Son histoire
Le méthodisme francophone en Europe
Le méthodisme francophone en Europe
par Patrick Streiff, évêque
Actuellement, en 2008, les églises méthodistes en Europe francophone font toutes partie de l’Eglise Evangélique Méthodiste (United Methodist Church). Les statistiques de fin 2006 mentionnent pour la France 20 circuits avec 1153 membres confessants et 568 amis. Une moyenne de 948 adultes et 279 enfants fréquentent les cultes du dimanche. En Suisse romande, 4 circuits rassemblent 322 membres confessants et 193 amis. Lors des cultes du dimanche, une moyenne de 259 adultes et 44 enfants se réunissent. Cette unité dans une seule église méthodiste s’est construite lentement à partir d’une diversité de missions méthodistes. Peu de pays en Europe ont vécu autant de bouleversements dans la présence méthodiste comme la France, bien qu’elle ait été le premier pays en Europe en dehors des territoires britanniques, qui a vu l’arrivée de méthodistes.
1) La branche anglaise du méthodisme et sa mission francophone en Europe (en France 1791-1939 ; en Suisse 1840-1900)
Un commerçant méthodiste des Iles de la Manche voyagea en Normandie. Il s’aperçut du manque de pasteurs réformés, mais rencontra une ouverture auprès des réformés disséminés pour écouter son témoignage. Un premier missionnaire fut envoyé en 1791. Celui-ci demeura en Normandie pendant toute la période révolutionnaire, puis napoléonienne. Suite aux émeutes contre les protestants à Nîmes en 1814/15, l’intérêt des anglais pour les protestants persécutés fut ranimé. La société de mission méthodiste trouva un nouveau missionnaire à envoyer : Charles Cook. Cook développa et organisa le méthodisme en France pendant quatre décennies (de 1818 jusqu’à sa mort en 1858). Il débuta son ministère en Normandie. Après un voyage dans la région de Nîmes, il élargit la présence méthodiste vers le sud, dans la région du Gard. Partout, il œuvra au sein de l’Eglise réformée.
En 1820, Cook fit également un voyage en Suisse pour faire connaissance avec les personnes engagées dans le réveil. Le réveil du début du XIXème siècle en Suisse romande fut souvent appelé « méthodiste » et ses adeptes « mômiers ». Toutefois, ce « méthodisme » ne fut pas la conséquence directe d’une présence personnelle ou littéraire liée au méthodisme wesleyen. Charles Cook ne revint à Lausanne qu’en 1840 et y créa la base de la première communauté méthodiste (wesleyenne et francophone) en Suisse. Dès les années cinquante, une « école de théologie » pour la formation des futurs prédicateurs en Suisse et en France fut créée à Lausanne.
Cook souligna « l’arminianisme évangélique » des wesleyens (plus tard souvent appelé « arminianisme wesleyen ») en soulignant l’offre de la libre grâce de Dieu pour tous. Un petit nombre d’ouvrages théologiques fut publié dans la première moitié du XIXème siècle. « L’arminianisme évangélique » fut au centre des préoccupations en opposition avec le calvinisme strict dans le réveil genevois. Puis, dans les années quarante, la compréhension de la sanctification et la notion wesleyenne de la perfection chrétienne furent au centre de la controverse avec le darbysme. Lors de la montée du mouvement de sanctification en France dans les années 70, les méthodistes wesleyens espéraient voir son influence sur l’ensemble du protestantisme « évangélique » français. Mais le mouvement fut de courte durée.
