Le dialogue se poursuivra
Heinrich Bolleter, évêque à la retraite de l'Eglise Evangélique Méthodiste et représentant du World Méthodist Council (Conseil Méthodiste Mondial - CMM) à Genève, se prononce sur la déclaration de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et dans son écrit ne se place pas seulement du point de vue protestant mais aussi du point de vue catholique et réclame la poursuite du dialogue.
Le dialogue se poursuit entre le World Methodist Council et l'Eglise catholique-romaine. Le monde protestant a réagi rapidement à la publication du nouveau document de la Congrégation vaticane pour la doctrine de la foi. Ses réactions était marquées plus ou moins par de la frustration.
Dans ce contexte, il est important de lire avec soin la déclaration de la Congrégation pour la dotrine de la foi publiée le jour de Saint Pierre. C'est un document interne à l'Eglise catholique-romaine pour conforter sa doctrine officielle sur l'Eglise en vigueur jusqu'ici. Pour toutes les Eglises protestantes participantes au dialogue avec l'Eglise catholique-romaine, le contenu de ce document a de quoi décevoir : rien n'a manifestement changé. Et pourtant le texte suggère une compréhension élargie de l'oeuvre du Saint Esprit et parle des signes distinctifs de l'existence de l'Eglise dans d'autres dénominations.
Pour autant que j'aie lu la presse, il en est fait à peine mention. Je pense qu'il est important de se rappeler que le Conseil mondial des Eglises Méthodistes (CMM) mène un dialogue avec l'Eglise romaine-catholique depuis 40 ans déjà. En 1968 était publié le premier rapport sur ce dialogue. On y attestait clairement qu'un tel dialogue avait pour objectif "une pleine communion dans la foi, la mission et la vie sacramentelle". Ce n'est qu'en poursuivant le dialogue que l'on saura comment atteindre un tel objectif un jour.
A la dernière Conférence du World Methodist Council (2006 à Séoul), la commission chargée du dialogue avait informé de ce dialogue dans un rapport intitulé "La grâce qui nous est donnée dans le Christ : Catholiques et Méthodistes poursuivent leur réflexion sur l'Eglise". Dans ce rapport, nous lisons : "Il est temps de se voir les uns les autres dans les yeux et d'établir avec amour et respect ce qui caractérise vraiment l'Eglise ici et là à partir du Christ et de l'Evangile." Le rapport souligne aussi que nous échangeons ensemble les dons que nous reconnaissons dans l'autre.
Tous les auteurs de ce rapport avaient conscience des différences persistantes entre les deux Eglises, au moment de sa rédaction, mais il n’y a pas l'ombre d'une frustration dans leurs propos. Le Conseil Mondial des Eglises Méthodistes pose aussi la question en l'air dans le dialogue oecuménique actuellement, la question de ses objectifs ultimes : vise-t-il "l'unité visible de l'Eglise" ou "la reconnaissance mutuelle des différentes façons de vivre l'Eglise"; Le Conseil Méthodiste Mondial (CMM) répond positivement à ces deux questions.
Oui, il y va de l'un et l'autre. Sur cette discussion, Le Conseil Oecuménique des Eglises a aussi pris clairement position en 2006 : "Chaque Eglise est l'Eglise "catholique" et non seulement une partie de cette Eglise. Chaque Eglise est Eglise catholique mais jamais la seule à l'incarner pleinement. Chaque Eglise affirme sa catholicité, quand elle vit en relation avec les autres Eglises."
A cette lumière, la "frustration" des protestants ne devrait pas mener au refus du dialogue mais inciter au contraire à un dialogue approfondi. La commission chargée du dialogue au sein du Conseil mondial des Eglises Méthodistes fera part de ses observations et de ses questions dans la suite du dialogue.
Evêque Heinrich Bolleter, représentant du World Methodist Council à Genève
La réaction du pasteur Thomas Wipf, président de la Fédération des Eglises Protestantes de Suisse (FEPS)
«La diversité, racine du christianisme»
Le Temps: Après ce document, le dialogue est-il encore possible avec l'Eglise catholique?
Thomas Wipf: L'œcuménisme est encore plus nécessaire qu'avant. C'est un devoir que les Eglises chrétiennes tiennent de Jésus. Au niveau de la base, il est vivant. Mais la question se pose de savoir si le dialogue est encore possible avec la hiérarchie. Le Vatican nous dicte les conditions du dialogue, et c'est inacceptable. Pourtant, dans la théologie catholique, il existe une discussion plus ouverte en vue d'une unité dans la diversité. Les positions présentées dans le document romain semblent dater d'avant le Concile Vatican II, qui était pourtant un signal d'ouverture.
- L'Eglise catholique dénie aux communautés protestantes la qualité d'Eglise. Comment réagissez-vous?
- Le Vatican peut définir ce qu'est l'Eglise catholique, mais ce n'est pas à lui de définir ce que sont ou ne sont pas les Eglises protestantes. Les communautés protestantes se considèrent comme des Eglises, et pour nous l'Eglise catholique romaine est une Eglise sœur. Ce sont les riches traditions catholiques, orthodoxes et protestantes et le peuple chrétien qui forment l'Eglise. La prétention de l'Eglise catholique à être la seule Eglise du Christ nous étonne.
- Pour le Vatican, le seul œcuménisme concevable est celui qui vise à l'union avec Rome. Est-ce envisageable?
- Non, c'est inconcevable. L'unité n'est pas donnée par une Eglise, mais par Jésus-Christ. Il y a des différences entre les confessions chrétiennes, mais nous avons une base commune qui est l'Evangile. Sur cette base peuvent s'ériger différentes formes d'Eglises. Il n'est pas possible d'imaginer l'existence d'une seule Eglise. La diversité est à la racine du christianisme. D'ailleurs, il n'y a pas un Evangile, mais quatre.
- Quel est alors le but de l'œcuménisme?
- C'est de devenir une Eglise, mais avec une multitude de formes. Et dans ce cadre, il faut penser à ce qui nous unit.
Source: eemni/emkni/Le Temps