Une Église d’Indonésie revendique la liberté de culte

Les fidèles de l’église Taman Yasmin de la GKI célèbrent un service religieux aux abords de la résidence du président à Jakarta.

Naveen Qayyum (*)

Un service religieux chrétien tenu en bordure d’une rue très fréquentée de Jakarta est un spectacle inhabituel. Toutefois, l’église Taman Yasmin de la Gereja Kristen Indonesia (GKI, Église chrétienne d’Indonésie) a estimé qu’elle n’avait pas le choix.

Le 24 juin dernier, les fidèles de l’église Taman Yasmin, aux côtés des membres d’autres églises locales, ont prié aux abords du Palais Merdeka, résidence du président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono. La communauté a célébré le culte sous le regard des forces de l’ordre, en espérant que son appel à la liberté de culte serait entendu.

L’église Taman Yasmin à Bogor, Java occidental, fait partie d’une des Églises membres  du Conseil œcuménique des Églises (COE). Alors que le lieu de culte de l’église Taman Yasmin était à moitié terminé, le gouvernement local a stoppé la construction en 2008, sous la pression, dit-on, de groupes politiques islamiques de tendance dure tels que le Forum populaire islamique.

Malgré un arrêt de la Cour suprême en faveur de la poursuite de la construction en 2011, l’église Taman Yasmin n’a toujours pas pu reprendre ses services religieux.

Le pasteur Walter Altmann, président du Comité central du COE, a rendu visite à la communauté l’année dernière pour exprimer la solidarité œcuménique avec l’église Taman Yasmin et demander instamment un «dialogue pacifique» pour résoudre le problème.

En ce dimanche 24 juin, des membres d’autres églises locales ont affronté la chaleur de l’été indonésien pour se joindre à la paroisse Taman Yasmin. Sous le regard des forces de l’ordre de Jakarta qui avaient établi un cordon de sécurité, les chrétiens rassemblés ont chanté et écouté une prédication juste à côté de la route.

«L’Indonésie est une société pluraliste, qui respecte les valeurs de l’harmonie entre les religions. Les musulmans ont toujours accepté les traditions locales et les diverses religions dans le pays», a indiqué le pasteur Gomar Gultom, secrétaire général de la Communion d’Églises d’Indonésie, qui assistait au service religieux.

Selon lui, les chrétiens d’Indonésie représentent environ cinq pour cent de la population, aux côtés d’autres minorités religieuses telles que les communautés ahmadiya, bouddhiste et baha’ie.

«Depuis une dizaine d’année, on observe une augmentation de l’influence d’éléments extrémistes qui, à tort, assimilent le christianisme à l’Occident, a expliqué le pasteur Gultom. Plusieurs organisations musulmanes, dont l’Institut Wahid, nos partenaires dans le dialogue interreligieux et la société civile, ont distingué cette tendance et nous appuient dans notre démarche en faveur de la liberté religieuse en Indonésie,»

Le pasteur Olav Fykse Tveit, secrétaire général du COE, qui participait également au service célébré aux abords de la résidence présidentielle à Jakarta, a exprimé son soutien aux Églises d’Indonésie et plaidé pour leur droit de pratiquer leur foi sans intimidation.


Créés par Dieu pour célébrer son culte

«Nous sommes ici pour soutenir tous les croyants, qu’ils soient chrétiens, musulmans ou adeptes d’autres traditions religieuses. Nous avons tous été créés par Dieu pour célébrer son culte. Nous respectons cette relation profonde qui est enracinée dans le cœur de chaque être humain. En tant que COE, nous vous soutenons et nous plaidons en faveur de votre droit de célébrer le culte dans vos églises, mosquées ou temples», a déclaré le secrétaire général.

Cela fait trois mois que les fidèles de l’église Taman Yasmin célèbrent le culte aux abords de la résidence présidentielle. Avant cela, ils organisaient des services dans des maisons de membres de la communauté. Ils ont expliqué à leurs interlocuteurs à quel point il leur est difficile de s’accommoder de leur sentiment de déplacement, d’autant plus qu’ils sont confrontés aussi au harcèlement de la part de groupes fondamentalistes.

Eva Kusuma Sundari, membre musulmane du Parlement, assistait au service organisé près de la résidence présidentielle. Par sa présence, elle a voulu affirmer son soutien aux Églises, ainsi qu’à d’autres minorités religieuses dont les droits doivent être protégés.

«Nous voulons renforcer les liens entre communautés de toutes religions en Indonésie, a indiqué Eva Sundari. Nous devons faire en sorte que la constitution et la législation protègent les droits des communautés religieuses. Un dialogue doit s’établir entre les communautés et l’État. Dans le processus de démocratisation en cours en Indonésie, il est important que nous continuions à nous adresser aux autorités de manière pacifique afin d’obtenir la garantie que nos droits humains seront protégés.»

Les membres d’églises locales qui participaient au service religieux de ce dimanche ont souligné que l’église Taman Yasmin n’est pas seule à être confrontée à des actes d’intimidation. Beaucoup d’autres églises sont victimes de harcèlement et craignent d’affirmer leurs droits.

Le pasteur Palti Panjaitan, de l’église Filadelfia de la Huria Kristen Batak Protestan (HKBP, Église chrétienne protestante Batak), qui animait le culte aux côtés d’autres représentants d’églises locales lors du service célébré aux abords de la résidence présidentielle, a appuyé ce point de vue, en invitant instamment les Églises à continuer d’attirer l’attention de l’État sur leurs problèmes.

«L’arrêt rendu par la Cour suprême en faveur de la construction de l’église Taman Yasmin n’a pas été traduit dans les faits jusqu’ici. C’est pourquoi nous devons continuer à exprimer nos préoccupations au gouvernement jusqu’à ce qu’il entende notre voix», a affirmé le pasteur Panjaitan.

«Nous ne nous soucions pas seulement des chrétiens, mais aussi des autres minorités religieuses confrontées à des actes d’intimidation semblables, voire pires. Dans ces conditions, l’État doit protéger nos droits et ne pas céder aux tenants de la ligne dure», a-t-il ajouté.

On ne sait pas pendant combien de temps l’église Taman Yasmin va continuer à célébrer des services devant la résidence présidentielle. Dans tous les cas, forts de l’appui d’autres communautés religieuses et de la société civile, ses membres espèrent que le gouvernement prendra leurs revendications au sérieux. Ils ont constaté aussi que la question ne concerne pas seulement l’église Taman Yasmin, mais beaucoup d’autres communautés et minorités religieuses qui mettent en garde contre l’influence des extrémistes.

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(*) Naveen Qayyum, du Pakistan, est rédactrice attitrée du COE.


09 juillet 2012

COE