Etats Unis: l’évêque se réjouit des progrès accomplis dans la lettre qu’il adresse à Martin Luther King Jr.

Chaque année, l’Évêque d’Evangélique Méthodiste Woodie W. Witz écrit une lettre "d’anniversaire" à son ancien collègue, le pasteur Martin Luther King Jr, pour indiquer si des progrès ont été réalisés d’une année à l’autre dans le domaine de l’égalité raciale aux États-Unis. À présent à la retraite et officiant comme évêque-en-résidence à la faculté de Théologie Evangélique Méthodiste Candler à Atlanta, White était le premier responsable de l’agence de la dénomination chargée des questions d’égalité raciale, la Commission Religion et Race. Les Américains honorent la mémoire de M. L. King le troisième lundi de janvier.


Cher Martin,


Au début de cette lettre je dois vous rapporter un incident impliquant un de vos associés les plus proches et un de mes amis les plus chers. Il y a quelques mois, lui et moi, nous étions membres d’un jury chargé de faire le point sur les questions raciales au sein de l’Eglise Evangélique Méthodiste (EEM). Nous évaluions particulièrement les progrès accomplis ou non, depuis la cessation d’activité de la Juridiction Centrale. C’était la structure créée par la dénomination en 1939. En 1968, elle n’a pas continué d’exister, quand une nouvelle dénomination, l’Eglise Evangélique Méthodiste (EEM), s’est mise en place.


Après la présentation du jury, une femme m’a demandé si j’avais toujours l’intention de vous adresser ma lettre annuelle, indiquant à quel point elle l’avait appréciée. J’ai indiqué mon intention de poursuivre cette pratique commencée en 1976. Sur quoi, notre collègue m’a raillé, "Oui, Woodie, continue seulement, je viens juste de parler à Martin et il m’a dit qu’il avait aimé recevoir des nouvelles de vous !" L’auditoire a hurlé.


En parlant de Joe Lowery, vous seriez heureux, mais pas étonnés d’apprendre qu’il continue à diriger les affaires de manière critique et dynamique, particulièrement dans le secteur d’Atlanta et à travers l’état de la Géorgie. On recherche sa voix, ses perspectives et ses conseils, quand il se prononce contre l’injustice et préconise la défense des marginaux de la société.


Le pasteur Joseph E. Lowery mène une réunion débat au cours de la première réunion de l’ancienne Juridiction Centrale de l’Église Méthodiste au College Park, Ga. La juridiction était une structure réservée aux Méthodistes noirs ; elle a existé de 1939 à 1968, jusqu’à sa dissolution dans les cinq juridictions géographiques actuelles de l’Eglise Evangélique Méthodiste.


Martin, je vis maintenant en Géorgie. Le New-Yorkais que je suis et sa femme de la Nouvelle Angleterre ont décidé de descendre dans le Sud ! Nous faisons partie de cette vague d’Américains noirs qui retourne au Sud. Je continue de m’émerveiller de l’émergence d’un Nouveau Sud, mais aussi d’observer les traces de l’ancien Sud. Je me réjouis encore de voir qu’en l’espace de moins de 50 ans, ceux-là mêmes qui avaient été relégués dans des écoles et des lieux publics à part occupent maintenant des places dirigeantes.


Avec tristesse, je dois annoncer la détérioration de la situation de votre Conférence tant aimée (the Southern Christian Leadership Conference). Vous seriez déçu d’être le témoin du conflit interne qui la mine et la détourne de son travail essentiel, la poursuite du combat pour l’égalité pour tous.


Je prie et j’espère que l’organisation retrouvera bientôt le nord et se dotera d’une direction nouvelle et plus jeune, pour qu’elle puisse être encore une fois parmi les organisations d’avant-garde cherchant la justice raciale et économique. C’est nécessaire !


Aucun groupe n’est aussi révéré et influent que l’église noire et ses responsables. À condition de garder concentration et sens d’équipe, elle peut avoir un fort impact sur la communauté noire à l’inverse des agences sociales extérieures et du gouvernement. Nous avons toujours besoin d’entendre et de faire entendre la voix des églises noires et de leurs responsables.


Martin, nous venons de vivre une campagne présidentielle et des élections nationales qui nous ont plutôt divisés. J’ai en particulier le plaisir de saluer l’élection d’un nouveau sénateur noir. Il est historiquement significatif que les deux candidats aux Sénatoriales aient été des Afro-américains ! Le nouveau sénateur de l’Illinois est un diplômé d’Harvard brillant, éloquent et charismatique. On dit de son avenir qu’il sera brillant. Barack Obama est son nom !


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Deux élections significatives complémentaires méritent d’être notées. Le juge James Graves nommé à la Cour suprême du Mississipi avec 57 % des voix. Gwen Moore est devenue la première femme noire à être élue au Congrès du Wisconsin. Elle représentera la 4e Zone du Congrès de Milwaukee.


La nomination historique d’une femme noire comme secrétaire d’État, Condoleezza Rice, fille d’un prédicateur de Birmingham, Ala. n’a pas été suffisamment relevée. Il est aussi significatif que son prédécesseur, Colin Powell, ait été un noir américain. Condoleezza Rice, qui parle couramment le russe, a servi au poste important de conseiller à la sécurité nationale aux côtés du président.


Je crains que ces deux personnalités auraient bénéficié d’une reconnaissance plus grande si leur affiliation politique avait été différente. C’est malheureux.


La reconnaissance des Afro-Américains ne doit pas se faire en fonction de leur adhésion à tel ou tel parti ni même en fonction de leur affiliation religieuse. Notre lutte pour la liberté et l’égalité des races se fondait dans l’espoir et l’espérance que tous les Américains pourraient exprimer ce qu’ils pensent en âme et conscience, utiliser leurs dons et être reconnus comme vous l’avez été, non pas sur la base de la couleur de leur peau, mais en fonction des traits de leur personnalité. Je suis dans la joie chaque fois qu’une personne de couleur passe par une porte précédemment prévue ou étiquetée comme étant réservée aux blancs seulement !


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Bien, Martin, je dois mettre un terme à ma lettre. Il y a tant de raisons d’être reconnaissant en ce jour d’anniversaire de votre naissance. Tant d’Américains de contextes raciaux et de convictions religieuses si différents se sont sacrifiés et engagés à fond au cours des 50 dernières années. Leur peine doit servir de repères dans les luttes encore à vivre, car on n’en a pas fini.


Pour moi, l’évidence se fait toujours plus forte : il suffit d’un rien pour qu’on en vienne à remettre complètement en cause les progrès accomplis et même les avantages acquis. Dans cette perspective, tous les Américains doivent se repositionner face à ce défi jamais définitivement relevé de la justice pour tous.


À l’heure où nous nous rappelons et célébrons votre vie et votre travail, puissions-nous nous en souvenir. Puissions-nous ne jamais cesser nos efforts jusqu’à ce que chaque Américain, à l’écoute de ces paroles nobles, "… Une nation sous Dieu, indivisible, avec la liberté et la justice pour tous," ne connaîtra plus le concept comme un idéal seulement, mais l’appréhendra comme la réalité même.


Merci, Martin, pour nous avoir rapprochés de cette réalité. Joyeux anniversaire !


We shall overcome !


Woodie

Atlanta, la Géorgie


Le 14 décembre 2004

Source: Service de presse évangélique méthodiste (UMNS)