Surmonter la frustration de Rio+20 par l’engagement religieux et la communauté

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Walter Altmann, Guillermo Kerber et Leonardo Boff lors d’un débat d’experts du COE au Sommet des peuples Rio+20.

Les participants représentant le Conseil œcuménique des Églises (COE) à la Conférence Rio+20 se sont joints à une large coalition religieuse pour rejeter le document final officiel de la manifestation organisée sous les auspices des Nations Unies.

«Des spécialistes de l’environnement renommés disent que pratiquement rien ne s’est produit entre 1992 et 2012 en termes de politique publique et d’engagement mondial», a fait observer le professeur Leonardo Boff, auteur brésilien de livres à succès et cofondateur de la théologie latino-américaine de la libération. Il a formulé cette conclusion alors que la Conférence des Nations Unies sur le développement durable Rio+20 (CNUDD) approchait de sa fin.

Leonardo Boff se joignait ainsi à un chœur de critiques qui assistaient à la Conférence des Nations Unies et à sa contrepartie populaire, le Sommet des peuples, organisé simultanément du 20 au 22 juin à Rio de Janeiro, Brésil. Avec le président du Comité central du Conseil œcuménique des Églises, le pasteur Walter Altmann, Leonardo Boff coprésidait un débat du Sommet des peuples sur le thème «La base éthique et théologique de la justice climatique».

Déplorant le comportement humain à l’égard des écosystèmes aujourd’hui, il a reconnu que «quand nous arrivons, nous apportons la destruction et nous forçons les autres espèces à fuir. Partout où notre réflexion fondée sur l’aspect économique domine, la pauvreté, l’exploitation et la faim prévalent.»

Walter Altmann a regretté la coupure apparente entre les stratégies des organisations internationales présentées dans le document final de la CNUDD et les ressources potentielles au niveau local qui se trouvent dans les communautés religieuses et d’autres expressions de la société civile.

«Il y avait plus de dialogue avec la société civile en 1992», a observé Walter Altmann en jetant un regard rétrospectif sur le Sommet de la terre qui s’était déroulé à Rio cette année-là. Il a souligné que la vocation particulière des communautés religieuses est de réagir aux crises auxquelles notre planète est confrontée, en explorant leurs dimensions spirituelles et éthiques.

Le débat animé par Walter Altmann et Leonardo Boff était d’une des 80 manifestations organisées dans le cadre du Sommet des peuples, regroupées dans un espace œcuménique et interreligieux placé sous le signe du thème «Les religions pour les droits». Les activités menées dans ce contexte ont été source d’une interaction créatrice entre les nombreuses et diverses religions du monde.

Un manque d’ambition que rien ne saurait justifier

Guillermo Kerber, responsable de programme du COE en charge des activités touchant le souci de la création et la justice climatique, a affirmé son accord avec la conclusion des partenaires religieux en refusant d’accepter le document final de Rio+20 en tant qu’instrument de changement efficace.

«Le document final de Rio+20, a-t-il dit, ne reflète pas l’urgence des menaces qui pèsent sur la vie sur terre, telles que les présente la communauté scientifique. Il ne renouvelle pas les précédents engagements de la communauté internationale, en particulier ceux des Conventions de Rio 1992 sur la diversité biologique, la désertification et les changements climatiques. Il n’y a pas de nouveaux engagements concrets pour l’avenir.»

Guillermo Kerber a critiqué le document en ces termes: «Le COE était partisan d’un préambule fondé sur des principes, avec une base éthique claire. La ‘vision’ actuelle du texte ne répond pas aux attentes à cet égard. La communauté internationale, incapable de réaliser un consensus, a opté pour le plus petit dénominateur commun, en évitant les questions controversées. De ce fait, la terre est perdante, les pauvres et les vulnérables sont perdants.»

Guillermo Kerber a rejeté l’approche prudente du document: «Les arguments utilisés pour justifier le manque d’ambition du document, comme par exemple les crises financières et économiques, sont inacceptables du point de vue du COE.»

Durant la Conférence, des représentants du Sommet des peuples ont rencontré le secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon pour exprimer leur frustration à l’égard du document final de Rio+20.

Rafael Soares de Oliveira, directeur exécutif de l’organisation de service œcuménique Koinonia, membre de l’Alliance ACT, a dit de la rencontre avec Ban Ki-moon: «La réunion représentait un défi concret pour le dirigeant des Nations Unies, dans la perspective de l’ordre du jour qu’il s’agit d’établir pour l’avenir. Le Sommet des peuples n’a pas accepté le document final de Rio+20 en tant qu’un instrument de changement efficace.»

Nécessité d’une théologie publique

L’évêque Heinrich Bedford-Strohm, de l’Église évangélique luthérienne de Bavière, Allemagne, était parmi les orateurs qui ont continué d’encourager les personnes croyantes à se consacrer à la lutte contre la détérioration de l’environnement.

«Les religions, a-t-il dit, touchent les esprits et les cœurs des gens. C’est pourquoi nous avons besoin d’une théologie publique qui s’exprime dans une langue à la fois religieuse et laïque. »

L’évêque Bedford-Strohm a mis en évidence deux éléments qui, à son avis, sont essentiels pour changer le monde: l’inspiration et l’incitation. «Je ne suis pas si pessimiste, a-t-il ajouté. En tant que religions, nous avons beaucoup à offrir.»

Le pasteur Nestor Paulo Friedrich, président de l’Église évangélique de la confession luthérienne du Brésil (IECLB), a ajouté: «Ce que nous avons vu ici à Rio montre que la distance entre la CNUDD et le Sommet des peuples reflète la nécessité urgente d’accroître la participation de la société civile au dialogue mondial. »

Une jeune dirigeante musulmane, Soher El Sukaria, secrétaire de la Société arabe musulmane de Córdoba, Argentine, et coordinatrice du Réseau de jeunes des Religions pour la paix en Amérique latine et aux Caraïbes, a mis en évidence la lutte commune des religions pour protéger l’environnement et aider les pauvres à accéder à l’autonomie. À la fin de la discussion, Michael Slaby a présenté, au nom du rabbin Awraham Soetendorp, une déclaration interreligieuse intitulée «Vers Rio+20 et au-delà – un tournant dans l’histoire de la terre», texte qui a déjà été signé par de nombreux responsables et organismes religieux.

Le Conseil œcuménique des Églises, par le biais du programme qu’il consacre au souci de la création et à la justice climatique, continuera à défendre cette cause dans les débats des Nations Unies sur les questions liées au développement durable, à l’environnement et aux changements climatiques. Il est également résolu à poursuivre sa participation au mouvement qui a organisé le Sommet des peuples.


28 juin 2012

COE