ACCUEIL DE REFUGIES ZIMBABWEENS DANS UNE EGLISE DE JOHANNESBURG

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L’évêque méthodiste de Johannesburg impliqué dans l’accueil de réfugiés zimbabwéens

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Tandis que le Zimbabwe poursuit sa descente aux enfers, 2 000 réfugiés attendent « sous la protection de Dieu » de pouvoir rentrer chez eux

Leroy voudrait rentrer au Zimbabwe. Ce gamin de 16 ans a traversé la frontière sud-africaine, seul, il y a trois semaines. N’ayant nulle part où aller, il est venu s’ajouter aux 2 000 réfugiés zimbabwéens qui ont trouvé refuge en la Central Methodist Church, au centre-ville de Johannesburg.

« Je voyais arriver les émigrés dans mon village. Ils avaient de beaux habits, des voitures pleines de nourriture. Je pensais que l’Afrique du Sud, c’était le paradis. Mais c’est encore pire qu’à la maison », dit-il. Aujourd’hui, il ne possède plus qu’un bonnet de laine enfoncé sur la tête et sa brosse à dents. 

Les « grands » de l’église lui ont tout volé à son arrivée et une semaine plus tard il a été roué de coups par des Sud-Africains dans la rue. Il dort sur le trottoir. Il n’y a plus de place dans les locaux paroissiaux pour les nouveaux arrivants. Et, de toute façon, il préfère rester sur le parvis. « C’est trop terrible là-dedans… », chuchote-t-il.

L’évêque méthodiste de Johannesburg accueille tous les réfugiés

Entre ces murs, on donnait autrefois des cours de catéchisme. À l’entrée, une vieille pancarte jaunie par le temps annonce l’horaire des offices. Il y a trois ans, l’évêque méthodiste de Johannesburg, Mgr Paul Verryn, a décidé d’accueillir tous les réfugiés qui se présentaient à sa porte.

Il les reçoit un par un, il les écoute. On le distingue à peine derrière la pile de dossiers et de lettres qui s’éparpillent sur son bureau. « Il y a deux ans, je me suis dit que ça ne durerait plus longtemps, déclare-t-il. J’ai vu des corps mutilés par la torture, affamés. Je pensais que ça ne pourrait jamais être pire. Et maintenant, je me demande si tout cela finira un jour. »

En juin, après la vague de violences xénophobes en Afrique du Sud, le bâtiment de cinq étages a commencé à être surpeuplé. Chaque jour, une douzaine de personnes supplémentaires venaient y trouver refuge. Aujourd’hui, avec l’épidémie de choléra et la crise économique qui ravage le Zimbabwe, le flot de nouveaux arrivants est continuel, allant jusqu’à plus de soixante par jour.

À l’intérieur, l’air est rance et les couloirs obscurs. Des enfants jouent à travers des fenêtres brisées. Il n’y a plus un seul mètre carré de libre. Entre les bagages, les bassines d’eau brunâtres, les couvertures et les cafards, les réfugiés tentent de faire leur chemin.

Ce sont d’anciens professeurs, des infirmières, des soldats, des militants de l’opposition ou des charpentiers. Ils attendent « sous la protection de Dieu », disent-ils, de pouvoir rentrer chez eux.

L'espoir n'a pas déserté les lieux

Au sous-sol, des femmes ont reconstitué un marché. Au son de la musique du pays, on vend des fruits et légumes et l’on cuisine. « Je ne veux pas sortir. J’ai bien trop peur de me faire arrêter par la police ou de la xénophobie », raconte l’une d’elles.

Au fond d’un couloir, un homme monte la garde, un bâton entre les mains. Derrière la porte, c’est la chambre des femmes. Il y a eu trop d’incidents dans le passé. Avec 2 000 personnes vivant entassées, le pire peut arriver. Des gangs font la loi et rackettent ceux qui ont un peu d’argent.

Mais l’espoir n’a pas déserté les lieux. Julia et Tendani se sont rencontrés dans l’église l’année dernière. Aujourd’hui, l’évêque Paul Verryn célèbre leur mariage. Les vitraux filtrent les rayons du soleil brûlant de ce samedi après-midi et étalent leurs couleurs sur l’assemblée. On chante, on rit, on s’exclame lorsque le marié embrasse sa promise. Dans un coin, un bébé joue avec une pancarte rouge distribuée par l’opposition. Indifférent au spectacle, il soulève l’écriteau, le scrute comme s’il pouvait le lire : « Mugabe doit partir ».

22/12/2008 

Sophie BOUILLON, à Johannesburg

LA CROIX