ETATS-UNIS, SEATTLE: un évêque latino-américain dénonce le racisme comme le péché du pouvoir

Par Joretta Purdue*


Le racisme porte sur la douleur et le pouvoir et pour les chrétiens il est "une des expressions les plus violentes du mal humain et du péché," selon un évêque méthodiste argentin. 


L'évêque Aldo M. Etchegoyen a dit à la commission évangélique méthodiste sur la religion et la race que seules les personnes en position de force peuvent manifester du racisme.


"Selon ma perspective pastorale en Argentine et en Amérique Latine, le racisme aussi bien que la xénophobie ont leur origine dans un mauvais usage du pouvoir quand il sert à subjuguer et à exploiter économiquement l'humanité," a-t-il rapporté à la commission au cours de sa rencontre du 1-3 mars. "Pour quelques personnes, le racisme peut être une affaire de couleur de la peau ou de nationalité, mais derrière tout cela, il y a toujours la question du pouvoir."


Etchegoyen était le président du Conseil des Églises Évangéliques Méthodistes d'Amérique Latine et des Caraïbes (CIEMAL) de 1983 à 1989. Il a été élu évêque de l'Eglise Evangélique Méthodiste (EEM) d'Argentine en 1989. Il est parti à la retraite en l'an 2000 et actuellement occupe la fonction de chef intérimaire du CIEMAL.


Quand les militaires étaient au pouvoir en Argentine, de 1976 à 1983 environ, le régime était très raciste, relevait Etchegoyen. "La plus mauvaise chose qui puisse arriver à une personne, c'était d'être alors en prison et d'être une femme juive."


Les noirs et les autochtônes avaient déjà été éliminés au cours du siècle précédent, a-t-il dit. Il a cité l'histoire de l'Argentine, qui était d'abord une colonie espagnole jusqu'en 1810 avant de devenir ensuite une nouvelle nation. Le pays avait 54 communautés autochtônes au moment de l'indépendance, mais deux périodes "de nettoyage (ethnique)" au cours des années 1800 ont contribué à leur élimination.


"L'exclusion des communautés autochtônes avait une motivation économique," a-t-il dit. On a voulu s'accaparer leurs terres et la force militaire a été employée pour servir le pouvoir économique. Les noirs avaient été amenés pour servir les blancs. Beaucoup de noirs ont été envoyés comme soldats pour se battre avec les autochtônes et sont morts dans le combat. Une épidémie de fièvre jaune entre 1871 à 1874 a causé la mort de beaucoup de victimes et vers la fin du siècle la population noire a disparu.


"Le racisme en Amérique Latine signifie la mort," a affirmé Etchegoyen. Quand Christophe Colombe est arrivé en Amérique en 1492, l'île de La Espanola (Hispaniola) avait 1 million d'habitants, mais ce nombre est tombé à 16,000 autour de 1520, a-t-il dit.


Partout en Amérique Latine, les guerres d'exploration et de conquête ont causé beaucoup de victimes. Des maladies d'origine européenne, la dure condition de l'esclavage - en particulier dans les mines - et le suicide en guise d'alternative à la conquête, tout cela aboutira à la mort de 65 millions d'autochtônes qui avaient vécu dans le secteur. Plus de 9 millions d'esclaves ont été amenés de l'Afrique en Amérique Latine entre 1520 et 1880. 


"Ces esclaves ont travaillé sur des plantations comme des animaux," a dit l'évêque. "Ils étaient ' des choses, ' ' des marchandises.'" Selon des références qu'il cite, les Africains réchappaient rarement à plus de sept ans de travail continu.


Le résultat de tout ce racisme était un transfert de richesse d'Amérique Latine en Europe entre 1492 et 1660. "L'argent envoyé d'Amérique Latine, particulièrement de Bolivie, en Europe (valait) trois fois le total de l'argent amassé dans les banques européennes pendant cette période" a-t-il dit.


"Ce processus continue aujourd'hui par le mécanisme des dettes exterieures," a observé Etchegoyen. "En 1975, la dette exterieure de l'Amérique Latine et des Caraïbes était de 69 milliards de $. Depuis cette année, nous payons 795 milliards de $ et en 1998, la dette était 660 milliards de $." L'Argentine doit payer au Fonds monétaire international 35,000 $ rien que pour payer les intérêts, a-t-il dit.


"C'est une nouvelle forme d'esclavage, non seulement en Amérique Latine et aux Caraïbes, mais aussi en Afrique," a-t-il déclaré.


"Le racisme est en étroite relation avec le capitalisme," a-t-il dit. "Le mauvais usage du pouvoir produit un nouveau racisme dans le monde entier dans la logique du système capitaliste."


En cette époque de globalisation, le recours à la puissance produit de la discrimination et de l'exclusion, a déclaré l'évêque. Quelques-uns des pays principalement blancs et riches détiennent le pouvoir économique et le reste du monde est marginalisé par la globalisation, a-t-il expliqué. "Ce problème social prend de l'ampleur rapidement."


