«Faites reculer les querelles internes de l'Eglise »
Pendant sept ans et demi, Guy Liagre n'était pas uniquement président du synode de l’Eglise Protestante Unie de Belgique (EPUB). Il était entre autre président de l'organe de décision des Églises chrétiennes en Belgique, fondateur et président du Conseil des responsables religieux de Belgique. De plus, il rédigea une centaine d'articles et plusieurs livres à propos de la théologie et de la foi. « Guy est partout» disait un collègue pasteur.
C'est indispensable parce qu'en tant que président du synode, vous êtes le visage l'Église. Ce "visage" travaillera, à partir du 1er juin, en tant que secrétaire général de la Conférence des Églises Européennes (KEK). Quelle Église laisse-t-il dans notre pays et qu'est réellement cette organisation de la KEK ?
Le président du synode sortant porte un regard satisfait sur plusieurs réalisations communes durant sa présidence. La Maison du Protestantisme est un projet unique car le Champ de Mars était devenu un trop vieux bâtiment avec trop de frais et trop peu d'espace. La nouvelle localisation, une ancienne école sociale près de la gare du midi à Bruxelles, regroupe désormais dans ses locaux le synode fédéral, l'enseignement protestant, le Conseil œcuménique européen de la jeunesse, solidarité protestante et bien d'autres organismes. Les salles de réunions, utilisées pratiquement chaque jour, sont équipées de projecteurs. « Par ailleurs, où trouve-t-on encore au cœur de Bruxelles un bâtiment de cette envergure, disposant de 36 places de parking, pour un prix raisonnable ? »
C'est avec plaisir qu'il vivait les journées annuelles consacrées aux pasteurs retraités qui rassemblaient quelques 40 anciens pasteurs.
Guy reconnaît également qu'il y eut des défis pour lesquels lui et le conseil synodal ne purent donner de réponses immédiates.
Comment le conseil synodal peut-II enrayer la désertion de certaines communautés ? Que faire d'autre que de créer des circonstances favorables à l'élaboration d'actions locales?
« Mon rôle en tant que président du synode consista avant tout, avec le conseil synodal, à enclencher des processus, même si le retour n'est pas toujours quantifiable», comme, par exemple, en 2005, la stimulation du travail missionnaire. L'organisation interne de l'ÉPUB fut également redirigée avec le remplacement du vicariat par le proposanat. Les nouveaux pasteurs poursuivent donc un stage dans deux communautés et celui qui commence une carrière en venant de l'étranger bénéficie d'un accompagnement. « Nous n'avons malheureusement pas pu développer l'évaluation des pasteurs car quelques collègues craignaient trop les rapports négatifs. Mais nous envisagions ces évaluations surtout comme des discussions de fonctionnement afin de guider le candidat dans ses difficultés. Cela n'est-il pas positif ? »
La KEK est un enfant de la guerre froide. En 1959, les premières rencontres entre des Églises de l'Est et de l'Ouest eurent lieu sur un bateau, en-dehors des eaux territoriales en mer baltique, avec pour but de jouer un rôle neutre de bâtisseur de ponts. Après la chute du communisme, plusieurs Églises se joignirent au mouvement et la KEK se développa et se transforma d'une plate-forme de contact et de discussions en une véritable organisation de surveillance qui suivait les développements de la politique sociale européenne. «« la KEK est un représentant important de la société parce que partout, et littéralement sur tout le continent, les Églises sont présentes, tous les âges et toutes les couches sociales y sont représentées. Jacques Delors déclara un jour que l'Europe avait besoin d'un'e âme. C'est en ces temps de crise plus que jamais le cas pour les plus faibles en Europe qui doivent subir les conséquences de cette crise. Ce sont eux qui doivent payer les plus lourdes charges, par exemple en cas de privatisation de la sécurité sociale. C'est pourquoi le bureau de Strasbourg est très important. A Genève, se trouve la commission Église et dialogue, qui se penche notamment sur le développement de l'enseignement théologique, la com mission bruxelloise Église et migrants a alors les mains libres pour prendre en charge les questions concernant le travail des enfants, le trafic d'êtres humains et les zones de protection pour les migrants. Dans les faits, la KEK travaille comme une sorte de branche régionale du Conseil mondial des Églises mais sans en dépendre effectivement. Le secrétaire général n'est pas uniquement responsable de la direction du personnel et des finances. Il contrôle toute l'organisation, entretient des contacts avec les Églises et il sera également coresponsable de l'importante assemblée générale de Budapest en 2013. Là, doivent émerger la nouvelle structure de l'organisation ainsi que les lignes directrices claires de décision et de direction ».
Toutefois, les tâches organisationnelles ne constitueront pas son unique travail à Genève. Il y a également une réflexion théologique indispensable pour maintenir une communication forte, ce qui reste l'objectif de Guy Liagre. « En tant que président du synode, ma contribution principale restait la rédaction d'articles mais les moments les plus intenses, je les ai vécus lors d'une retraite du conseil synodal l'an dernier à Raimes (France) où, pendant trois jours, nous avons pu être en discussion et en prière. Il s'agissait de moments intenses où nous pouvions réellement être Église. L'Église n'est pas là pour que nous en tirions profit. Il s'agit de communiquer l'Évangile! N'abandonnez donc pas le lien fraternel, soyez Église, ne vous souciez pas premièrement de votre propre intérêt mais de celui de l'autre et faites reculer les querelles internes de l'Église ».
Propos recueillis par Mark Goris (in Kerkmozaïek), Traduction PW
Tiré de Mosaïque N°5 - Mai 2012