Mariage entre personnes de même sexe et homoparentalité : un mauvais choix de société


Le Conseil National des Évangéliques de France (CNEF) souhaite apporter sa contribution au débat sur ce choix de société. Libre de tout engagement politique, il refuse le clivage qui se dessine sur cette question. L’éthique biblique, qui fonde ses positions, favorise un large consensus interne.

1) Nécessité d’un débat large et démocratique : en prenant position sur ce projet de loi, les protestants évangéliques agissent non seulement au nom de leurs convictions mais aussi par souci du bien de toute la société. Ils estiment que ce projet promeut les intérêts d’une minorité et que ceux-ci vont à l’encontre du bien commun. En particulier de celui de l’enfant à avoir un père et une mère. Une question de cette importance mérite un débat large et démocratique dans lequel les protestants évangéliques souhaitent être entendus.

Communiqué CNEF du 13 septembre 2012 annoté par Louis Schweitzer (encadrés) : une aide à l’argumentation

Les raisons pour lesquelles on considère que c’est le bien commun qui est en cause viennent par la suite. Mais l’essentiel réside dans un changement radical de repères dans la société. En effet, que deux personnes de même sexe décident de vivre ensemble ne regardent qu’elles ; que la société ait le souci de donner à leur union un cadre juridique qui assure la justice est une bonne chose ; mais intégrer cela dans l’institution du mariage change complètement le sens de cette institution. C’est nier que l’union d’un homme et d’une femme est à l’origine de la vie humaine et de la vie en société. Le mariage cesse de correspondre à la structure de base de la société avec ce que cela comporte de différence sexuelle et de perspective de procréation possible et d’éducation des enfants, pour ne plus reposer que sur l’amour de deux personnes. Si l’amour est le seul critère, quels arguments pourront-ils être avancés si, dans l’avenir, un frère et une sœur ou trois personnes (ou plus) qui s’aiment souhaitent voir leur amour ratifié par la société et ont le désir d’élever des enfants ? Au nom de quoi pourrait-on s’opposer à leur accorder le droit de se marier, puisque toute référence à la réalité de nature est déjà supprimée. Il ne s’agit pas, par cet argument, d’insulter les couples homosexuels en les comparant à la polygamie, simplement de montrer que les arguments employés pourront fonctionner de la même manière dans d’autres situations qui ne sont pas encore d’actualité mais pourraient le devenir.

2) Différence homme/femme : les protestants évangéliques rappellent que la différence homme/femme est depuis toujours une donnée fondamentale de l’anthropologie. Vécue partout et depuis les origines de l’humanité comme un enrichissement, elle fonde le mariage, la procréation et la famille. À ce titre, nier ou relativiser l’importance de l’altérité dans la cellule familiale est une régression.

Le mot « régression » est assez subjectif et on peut facilement comprendre que d’autres personnes ne partagent pas cette conviction, mais voient dans cette évolution un progrès. Parler de régression se justifie à cause des risques que cette évolution nous semble faire courir à la société dans son ensemble en touchant à la dimension symbolique fondamentale de l’altérité homme / femme en dissociant totalement l’accueil des enfants et leur éducation de la procréation biologique naturelle. C’est comme si la société, par les symboles qu’elle propose, faisait semblant de croire qu’il n’y a aucun rapport entre la différence sexuelle et la procréation. Or, ce sont ces symboles qui portent le sens d’un certains nombres de choses essentielles. Ils diront ainsi qu’avoir deux papas ou deux mamans ne peut poser aucun problème à la croissance d’un enfant puisque c’est la société elle-même qui a ratifié ce fait.

3) Mariage : les protestants évangéliques affirment que le mariage n’est pas seulement une affaire privée entre deux personnes. Il est également une disposition publique qui structure la société et encadre la famille et le droit de filiation. Ouvrir le mariage à des personnes de même sexe, sous couvert de non-discrimination et de liberté de choix individuel, remettrait en cause un fondement structurant de notre société. Ce serait aussi céder à une idéologie faussement égalitariste qui conduira immanquablement à une confusion des repères et bouleversera les structures sociales.

On trouvera dans les remarques précédentes en quoi le mariage est structurant et en quoi les repères pourraient être bouleversés. On peut parler d’idéologie égalitariste car, sous couvert d’égalité (ce qui est une bonne chose) on en arrive à refuser de reconnaitre les différences et les complémentarités (ce qui est un aveuglement). On en arrive, par souci de contenter le désir - d’ailleurs compréhensible - de certains, à créer une société qui se déconnecte symboliquement du monde réel pour entrer dans une réalité complètement découplée de la réalité biologique. Cette négation symbolique aura des effets concrets : devra-t-on enlever les termes de père et de mère dans le livret de famille pour remplacer par parent 1 et parent 2 comme le proposent certains ? Que deviendra la présomption de paternité dans un couple de femmes ?

4) Parentalité: les protestants évangéliques affirment encore qu’il est dans l'intérêt supérieur de l'enfant d'être élevé par son père et sa mère. Si l’on ne peut ignorer l'existence de nombreuses exceptions, subies ou choisies, rien ne semble justifier l'abolition de cette donnée anthropologique et psychologique fondamentale. Les protestants évangéliques font remarquer que, sous couvert d’égalité, l’homoparentalité créera une inégalité pour les enfants en leur inventant une filiation fictive qui les privera de leur filiation réelle. Il ne saurait y avoir de droit absolu à l’enfant, car l’intérêt de celui-ci doit primer le désir des adultes.