La croissance numérique des sociétés méthodistes locales ne fut pas comparable à la croissance du méthodisme dans les Iles de la Manche, en Angleterre ou dans la mission outre-mer. La France était un terrain différent du point de vue de la mentalité des gens, de la situation religieuse et du droit ecclésial. En 1852, les méthodistes français reçurent l’autorisation de créer leur propre conférence annuelle ce qui leur donna une large autonomie par rapport à Londres. Mais trois problèmes majeurs restèrent. Premièrement, une représentation des laïcs à la conférence annuelle, fort nécessaire en France, ne fut possible qu’à la suite de son introduction dans l’Eglise-mère en Angleterre en 1878. Deuxièmement, la création d’une conférence annuelle intensifia l’ambiguïté sur le statut ecclésial de l’œuvre méthodiste. Celle-ci avait commencé à l’intérieur de l’Eglise réformée (concordataire) pour y apporter un renouveau à l’image de la mission initiale du méthodisme en Angleterre. Les méthodistes français y tenaient, mais les critiques interprétèrent la nouvelle autonomie comme une création d’une Eglise indépendante – à l’image de la scission de 1848/49 parmi les réformés. Dorénavant, les méthodistes naviguaient entre un statut interne à l’Eglise réformée (et de son aile évangélique) et un statut indépendant d’Eglise libre. Et troisièmement, la dépendance financière de Londres demeurait un problème.
En 1870, les méthodistes franco-suisses étaient dispersés sur 184 chapelles ou lieux de réunions, 30 pasteurs ou proposants, 22 évangélistes et 101 prédicateurs laïques sur un total de 2.000 membres adultes et environ 2.500 enfants dans les écoles du dimanche. L’influence du mouvement de sanctification des années 70 donnait des ailes à de nouvelles initiatives méthodistes, mais contrairement aux pays alémaniques, les résultats à long terme étaient maigres en France. Londres finança une nouvelle œuvre d’évangélisation, conduite par William Gibson, et dirigée vers la population catholique dans les grandes villes de France. En 1893, une partie de cette œuvre fut réintégrée à la Conférence Annuelle franco-suisse et les cercles dans la banlieue parisienne furent transférés aux Réformés ou au Luthériens les plus proches. Une mission méthodiste en Kabylie, Algérie, fut créée en 1886. Cette mission s’unira plus tard avec celle des méthodistes américains. Vers la fin du XIXème siècle, les méthodistes wesleyens en France devaient faire face à un effectif de membres diminuant et à des dettes financières de plus en plus pesantes. Ils travaillèrent depuis toujours parmi une population très pauvre et n’arrivèrent jamais à créer suffisamment de recettes parmi leurs membres ce qui précipita leur fin. L’œuvre en Suisse romande fut abandonnée en 1900.
Après la première guerre mondiale, la société de mission de Londres poussa les méthodistes en France à abandonner leur indépendance. En 1939, la majorité des méthodistes rejoignit l’Eglise réformée nouvellement réunie. La paroisse anglophone à Paris en fut exclue et les méthodistes anglais y continuèrent jusqu’en 1977. Une petite minorité de méthodistes français garda son indépendance et forma l’Eglise Méthodiste de France. Celle-ci s’est unie à l’Eglise Evangélique Méthodiste en 2005.
2) Les ramifications du méthodisme américain et ses missions francophones (Eglise méthodiste épiscopale 1905-39 en France et à partir de1856 en Suisse romande ; Evangelische Gemeinschaft à partir de 1868 en Alsace ; Eglise méthodiste épiscopale du Sud 1920-69 en Belgique)
Trois ramifications du méthodisme américain œuvraient en Europe francophone. La branche la plus importante, l’Eglise méthodiste épiscopale, commença par un soutien financier à l’œuvre d’origine britannique. Au tournant du XXème siècle, elle voulut intensifier sa mission dans les pays catholiques de l’ouest et du sud de l’Europe. La séparation entre Etat et Eglise en France en 1905 fut considérée comme un signe favorable à l’ouverture d’une mission autonome. Les attentes de succès furent complètement démesurées. Les premiers pasteurs et évangélistes pour la nouvelle initiative venaient des méthodistes d’Italie, de la Suisse romande et du Canada, ou de l’Armée du Salut. En Suisse romande, l’Eglise était présente depuis 1856, mais travaillait essentiellement en allemand.
