Nous sommes le dimanche des Rameaux (29 mars 2015) réunis dans la Salle des fêtes de Muntzenheim pour la célébration du culte. Délégués laïcs et pasteurs de l’AG ont fait le déplacement ainsi que des membres et amis venus de toute l’Alsace. L’évêque Patrick Streiff apporte le message inspiré directement de l’entrée triomphale de Jésus dans Jérusalem. De la foule en liesse, il passe à l’église sous l’angle de la louange. Il met en garde contre toute louange qui traduirait une fuite du quotidien. La louange attendue des disciples, loin d’esquiver les luttes du quotidien, les intègre à la suite du Christ crucifié (lectures : Ps 24 ; Phi 2.3-11 ; Prédication : Mt 21.1-11).
Que la parole de Christ habite parmi vous abondamment… Col 3.16
La foule fête Jésus
Quelle belle histoire de fête ! Dans mon enfance, j’ai toujours bien aimé cette histoire. Tout au long de l’Évangile, Jésus a fait tellement de bien que cette explosion de joie à son entrée dans Jérusalem en était la conséquence logique. Mais je me souviens aussi qu’enfant, j’avais du mal à comprendre pourquoi l’émotion de la foule pouvait si vite basculer de cet air de fête à la condamnation brutale de la même personne. Derrière toutes ces émotions fortes doivent se cacher d’autres motifs moins visibles. Car il ne faut pas voir d’un mauvais œil que la foule fête Jésus. Il ne faut pas condamner sa joie exubérante. Mais il est utile de mieux comprendre pourquoi son air de fête ait pu basculer en son contraire. Cela peut nous aider également pour nos fêtes et nos moments de louange. D’autant plus que nous avons tous besoin de moments de fête et de joie intense. Alors, suivons d’abord un peu la foule en fête avant de revenir sur nos fêtes et nos cultes d’aujourd’hui !
Suivons la foule en fête
Selon les Évangiles de Matthieu, Marc et Luc, l’histoire de cette fête commence par un dialogue entre Jésus et ses disciples. Il n’y a pas encore de foule. En s’approchant vers Jérusalem, Jésus donne l’ordre à ses disciples de chercher un ânon. Quelque chose de spécial se prépare sans qu’on sache exactement quoi. Ces préparatifs s’inscrivent dans une histoire que les disciples ont partagée avec leur maître. Les disciples ne comprennent que très partiellement ce qui se passe. Ne venaient-ils pas d’entendre pour la troisième fois de la bouche même de Jésus qu’il sera bientôt condamné, livré aux païens, crucifié et qu’il ressuscitera le troisième jour ? Et la mère des fils de Zébédée n’est-elle pas venue demander une place d’honneur pour ses fils parmi les douze disciples ? Bien sûr, les dix autres se sont indignés contre les deux disciples. Jésus devait les raisonner tous et les exhorter à servir au lieu de se faire servir comme rois. Il leur rappelle sa propre destinée : « Le Fils de l’homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mt 20.28). Je doute que les disciples aient compris cette parole à cette occasion. Plus tard, après Pâques, oui. Et Paul exprime la même chose dans son hymne (Ph 2). Mais sur cette route vers Jérusalem, il me semble que les disciples balançaient entre l’angoisse et l’espérance, l’angoisse que quelque chose de grave pourrait arriver et l’espérance que leur maître serait enfin reconnu comme le Messie d’Israël. Et bien sûr, après la guérison de deux aveugles, juste avant d’arriver au mont des Oliviers, les disciples reprenaient courage et s’attendaient que Jésus soit reconnu comme le Messie. Puis Jésus leur demande d’aller chercher une ânesse avec un ânon. Pleins d’enthousiasme, les disciples mettent leurs vêtements sur l’animal et Jésus s’assoit dessus. Et c’est alors que la foule copie leur geste, étend ses vêtements sur la route, coupe des branches et en jonche la route. Tout le monde crie de joie : « Hosanna au Fils de David ! Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient ! Hosanna au plus haut des cieux ! » (Mt 21.9)
Jésus se laisse fêter
Jésus se laisse fêter. Il accepte d’être au centre de l’attention et des jubilations. Ce n’est pas évident, car à plusieurs reprises Jésus a interdit à quiconque d’annoncer qui il était ou même interdit à une personne de le suivre. Mais ici, à son entrée à Jérusalem, il laisse faire ses disciples et la foule. Dans l’Évangile selon Jean, son entrée à Jérusalem est précédée par l’histoire de Marie oignant les pieds de Jésus avec un parfum de grand prix et là aussi Jésus la laisse faire.
C’est étonnant : Jésus se laisse fêter tout en sachant que ceux qui le fêtent ne comprennent pas qui il est et cultivent de faux espoirs à son sujet. Ceux qui le fêtent, y compris les disciples, s’attendent à ce que Jésus devienne le nouveau roi David, le vrai Messie, celui qui établira le règne de paix et mettra un terme à l’occupation des Romains. Jésus accepte de telles jubilations erronées. C’est surprenant. En fait, ces émotions de fête disent plus sur les attentes des fêtards que sur la justesse de leur compréhension de Jésus. Et parce qu’ils ne comprennent pas qui est Jésus, ils seront tous choqués de la tournure que prendront les événements, quelques jours plus tard, et leurs émotions basculeront vers la déception profonde et l’angoisse que les Romains pourraient se venger. Mais au moment de l’entrée de Jésus à Jérusalem, les disciples autant que la foule fêtent Jésus. Ce sont leurs propres attentes et vœux qui se manifestent puissamment dans leur fête et jubilation.