Cette évolution a en effet pour but de satisfaire le désir d’adultes au point d’en oublier la réalité humaine. On affirme de manière péremptoire et trop rapide que tout cela ne saurait avoir de conséquences sur l’éducation des enfants. En fait, on n’a que très peu de données réellement scientifiques sur le sujet, beaucoup trop peu et trop peu sûres pour apporter une quelconque certitude. Cette incertitude même fait qu’on devrait s’abstenir de faire courir un risque psychologique ou éducatif, même éventuel, à un enfant en lui donnant délibérément pour parents un couple homosexuel. D’autant qu’on sait déjà que certains enfants dont la lignée généalogique est brisée (adoptés, nés sous X, issus de donneurs de gamètes etc.) en souffrent. On ne devrait donc pas prendre ce risque. Bien sûr on va toujours trouver des psychologues pour dire que tout cela ne pose aucun problème, mais il est clair que l’on ne peut pas considérer que les images du père et de la mère sont sans importance pour la construction de l’identité de l’enfant. Bien sûr, beaucoup d’enfants sont élevés par un parent seul, et, Dieu merci, beaucoup n’en souffriront pas trop. Il en est même dès maintenant qui sont élevés par des couples homosexuels, mais tout cela se passe dans une société où la différence et la complémentarité homme – femme demeure symboliquement affirmée. Ce qui nous est proposé, c’est de faire disparaître toute différence symbolique et c’est cette « officialisation » qui rend la situation autrement plus grave car ce sont les repères communs qui sont en cause. En introduisant le couple homosexuel dans le cadre du mariage, on brise ce cadre et on crée un flou social générateur d’angoisse, en particulier pour les jeunes en manque de repères. Nous risquons l’avenir de nos enfants et de nos jeunes, et donc de notre société, pour répondre à l’impulsion égalitariste du moment.

5) Marchandisation du corps : les protestants évangéliques pensent que le projet d’un mariage entre personnes de même sexe introduira de fait à un droit à la filiation et risque d'ouvrir la voie à la marchandisation du corps. La demande de gestation pour autrui s’inscrira comme une suite "logique" de cette évolution. Même si le projet de loi ne l’envisage pas à ce stade. Tout comme pour l’aide médicale à la procréation (AMP) qui servira de recours pour contourner le fait que l'acte homosexuel est par nature, et non seulement par accident, infécond.

La marchandisation du corps n’est d’ailleurs pas le seul problème. Car, dans le cas de la gestation pour autrui, l’enfant d’un couple d’hommes se retrouverait ainsi avec une mère biologique qui n’aura été qu’un instrument de la volonté des pères. Il y a également de nombreuses raisons psychologiques qui font que la gestation pour autrui (GPA) est aujourd’hui interdite en France. L’aide médicale à la procréation (AMP) elle-même change alors de nature puisqu’elle cesse de permettre de réparer ce qui est empêché par une maladie pour devenir un moyen de permettre ce que la nature ne permet pas. Dans toutes ces situations, un des parents biologiques sera inévitablement totalement occulté.

6) Pas de discrimination : Le CNEF précise que les Églises et associations qui le composent condamnent toute haine et toute injustice envers les personnes homosexuelles et considèrent comme intangible la valeur de toute personne quels que soient ses choix de vie. A ce titre, elles prônent l'accueil de tous. Cependant, elles ne considèrent pas toutes les formes de conjugalité de manière indifférenciée. Les protestants évangéliques croient que la fécondité que Dieu accorde à l’homme et à la femme est un don de Dieu.

Cette distinction entre la valeur des personnes et les formes de conjugalité est essentielle. Les Eglises ont sans doute encore beaucoup de chemins à parcourir pour accueillir avec amour et dans la vérité les personnes homosexuelles. Elles doivent reconnaître qu’elles n’ont pas toujours su trouver les chemins pour y parvenir. Elles doivent lutter en leur propre sein contre des réactions de rejet et d’exclusion.

Mais, en même temps, elles ne peuvent considérer comme allant de soi d’accepter de changer leurs convictions profondes pour répondre aux désirs de certains. Non seulement, il est important de ne pas confondre la libre affirmation de ce qu’elle croient être vrai avec de l’homophobie, mais encore l’amour qu’elles doivent manifester à l’égard de ces personnes leur impose de ne pas leur cacher les réticences qu’elles peuvent avoir sur les évolutions proposées à la société puisqu’elles les croient porteuses de souffrances pour les enfants concernés et plus largement, à plus long terme, pour l’ensemble de la société.

S’il y a des situations d’injustices concernant des couples homosexuels, en particulier ceux élevant un enfant, elles peuvent être réglées en créant des cadres juridiques appropriés sans recourir au mariage.

Le CNEF invite donc le gouvernement et les décideurs de la société civile à poursuivre une politique familiale volontariste favorisant la stabilité du mariage et de la famille. Il s'agit d'une haute exigence morale pour le bien de la société et des enfants en particulier.

Collin, Thibaud, Les lendemains du mariage gay, Salvator, 2012.

Lacroix, Xavier, la confusion des genres, réponses à certaines demandes homosexuelles sur le mariage et l'adoption, Bayard, 2007.

Les Cahiers de l’école pastorale, L’homosexualité et l’Eglise, Hors-série N°4, 2002.

CNEF