"La globalisation est une expression du racisme," a-t-il dit.


Un comité de cinq responsables évangéliques méthodistes des Etats-Unis a répondu au rapport d'Etchegoyen.


"Le racisme est certainement vivant, il donne des coups de pied et saute sur nous aujourd'hui," a dit Inday Day, présidente de la Fédération Nationale des évangéliques méthodistes américains d'origine asiatique.


Des Philippins ont trouvé la mort au cours des 1,000 soulèvements et plus pendant les quatre siècles de domination coloniale, d'abord du fait de l'Espagne et ensuite des Etats-Unis, a-t-elle dit. Des immigrants chinois ont travaillé aux Etats-Unis, particulièrement à la construction de voies de chemins de fer, mais ils ont été victimes de lois discriminatoires; l'une d'entre elle leur interdisait le mariage, a-t-elle dit.


"Dans le racisme financier, les pays en voie de développement dépendent tous des pays riches," affirmait Day. En Asie, même les pays qui n'ont pas été colonisés dépendent des pays riches, a-t-elle ajouté.


"L'Eglise a tendance à suivre la société plutôt que de guider la société dans le droit que nous sommes appelés à respecter," a dit Betty Henderson, responsables des méthodistes noirs pour le Renouvellement de l'Église.


Elle a rappelé à la commission que des Américains d'origine africaine ont aidé à former l'Eglise Evangélique Méthodiste (EEM). "Certains d'entre nous ont voulu rester dans une Eglise raciste" pour l'aider à devenir ce qu'elle était appelée à être, a-t-elle dit. L'Eglise connaît un schisme à deux reprises sur la question de l'esclavage, a-t-elle noté: une fois avant la Guerre civile et de nouveau à la formation de la Juridiction Centrale en 1939, parce que des ressortissants du Sud blancs n'ont pas voulu travailler avec d'autres chrétiens qui étaient noirs.


En citant une forme actuelle de racisme économique, elle a noté que les taux d'intérêt ont tendance à être plus élevés dans les communautés noires. "L'Eglise est appelée à travailler avec les marginaux. C'est notre responsabilité - indépendamment de la communauté dont nous faisons partie." Elle a pressé l'Eglise à examiner la question des réparations.


Le pasteur Sione Motu'ahala, directeur du comité des évangéliques méthodistes américains issus du Pacifique, décrit comment les divers groupes d'immigrants insulaires ont préféré quitter leur Eglise plutôt que de continuer à vivre avec des ressortissants d'une autre île que la leur.


"Le but principal de l'Eglise est de construire l'unité dans la diversité," a-t-il affirmé. 


Il est nécessaire de se sentir inconfortable chaque jour si on doit suivre Jésus, faisait-il la remarque. Le problème aujourd'hui, c'est que, "nous autres responsables chrétiens, nous voulons être populaires. Pour moi, c'est un péché." Il a rappelé à son auditoire que les chrétiens suivent une personne qui était impopulaire et dont la vie s'est achevée sur une croix.


"Nous parlons du racisme entre les races." a demandé Motu'ahala, "Qu'en est-il du racisme au sein d'une même race?" Il a pressé les gens de ne pas regarder derrière eux, mais de jeter leurs regards vers l'avant et de travailler pour la paix dans le monde.


Le pasteur Alvin Deer, qui est à la tête du Comité International des amérindiens, a accueilli l'évêque et la commission dans leur réserve au nom de tous les autochtônes. Il a alors posé la question: "le racisme infecte-t-il toute l'humanité?" Ressemble-t-il à un virus? S'il en est ainsi, quel est l'hôte qui lui permet de voyager de pays en pays et d'une personne à l'autre? a-t-il demandé.


"Le génocide résulte du racisme religieux," a-t-il déclaré. Quand ils sont venus en Amérique pour vider la terre de ses occupants, les chrétiens venus en Amérique avaient une mentalité forgée par l'Ancien Testament plutôt que par la doctrine trouvée dans les Évangiles. Non seulement des réparations sont nécessaires, mais aussi de la réconciliation, a-t-il dit.


Le capitalisme n'exploite pas seulement la terre, mais aussi les gens, a dit Deer. Les européens qui sont venus en Amérique ont aussi été exploités, a-t-il ajouté.


"On doit dénoncer le racisme dans les groupes sociaux, économiques et religieux," a dit Marie Silva, directrice de Metodistas Associados Representando Causa la de Hispano-Americanos (MARCHA). Elle a appelé le racisme comme étant un crime contre le Créateur, une injustice et un péché.


"Cette société et cette Eglise comptent toujours sur nous pour que nous venions dire clairement que le racisme est un péché," s'est-elle empressée de dire. "Jésus nous appelle à cesser de nous séparer de l'indigent et du démuni. Malgré le racisme que nous voyons, nous devons avancer ensemble."


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*Purdue est directrice du bureau d'informations de Washington de l'Agence de presse évangélique méthodiste.


Le 7 mars 2002

Source: Service de presse évangélique méthodiste (UMNS)