Suisse, Genève: le cèdre algérien à l'honneur

 Une célébration commémorative autour du cèdre des Aurès a eu lieu au Centre Oecuménique à Genève, le 12 décembre 2003 pour rendre hommage à tous ceux qui ont contribué à sauver cette espèce de conifère.


Il y a quarante et un ans, en mars, les Accords d'Evian ont été signés entre le gouvernement français et le Front de libération nationale (FLN) algérien. Ce cessez-le-feu a ouvert le processus par lequel l'Algérie a conquis son indépendance en juillet 1962. Au même moment, cette date a marqué le début d'un vaste élan de solidarité parmi les églises et leurs agences d'entraide liées au Conseil Oecuménique des Eglises (COE), avec pour but de participer à la reconstruction d'une société algérienne qui avait été ravagée par huit ans de conflit, au cours duquel plusieurs centaines de milliers de personnes ont péri. 


Déjà, au printemps 1962, la Cimade, agence française du service cuménique, forte de plusieurs années de présence parmi la population algérienne pendant la guerre, était consciente des énormes défis confrontant les familles dans le tourbillon de la guerre et de la pénurie des nécessités de base. Trois expériences de reboisement avaient été mises sur pied dans le Constantinois. A Belkitane, avec la plantation de 15 000 pins d'Alep, et dans d'autres villages, la plantation de 1 500 oliviers et de 50 000 pins d'Alep, permettant ainsi à des centaines de chefs de famille issus des régions frappées par le chômage d'avoir une source de revenus, et en même temps de protéger les sources d'eau du pays et de combattre l'érosion dangereuse menaçant les régions montagneuses. 


En mars de cette même année, encouragé par le témoignage et l'efficacité des initiatives de la Cimade en Algérie ainsi que d'autres signes de solidarité comme celui des Mennonites, le Comité chrétien de service en Algérie (CCSA) a été mis sur pied, sous l'égide du Conseil Oecuménique des églises. Le directeur de la Commission de service et d'entraide auprès des réfugiés (CESEAR), le Dr Leslie Cooke, a été saisi par l'immensité des défis auxquels est confrontée la société algérienne: le chômage, le manque des aliments de base. Des milliers d'hectares du plateau et des montagnes de l'Est algérien ont été ravagés et brûlés par le napalm utilisé par les forces françaises en Algérie.


Les premières expériences de reboisement dans l'Est algérien ont pris, grâce à l'internationalisation de la solidarité cuménique représentée sur place par le CCSA, une importance considérable. Le directeur de l'agence d'entraide suisse HEKS-EPER, le pasteur Heinrich Hellstern, a été nommé, en août 1962, comme le premier directeur du CCSA à Alger puis à Constantine. Le pasteur Hans Aurbakken, doyen de la Mission méthodiste en Algérie, expert de l'islam et des langues locales, lui a succédé. Le CCSA, sous leur direction, a connu un important développement pendant cette période avec le soutien de Vernon Littlewood, nommé par l'agence britannique Christian Aid et avec l'encouragement essentiel des nouvelles autorités politiques du pays. En effet, en plus du programme de reboisement, une diversité des services a vu le jour: dans le domaine médical, l'aide matérielle, l'enseignement, la formation et l'artisanat familial, l'agriculture, le développement de projets d'autoréalisation et une ferme-école spécialisée dans l'élevage et la culture.


A la fin des années 1960, le programme de reboisement, devenu les Chantiers populaires de reboisement (CPR), avait planté plus de un million d'arbres sur l'ensemble de l'Est algérien (des cèdres des Aurès, des pins d'Alep, des eucalyptus, des oliviers et des arbres fruitiers) grâce à la participation et l'encouragement des chefs traditionnels religieux et des autorités locales et nationales. Ce fut le fruit d'une extraordinaire coopération entre la communauté oecuménique et la population algérienne.


En 1965, un petit plant de cèdre des Aurès fut envoyé au COE de la part du CPR et du CCSA, en tant que symbole de reconnaissance exprimée aux églises et à ses agences d'entraide liées au COE, pour leur solidarité manifestée durant ces premières années de reconstruction de l'Algérie indépendante. Ce plant était aussi destiné à contribuer à l'embellissement du jardin du nouveau siège du COE. Le plant, de 10 cm, fut posé par le secrétaire général du COE, le Dr WA Visser't Hooft, sur une petite butte derrière la bibliothèque du centre cuménique. Au fil des années, ce plant est devenu un splendide spécimen du cèdre des Aurès avec plus de douze mètres de hauteur.


Comme jusqu'à présent, cet arbre restait sans identification sur ses origines, plusieurs anciens collègues du CPR et du CCSA ont proposé au secrétaire général du COE, le Dr Konrad Raiser, que l'on commémore ce lien historique entre les deux communautés oecuménique et algérienne; par une brève cérémonie «sous» le cèdre en posant symboliquement une plaque explicative. La proposition fut cordialement acceptée. Elle s'est réalisée, donc, le 12 décembre à 14 h 45 à la bibliothèque du centre oecuménique. Deux plaques, désignant le cèdre et ses origines seront dévoilées dans trois langues: le chaoui, l'arabe et le français.


Ont été invités spécialement à cette occasion, Mebarek Cheddad, l'ancien responsable de toutes les pépinières du CPR en Algérie, et Mme Chérifa Abid, une participante active à l'époque du reboisement et actuellement engagée dans la formation de femmes pour la remise en valeur de l'artisanat traditionnel. A cette occasion, des cônes et des graines venant du cèdre «Oecuménique» leur ont été retournés afin de renforcer la solidarité continue de la famille oecuménique internationale avec le peuple algérien, et tout particulièrement les nouvelles générations d'Algériens.


Pour rappel, le nom français de l'espèce est cèdre de l'Atlas; genre: cedrus; espèce: atlantica ; famille: pinacées; type: arbre conifère; origine: Atlas algérien et marocain; période de floraison: de septembre à novembre.


Les cèdres tiennent une place appréciable dans la mythologie orientale, où ils sont souvent présentés comme gage de la vie éternelle.


04-01-2004 


Source: Le Matin (Algérie)