourner au printemps dans son ancien appartement de la banlieue de Dardania quand la famille albanaise qui y vit en ce moment sera partie.
Cette famille voulait rester mais la direction du logement des Nations unies, HPD, lui a donné l’ordre de partir.
Le retour de ce petit groupe est une goutte d’eau dans l’océan. Quand les troupes serbes ont dû quitter le Kosovo en juin 1999 après les frappes de l’OTAN, environ 130 000 Serbes sont partis, selon le HCR. De ceux qui vivaient à Pristina, il en reste moins de 300.
La MINUK a fait du retour des Serbes une de ces priorités, mais bien peu en ont ressenti le besoin, craignant de vivre dans une région qui n’est plus sous contrôle serbe et où les Serbes qui sont restés sont menacés de mort et doivent faire face à l’hostilité des Albanais.
Quand les Mitrovic sont revenus dans leur maison au centre de Pristina, ils ont découvert que la rue avait été rebaptisée symboliquement du nom d’un rebelle albanais du dix-neuvième siècle en remplacement du nom du héros de la seconde guerre mondiale qu’elle portait avant.
Quand ils vivaient dans cette rue, c’étaient des Serbes qui étaient propriétaires des maisons, aujourd’hui ce sont des Albanais, sauf pour deux maisons.
Pour Dragoljub, ce fut un choc. Il a découvert que tous les voisins sont des nouveaux et toutes les maisons d’un étage sont devenues des maisons à plusieurs étages.
Mais les nouveaux rapatriés sont absolument ravis de rentrer chez eux et de mêler leur voix aux critiques des changements dans le voisinage. «Le seul Albanais que nous connaissions avant est venu nous souhaiter la bienvenue. Les autres voisins sont des nouveaux, mais c’est comme cela. J’espère qu’ils nous accepteront», dit Vukosava.
Depuis son retour, elle s’affaire à mettre de nouveaux rideaux, à nettoyer les vitres, à mettre en place le mobilier de base donné par le Conseil des réfugiés danois, car l’ancien a été volé. Son grand regret, c’est que ses enfants et ses petits-enfants ne seront pas là pour son anniversaire.
Même si la plupart des problèmes de sécurité des personnes et des biens sont résolus, la grande masse des réfugiés serbes ne retournera probablement pas au Kosovo. Le fils du couple, âgé de 40 ans, est retourné à Belgrade après avoir passé quatre jours pour aider ses parents à s’installer. «Nos petits-enfants doivent aller à l’école et ils ne parlent pas albanais. Il n’y a pas d’école pour eux à Pristina».
Le couple sait bien qu’il serait irréaliste d’espérer voir le retour des enfants ou de la famille, mais ils ont trouvé la vie de réfugiés insupportable à vivre dans une pièce dans une caserne à Vrnjacka Banja, en Serbie centrale. Les conditions de vie étaient abominables et ils devaient payer un loyer avec leur petite pension.
Pendant les premières semaines à Pristina, ils ont vécu de farine et de produits alimentaires de base fournis par l’aide humanitaire. Ils n’ont pas été dans les magasins parc qu’ils n’avaient pas d’euros, la devise utilisée au Kosovo. Leur pension s’élève à 130 euros par mois et est payée en dinars serbes.
Dobrila, leur amie qui vit avec eux temporairement a été dans les magasins en se promenant le soir et elle achetait des provisions: «Quand j’ai dit quelques mots en albanais, les commerçants m’ont demandé si je faisais partie de ce groupe de rapatriés dont on parle dans les journaux. Ils m’ont aidé et expliqué où je pouvais aller faire des courses en toute sécurité».
Tous les Serbes de retour ne s’en tirent pas si bien. Quand onze rapatriés ont essayé de revenir à Klina, à l’ouest du Kosovo, il y a deux mois, les Albanais leur ont lancé des pierres et les familles qui occupaient leurs maisons ont refusé de partir. Le groupe est alors allé dans un village serbe voisin, Bica, en attendant que leurs maisons soient libres à Klina.
Les Mitrovic et leur amie espèrent que leur retour sera moins traumatisant. «Tant que nous ne serons pas complètement isolés, ni attaqués, comme si nous étions en prison, nous resterons. Nous n’avons pas de problème avec le fait de partager notre vie avec les Albanais, c’est une réalité que nous acceptons», affirme Dragoljub.
Leur prochaine visite sur leur agenda est celle qu’ils feront aux bureaux municipaux pour s’inscrire comme citoyens du Kosovo. Ils obtiendront alors leurs cartes d’identité marquées «Kosovo UNMIK» et ils jetteront celles qu’ils ont eues pendant cinq ans comme personnes déplacées en Serbie.
samedi 14 février 2004
Source: Le Courrier des Balkans