Conférence Annuelle 2010 24-27 juin 2010 à MÜNSINGEN / STRASBOURG
Les quelque 300 délégués de Suisse, de France et d'Afrique du Nord ont approuvé des lignes directrices stratégiques pour les huit prochaines années. Au terme d'une discussion animée, la stratégie 2010-2018 a été approuvée par une large majorité et sans modification. Elle engage les paroisses et les organes dirigeants de l'EEM Suisse-France à définir, dans un délai d'un an, des mesures concrètes leur permettant "d'amener de plus en plus d'hommes et de femmes à devenir disciples de Jésus Christ ».
Jörg Niederer, surintendant, a présenté le rapport du Conseil stratégique.
Préalablement à toute discussion sur le rapport du Conseil stratégique, l'évêque Patrick Streiff s’est plu à mettre l’accent sur la mission principale de l’Église : conduire les hommes à devenir disciples de Jésus-Christ pour transformer le monde. C'est l'une des tâches les plus importantes des communautés locales, ce qui constitue aussi la thématique officielle de la prochaine Conférence générale en 2012. A partir de cet énoncé, nous avons là l’objectif à atteindre au niveau de notre Conférence annuelle : conduire toujours plus de personnes à devenir disciples de Jésus-Christ.
Il y a va des personnes : elles doivent être au centre, et non les statistiques ; derrière les chiffres se tiennent des personnes avec des noms et des visages qui vont et viennent dans notre église et sont présentes dans société. Il y va d’une tendance forte dans la société : toujours plus... De croissance...
Toujours plus de personnes entrent dans le «discipulat» ; la tendance est encourageante et à encourager.
Il y va d’un souci spirituel : conduire toujours plus de personnes à devenir disciples de Jésus-Christ. C’est toujours un cadeau de Dieu et non une affaire de stratégie ; c’est toujours une action de Dieu.
Ce discours du conseil stratégique est partie liée à cette position spirituelle. On ne peut donc pas disjoindre de ce rapport la prière de consécration (prière de renouvellement de consécration).
Ensuite il y va des communautés. Les objectifs énoncés ici doivent se traduire concrètement dans nos communautés locales. La Conférence annuelle sera le lieu où se décide le travail de base dans les communautés. Laïques et pasteurs, nous portons ensemble la responsabilité.
Le délégué qui adopte cette stratégie s’engage à la transmettre à l’église locale de toutes ses forces.
Il appartient à la Conférence annuelle de se prononcer maintenant sur ces orientations éminemment spirituelles. L’objectif-cadre vise le développement de l’église pour les 8 prochaines années. Il marquera comme un tournant pour notre église, explique l’évêque.
Débat
Voici quelques points de vue tels qu’ils se sont exprimés en session plénière juste avant le vote sur l’état de notre Église et sa nécessaire évolution dans les temps à venir.
Pendant des années, l’EEM/EMU Suisse - France - Afrique du Nord a tenté de donner de façon répétée de nouvelles impulsions à travers ses Conférences. Le résultat est maigre, si l’on en croit le nombre de membres de l’EEM/EMU en net recul depuis des années.
Au fil de la discussion qui s’engage est apparue la nécessité de se poser des questions encore plus fondamentales:
- l’EEM/EMU ne s’est-elle trop attachée à ses habitudes ?
- A-t-on encore besoin de l’EEM/EMU dans sa forme actuelle ? Autrement dit, il faut savoir si les structures actuelles sont suffisamment pertinentes pour aider la concrétisation du mandat missionnaire et accepter les interpellations venant de l’extérieur. Nous avons besoin d'une Église qui se préoccupe moins d’elle-même que des autres qui l’entourent, une Église et qui accepte de fonctionner comme une minorité, de devenir le sel dans la marmite sociétale… Pour ce faire, nous devrions sortir du conventionnel.
- Pourquoi les gens ont-ils besoin de l'EEM comme église?
- Au bout du compte, quelle est la mission spécifique de l’EEM-EMU, l’accent principal de notre église : la mission parmi les migrants ?
Même si le projet du Conseil stratégique est valable, le vote du jour ne suffira pas à éteindre la peur qui nous étreint devant le déclin de l’église. Mais la peur est mauvaise conseillère. Nous ne pouvons qu’être d’accord pour conduire les personnes à devenir disciples de Jésus-Christ. La société change sous nos yeux, les gens n’acceptent pas qu’on leur impose la marche à suivre. On nous attend comme des serviteurs capables d’un forte écoute. Conduire de nos jours les gens au discipulat n’est guère facile. Se rapprocher des gens d’une manière ou d’une autre, c’est pourtant ce qui compte, que nous croissions numériquement ou non …
- Cette mission de l’Église est toujours en arrière-plan de tout notre travail en église (Takano par exemple). J’ai constaté que le diable niche dans le détail : on a beaucoup travaillé sur des questions secondaires (style, offres) et occulté les questions de fond (mission principale de notre Église, de toute église, évangélisation, discussions internes). Je nous souhaite une Église qui regarde vers l’extérieur, qui observe le monde extérieur, la moisson blanche environnante.