Les méthodistes « américains » s’implantèrent à l’est du Rhône où les « britanniques » n’étaient pas présents. L’idée initiale d’atteindre la population ouvrière dans cinq centres urbains échoua, mais les prédicateurs et évangélistes méthodistes furent surpris du bon accueil dans les villages savoyards. En comparaison avec la stagnation parmi les méthodistes britanniques, l’œuvre des méthodistes « américains » se développa plutôt bien quoique loin derrière les rêveries des débuts. A la suite de la première guerre mondiale, l’Eglise méthodiste épiscopale créa trois diocèses d’évêques en Europe dont un prit résidence à Paris. Les difficultés financières de la société de mission méthodiste aux Etats-Unis au milieu des années vingt ne permirent pas de réaliser l’ensemble des projets. Entre-temps, la branche américaine avait atteint à peu près la même taille que la branche anglaise, chacune environ 1.200 membres adultes.
Au début des années trente, les coupes budgétaires successives devinrent dramatiques. Une union avec les méthodistes britanniques ne fut plus possible, car leur Eglise-mère voulait également se désengager et poussait vers une union avec les Réformés. Un cri d’alarme pour trouver un soutien auprès des amis américains fut lancé, mais la situation s’aggrava à cause du décès subit de l’évêque responsable qui siégeait à Paris. Finalement, les méthodistes américains abandonnèrent l’œuvre en 1935 et offrirent aux Réformés de continuer le travail s’ils le voulaient et le pouvaient. Il ne restait alors que trois lieux de cultes en Alsace – de langue allemande – qui rejoignirent la conférence annuelle en Suisse.
Une autre ramification du méthodisme américain était de langue allemande, la « Evangelische Gemeinschaft ». Cette branche ouvrit une mission en Alsace peu avant la guerre franco-allemande de 1870/71. Après la guerre, l’Alsace devint allemande. La présence méthodiste continua en langue allemande jusqu’aux années 1960. L’« Evangelische Gemeinschaft » était mieux implantée en Alsace que l’Eglise méthodiste épiscopale avec ses trois lieux de cultes. En 1968, les deux Eglises se réunirent au niveau mondial pour former l’Eglise Evangélique Méthodiste. Toutes ces églises locales d’origine alémanique en Alsace et Lorraine ainsi que quatre en Suisse romande sont devenues francophones dans la deuxième moitié du XXème siècle. Deux nouvelles églises locales furent implantées dans le Sud-Ouest de la France. A travers la migration, de nouvelles communautés ont été créées ou se sont jointes à l’Eglise Evangélique Méthodiste, particulièrement dans les grandes villes. Les unes sont francophones et formées par des migrants caraïbes ou africains, d’autres sont de langues étrangères et formées par des migrants d’Amérique latine ou d’Asie.
En Belgique, les méthodistes britanniques tenaient des réunions dans les environs de Bruxelles à partir de 1816 et ce pendant quelques décennies. Après la première guerre mondiale, l’Eglise méthodiste épiscopale du Sud (Etats-Unis) décida de venir en aide à la reconstruction et l’évangélisation en Europe, entre autres en Belgique. Elle commença dans les environs de Bruxelles avec des institutions sociales et la distribution de Bibles et traités chrétiens. Elle fut également frappée par la crise économique mondiale des années trente. L’Eglise-mère voulait abandonner l’œuvre en Belgique. Les méthodistes belges (environ mille membres adultes) tenaient à continuer. Après la deuxième guerre mondiale, le méthodisme en Belgique se développa à nouveau grâce au soutien de l’Eglise-mère en faveur de la reconstruction en Europe. Dans un esprit œcuménique, les méthodistes belges s’engagèrent dans la fondation d’institutions protestantes de formation (écoles, faculté de théologie à Bruxelles). Dès les années soixante, une fédération ou union d’Eglises protestantes fut discutée. En 1969, les méthodistes belges s’unirent avec l’Eglise Evangélique Protestante de Belgique (de tradition luthérienne). Après une deuxième union avec les Réformés, l’Eglise unie a pris le nom « Eglise Protestante Unie de Belgique ». Celle-ci a gardé des liens fraternels avec l’Eglise Evangélique Méthodiste.
Pour plus d’information sur le méthodisme francophone en Europe, voir les documents sur le site internet du Centre Méthodiste de Formation Théologique (CMFT) :