Où en est-on de la loi sur les droits des malades et la fin de vie ?

Où en est-on de la loi Leonetti sur les droits des malades et la fin de vie? A cette question, Luc Olekhnovitch tente de répondre ici. Le pasteur Luc Olekhnovitch préside la commission d’éthique protestante évangélique (mixte librobaptiste). Son intervention participe au débat à venir sur l’euthanasie.

L'Assemblée nationale a voté en avril 2005, avec un ensemble remarquable, une loi sur les droits des malades et la fin de vie, dite loi Léonetti, du nom de son promoteur. 

Rappelons ce qu'a apporté cette loi: 

Elle a renforcé le droit du malade à décider de son sort 

en interdisant au médecin de pratiquer sur le malade une « obstination déraisonnable », l'appréciation du caractère « déraisonnable » étant le fait du patient, s'il est en état d'exprimer sa volonté. Comme l'indique son intitulé, la loi ne traite pas uniquement des malades en fin de vie. Elle envisage le cas d'un malade conscient qui, en refusant un traitement, mettrait sa vie en danger. Le malade devrait « réitérer son refus après un délai raisonnable» (Art. 4), et le médecin après consultation éventuelle d'un collègue, devrait respecter sa volonté tout en lui assurant des soins qui préservent sa dignité et la qualité de sa fin de vie. 

Elle a créé un cadre légal pour l'arrêt des soins 

- dans le cas où la personne est inconsciente, le médecin ne peut prendre la décision d'une limitation ou d'un arrêt des soins qu'après une procédure de consultation collégiale de l'équipe médicale, une consultation de la personne de confiance ou de la famille, ou de directives écrites par le patient datant de moins de trois ans. S'il respecte ces obligations, il ne pourra être poursuivi. La décision «motivée» d'arrêt des soins devant être inscrite dans le dossier médical. 

Elle a renforcé les soins palliatifs 

- en imposant la création de lits et de référents en soins palliatifs dans chaque grand service accueillant des pathologies graves. 

Conclusion: douze ans après, une loi équilibrée mais qui demande, encore, à être bien appliquée. 

On peut se réjouir de l'équilibre trouvé par le législateur qui prouve qu'on n'est pas contraint à l'alternative désastreuse ou euthanasie ou acharnement thérapeutique. Cette loi n'a pas figé la fin de vie en une procédure administrative mais a créé les conditions d'un dialogue, dans la transparence, entre patients, soignants, et familles. 

Mais une loi vaut ce que vaut son interprétation et son application; l'assimilation de l'alimentation artificielle à un traitement dans l'exposé des motifs de la loi est problématique, et les soins palliatifs demandent des moyens. Or il apparaît que, sept ans après sa promulgation, elle est encore méconnue et insuffisamment appliquée. Le Dr Sylvain Pourchet estimait en juin dernier que la moitié des patients qui auraient besoin de soins palliatifs ne les reçoivent pas « La Vie» 4 juin 2012). 

Nous ne pouvons donc que reprendre à notre compte les conclusions du texte de la Fédération protestante sur ce sujet:

 

« La loi Léonetti de 2005 permet de prendre en compte les droits du malade en fin de vie. Il apparaît qu'elle est méconnue et parfois même dénigrée par les soignants. Nous avons la conviction que les soins palliatifs doivent être développés; or ce développement, comme l'indique le tout récent rapport Aubry, se heurte au « faible degré de sensibilisation du grand public aux réalités et aux enjeux de la fin de vie [ ... ] bien plus que les ressources économiques, c'est bien le manque d'information (notamment sur l'offre disponible) qui induit une inégalité d'accès aux soins palliatifs. Au-delà de la question de l'offre de soins et d'accompagnement, c'est bien le défi de la diffusion d'une "culture palliative" partagée par l'ensemble des professionnels de santé qui doit être relevé. » 

Nous encourageons donc la mise en oeuvre de la loi Léonetti 

  • Nous encourageons le développement et le soutien d'un bénévolat formé à l'accompagnement des mourants. 

- Nous disons notre inquiétude devant une logique comptable des dépenses de santé qui pourrait pousser à une euthanasie pour raisons économiques. 

- Nous mettons en garde contre l'évacuation de la responsabilité de celui qui choisit de donner la mort. Aucune loi ni instance morale ne doit supprimer la responsabilité pénale et éthique des médecins et de l'entourage. " 

« Vérité Solidarité Exemplarité », 16 mars 2012 

C'est pourquoi nous nous réjouissons que le président de la République, dans son discours du 17 juillet 2012 ait appelé à appliquer tous les éléments de cette loi Léonetti, notamment les soins palliatifs. Nous ne pouvons qu'approuver son engagement à développer ces soins, y compris à domicile, et partager sa conviction qu'il faut aider les familles qui accompagnent un des leurs en fin de vie. 

Le président de la République, soulignant l'insuffisance de l'abstention thérapeutique dans certains cas, a décidé de rouvrir le débat sur la fin de vie. Nous ne préjugeons pas des résultats de ce débat mais nous serons attentifs à la protection des « plus fragiles et des plus faibles" dont le Président a lui-même fait un devoir pour l'Etat. 

Luc Olekhnovitch 

Président de la commission d'éthique protestante évangélique 25 juillet 2012 

CNEF