Suite à la publication dans les colonnes d'EEMNI (30/05/2001) de l'article du pasteur Robert Seitz sur la louange nous avons reçu un mail du pasteur Etienne Rudoph (EEM). Il prend ses distances par rapport aux formulations du pasteur Seitz et explicite sa propre compréhension des choses. Nous le citons:
Ses propos m'ont surpris. Personnellement, je crois en un Dieu Souverain et Roi de toute la création. Pourquoi? Parce que justement il n'est pas un Roi comme les autres. La figure royale de l'AT est claire: il s'agit d'un roi qui protège tout particulièrement le faible, les plus faibles: veuves, orphelins et étrangers, ceci dans son contexte. Ce qui signifie qu'il nous appartiendrait de le contextualiser aujourd'hui. Qui seraient-ils ces plus faibles? marginaux de tout genre: marginalisés par la maladie (sida, cancer...); marginalisés par les conséquences du néolibéralisme (chômeurs, pauvreté endémique et structurelle, rupture Nord-Sud, différence grandissante entre riches et pauvre...); marginalisés par une société machiste (au sens d'une domination par les hommes sur les femmes, différence salariale notoire, différenciation politique, non accès à l'éducation, à la santé, etc.); marginalisés par le racisme...
Ce Dieu là est le Protecteur des marginaux parce que justement il est Roi et Souverain.
Le NT n'est pas en reste: Christ-Roi n'est pas une figure royaliste dépassée datant d'une autre époque, au contraire, le Roi Christ a ouvert le chemin du Règne de Dieu (l'emploi du mot règne semble théologiquement plus juste que le Royaume de Dieu). Ce règne vient, il a déjà commencé et l'Eglise en est le témoin visible, plus, elle en est l'actrice proclamant et agissant pour la justice de Dieu. Le NT est plein de référence à l'action que les chrétiens, en tant qu'Eglise, sont invités à accomplir. Un texte important parmi d'autres: le sermon sur la montagne avec son introduction par ce qu'on appelle les Béatitudes. Actuellement, il me semble que seul Chouraqui a été capable de retraduire le plus fidèlement possible le sens de ces paroles quand il écrit: "En marche les pauvres... En marche, ceux qui pleurent... En marche ceux qui ont faim et soif de justice... etc."
Toute la Bible nous invite à rendre gloire au Dieu-Roi parce que non seulement il est Roi de toute la création mais en Jésus-Christ, il règne dans la vie des millions de chrétiens qui forment l'Eglise. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une théologie triomphaliste, parce que comme l'a dit Jésus lui-même "mon règne n'est pas de ce monde." Au contraire, il s'agit bien plus d'une théologie de la croix...
L'idée de roi paraît vieille, mais la démocratie, même si elle est une belle théorie (voir Platon) reste une belle idée qui a du mal à supprimer les injustices... (ceci dit je ne suis pas royaliste terrestre)...
Le trône de Dieu est justement totalement différent des trônes humains. Il est particulièrement et surtout dans le cœur de chaque croyant. Non, Dieu n'est pas trop éloigné de moi quand il est sur son trône.
Quant à l'exemple cité du 3ème Reich, je ne le crois pas valide. Bien avant ce terrible moment innommable qu'a été ce pouvoir, d'autres périodes historiques devraient nous inspirer l'horreur et donc nous inciter à changer notre théologie comme n'importe quelle guerre de religions, l'Inquisition, et déjà du temps biblique les différents empires... Or, si à chaque "problème" politique dans l'Histoire il fallait changer de théologie, nous n'irions pas loin...
L'une ou l'autre expressions ou paroles sont douteuses également comme "Je ne le loue ni ne l'exalte dans le ciel, mais le "tire" en bas sur ma terre...", bien qu'il ait écrit qu'il est présent sur la terre dans le mystère du Christ, pas besoin de le "tirer" vers moi, il y est déjà, avant même que je puisse le comprendre...
Je comprends une partie du bien-fondé de cet essai de changer la louange en quelque chose de plus proche des gens d'aujourd'hui, particulièrement dans certains de nos bons vieux cantiques qui contenaient des paroles parfois sanguinolentes ou très guerrières, je crois d'ailleurs surtout qu'ils reflétaient une époque. Ceci est une chose, mais il faut se garder de vouloir changer le "bébé avec l'eau du bain." Aujourd'hui, on n'aime plus parler de péché, de perdition, d'obéissance, de soumission, de rédemption, de salut... On préfère trop souvent présenter un Dieu d'amour, Jésus Christ comme un ami... Si cela n'est pas faux, cela reste incomplet si on s'en tient là. De même que quand certains cercles évangéliques ne parlent plus que de péché et de perdition...
L'Evangile du Règne de Dieu reste le même. Il s'agirait davantage à viser et rénover notre enseignement et travailler à l'éducation des chrétiens. Le Seigneur est et reste souverain au-delà de la bêtise et de la méchanceté humaine. Par la foi, je peux saisir la victoire que Christ a déjà remporté à la croix et que nous avons remporté avec lui. En tant que chrétiens et pasteurs, il nous appartient de présenter tout l'Evangile, c'est-à-dire appeler à la repentance, appeler à reconnaître en Christ son Seigneur et Sauveur, appeler au "discipulat" c'est-à-dire à suivre Christ sur son chemin en portant chacun sa croix, appeler à vivre en cohérence entre le dire et le faire comme la foi nous y invite...
Influence de la théologie sudaméricaine? Cela reste à analyser... je n'y crois pas trop, je crois davantage à une influence d'un Dieu de la Bible que s'est révélé en Jésus-Christ aux hommes. Ceux-ci sont invités à le reconnaître et à le servir (= premier sens d'adorer, et non l'adoration au sens restrictif de se prosterner), de tout leur cœur, de toute leur âme et toutes leurs forces. Je crois que le fonctionnement même du règne de Dieu se trouve dans le service (voir Marc 10/42 à 45).
Je connais Robert Seitz, je l'apprécie et respecte sa volonté de vouloir aider les chrétiens à réfléchir quant à leurs manières de louer Dieu... C'est pourquoi je me suis permis de vous écrire... peut-être cela aidera au débat... si le débat a lieu d'être. Merci également pour vos réflexions que vous me ferez parvenir si l'envie vous en prend.
Salutations fraternelles les meilleures,
Etienne Etienne Rudolph, "fils du Roi" comme tous les chrétiens... (ci-dessous le texte de Robert Seitz modifié)
Dieu, Souverain et source de la vie
Dieu, Seigneur et ami
Dieu, tout-puissant et amour
Dieu, non pas image de rêve d'hommes forts, mais véritable visage de Dieu fait homme
Dieu, victorieux non pas en agitant les drapeaux, mais victorieux sur tout mal et toute injustice et accompagnant ses fidèles dans leur quotidien.
Source: EEMNI