- Non à une louange voulant fuir souffrance et malheurs
- Oui à une louange se calant sur le Crucifié
Nous fêtons Jésus
Leçon magistrale
Ce jour-là, une foule nombreuse et heureuse chantait Hosanna ! Mais la même foule criera quelques jours plus tard : « Crucifie ! Crucifie-le ! » L’évêque replacera la louange au coeur de notre vie de disciple appelé à Le suivre dans son abaissement et son service.
Jésus a accepté la louange enthousiaste de son peuple tout en sachant en son for intérieur qu’il allait au-devant du calvaire. En venant sur un ânon, Jésus accepte d’être au centre de cette jubilation populaire, Il accepte de se laisser faire tout en sachant que la foule mettait de faux espoirs en lui. Etonnante acceptation ! Pourtant cette foule sera choquée par la tournure prise des événements à venir.
L’évêque nous renvoie à notre propre existence : « n’en est-il pas de même pour nous ? Nous louons Dieu de tout notre cœur le dimanche et l’abandonnons dans les contrariétés de la vie la semaine ». Nous devons apprendre à mieux connaître Jésus pour comprendre le chemin qu’il nous appelle à suivre.
« Le problème n’est donc pas la louange, mais la manière dont nous vivons notre engagement : gardons-nous en mémoire la faiblesse de Christ, marginalisé, sans puissance chaque fois que nous partageons un temps de louange ? Nous aimerions tous voir le Christ fort et puissant. Et si nous apprenions à le louer dans son humilité ? Prenons conscience que suivre Jésus crucifié, c’est suivre son chemin. N’en perdons pas l’ardeur à Le louer ! Mais que notre louange à Jésus soit louange au Crucifié et nous aide à affronter les difficultés, seule cette louange est puissante et transformatrice ».
Nous aussi, nous fêtons Jésus. Nous le faisons aujourd’hui et j’espère que chaque culte dominical dans nos communautés est une célébration festive. Ces dernières années, nous avons intensifié et prolongé les temps de louange au cours de nos célébrations sous l’influence des mouvements charismatiques, mais aussi en raison des changements survenus dans la société profane. Aujourd’hui, toute une gamme de loisirs s’est développée, surtout au cours des week-ends : fêtes, concerts, discos etc.. La musique a également changé et joue un grand rôle. De telles choses profanes influencent également la célébration de nos cultes. Cette influence ne se répercute pas seulement sur le style de musique, mais également sur l’état d’esprit général : on a tendance à faire la fête le week-end pour oublier ou refouler les difficultés de la vie ordinaire. Nous célébrons volontiers un formidable moment de louange et de culte le dimanche, avant de plonger ou même de nous noyer ensuite dans les difficultés de la vie de tous les jours. Nous connaissons tous une telle situation. Nos émotions peuvent basculer du haut du ciel au plus bas des cauchemars. Pareille expérience nous est familière. Nous louons Jésus de plein cœur le dimanche et nous sentons abandonnés de Dieu dans les contrariétés de la vie.
Quelque chose ne va pas. Nous ne pouvons pas toutefois changer les contrariétés de la vie. Nous devons faire avec. Nous devons apprendre à les gérer et à les surmonter. Qu’en est-il alors de notre louange de Jésus? Dans l’histoire de l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem, nous avons découvert avec étonnement que Jésus se laisse fêter malgré la fausse conception que les disciples et la foule s’étaient faite de lui. Il serait donc faux de cesser la louange, mais en louant Jésus, il faut approfondir notre vision de Jésus, savoir qui est Jésus et sur quel chemin il nous appelle à le suivre.
Louange du Christ affaibli et marginalisé
Honnêtement, cette histoire des Rameaux m’a conduit à être plus compréhensif envers les nouveaux mouvements et les églises où les participants vivent une belle et intense louange sans être fortifiés et transformés pour affronter les contrariétés de la vie ordinaire. Le problème n’est pas la louange, mais notre résistance à suivre notre maître. Le problème n’est pas l’espérance que nous mettons en Christ, mais notre incapacité de le louer dans sa faiblesse et sa marginalisation. Nous aimerions tous un Jésus fort, gagnant et puissant. Et nous aimerions tous profiter de notre attachement à sa personne et être un peu plus forts, gagnants et puissants avec lui. Mais accepterons-nous de rester attachés à lui et de le louer dans une situation où nous sommes faibles, marginalisés et impuissants ? Cela demande de nous davantage d’humilité et une attitude tournée davantage vers Dieu que vers notre propre profit. L’apôtre Paul l’a parfaitement exprimé dans son hymne de Philippiens 2 : « Comportez-vous ainsi entre vous, comme on le fait en Jésus Christ » (Ph 2.5), puis il évoque le cheminement de Jésus qui prend la condition de serviteur et s’abaisse jusqu’à la mort. L’apôtre Paul a bien compris ce que signifiait de suivre le Crucifié et que Son chemin devait se refléter dans notre propre chemin. C’est différent d’une louange qui veut fuir la souffrance et les malheurs.
- Le problème n’est pas la louange, mais notre résistance à suivre notre maître.
- Le problème est notre incapacité à louer le Christ dans sa faiblesse et sa marginalisation.
Que notre louange à Jésus devienne une louange du Crucifié. Qu’elle nous prépare et nous fortifie à affronter les difficultés de la vie réelle. Alors notre louange sera puissante et transformera notre propre vie.