- Le meilleur est l’ennemi du bien, dit-on. Nous sommes dans une situation dramatique : les gens admettent en majorité croire en Dieu, nous prions régulièrement même, il y a une religiosité forte, mais les églises ne sont pas reconnues capables de satisfaire aux besoins religieux des gens. Tout au plus avons-nous cherché et réussi à mieux nous positionner le paysage religieux ambiant. Mais nous ne nous sommes pas suffisamment réapprochés des gens. J’aurais aimé que la stratégie ouvre plus de pistes. Nous devons pouvoir développer de nouveaux projets, ouvrir de nouveaux espaces ; créer du neuf, oser du nouveau.
Un frère algérien se réjouit de cette volonté de relancer l’évangélisation au sein de l’EEM/EMU pour changer le monde, mais s’interroge si ce projet reste cantonné à la Suisse et la France seulement ?
- Est-ce que l’Algérie ne pourrait pas être concernée également par ce projet ? En Algérie, il ne suffit pas de parler de transformation, il faudrait parler de résurrection !
Le débat a fait ressortir une tension entre différents motifs en rapport avec les objectifs fixés:
- A-t-on vraiment à cœur les gens ou ne sommes-nous intéressés que par notre propre survie ? Le sujet est-il tabou ? Faut-il sauver ou non l'EEEM/EMU de sa propre disparition ? Peut-être que l’EEM doit-elle mourir dans sa forme actuelle pour permettre à quelque chose de neuf de renaître ?!
- Comment allons-nous en Suisse et en France avoir l'espoir et le désir de grandir numériquement comme Église ? Les chiffres peuvent être affichés facilement. Mais comment peut-on mesurer la croissance spirituelle »? Mais attention de ne pas se focaliser exclusivement sur la croissance de l’Église en tant que telle : la croissance ne peut pas être comprise comme un but en soi... Une croissance visée en tant que telle devient une idéologie ; dans ce cas, il y a danger, danger à vouloir la croissance à tout prix. La croissance numérique n’est effectivement pas signe nécessairement de croissance spirituelle : des milliers étaient là à danser autour du veau d’or. D’autres indicateurs méritent d’être cités clairement qui entrent dans la définition d’une église vivante en cours de développement. Tout est dans la question : qui transforme le monde ? Jésus parle du Royaume comme quoi des hommes esclaves recouvrent la liberté, des aveugles voient clair, etc...
- Il ne s’agit pas dans cet objectif-cadre de faire toujours plus de membres de l’EEM, mais des membres du corps du Christ. Suis-je prêt à accepter que des gens une fois convertis à Jésus-Christ rejoignent une autre église ?
- Nous fonctionnons autrement que le monde industriel : tout commence dans le cœur des hommes qui se donnent à Dieu et reçoivent de Dieu le feu du changement. Ça passe du haut en bas, par l’action souveraine du Saint Esprit.
- Est-ce que l’Église est vraiment le moyen idéal pour atteindre les contemporains ? L’effort présent doit conduire nos églises locales à définir concrètement de nouvelles priorités : conduire des hommes, des femmes à la vie de disciples.
La stratégie et la discipline sont des outils au service de l'Eglise, et non pas les patrons devant être satisfaits à tout prix par tous les moyens possibles.
Vu le déclin saillant, flagrant de l’EEM/EMU en Suisse, quelqu’un a déposé une motion réclamant l’analyse de l'expérience des 40 dernières années et l’évaluation critique des orientations et des objectifs définis par le passé. Cette demande a été approuvée à une large majorité.
La motion du Conseil stratégique engage les instances de la Conférence et les communautés locales à obtenir dans l'année à venir les premiers résultats dans la mise en œuvre de la stratégie. Une prolongation de ce délai de deux ans a été rejetée à une forte majorité par la Conférence.
Durant ce laps de temps, toutes les instances de l’Église chercheront à traduire concrètement l’impératif moral et spirituel du mandat missionnaire, tous les circuits et toutes les commissions, a-t-on décidé...
La CA 2010 accepte la stratégie 2010-2018 définie à travers l’objectif fondamental, l’objectif-cadre et les objectifs de résultats. Elle charge le conseil stratégique de sa mise en œuvre.
Le travail ne fait que commencer, le travail de transposition du concept dans la réalité.
La CA prie unanimement la prière de reconsécration - renouvellement de la consécration au Seigneur.