Vendredi - réactions à l'esquisse du Conseil stratégique

Conférence Annuelle 16-19 juin 2011 à OBERWINTERTHUR / ZURICH

Théo Schad explique le propos du groupe de travail : donner un aperçu de la vie de l’EEM et expliquer dans le même temps la diminution de ses membres au cours de ces dernières décennies.

Ils se sont posé beaucoup de questions : quelles sont les questions théologiques que nous transmettons aux gens ? Comment faire que les lignes du conseil stratégique aient plus d’efficacité que les précédentes délibérations?

A la CA de décider ce qu’elle veut entreprendre à partir de leurs conclusions.

«Comment éviter que les bonnes résolutions ne s’évanouissent à l’avenir ? Il faut partir des personnes que nous avons le devoir de servir. Nous disons que nous sommes ouverts aux gens qui sont à l’extérieur, mais en fait nous ne le sommes pas. Il nous faut être ouverts, il faut nous radicaliser», clame Théo Schad.

Pour sortir du marasme, ajoute-t-il, «il importe de créer des champs d’apprentissage, de créer des espaces de liberté où nous pouvons apprendre ensemble à faire du neuf, à trouver du neuf, à penser à autre chose que nous avons toujours fait par le passé.

En tant qu’église, nous n’avons peut-être pas compris que la situation est grave, pas seulement pour l’Eglise, mais aussi pour l’Evangile».

Toutes nos études montrent que le christianisme institutionnalisé ne correspond plus du tout à la réflexion des gens d’aujourd’hui. «Notre volonté de construire des églises est contradictoire avec la réalité du terrain : les gens n’ont rien à cirer si c’est catholique, traditionnel, libéral protestant ou évangélique : nous devons nous intégrer dans le monde réel des gens. Il y a un tas de choses que nous avons fait jusqu’ici ; aujourd’hui il est temps d’apprendre à nous investir dans les personnes».

SI quelqu’un vient avec un projet original, il faudrait pouvoir le soutenir, car l’important est de s’investir dans des gens …. Théo Schaad met en garde contre une certaine bureaucratisme qui tue l’esprit d’initiative, ses propos sont décapants : «Les règlements ne nous permettent pas de nous intéresser aux gens, aux besoins des gens : il faut que l’Evangile puisse les toucher et l’objectif n’est certainement pas que les gens viennent dans nos églises».

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Autres propos recueillis dans la discussion qui a suivi


«Nous bricolons nos règlements, nos structures, comme les pécheurs étaient à réparer les filets. Comme Jésus a appelé les pêcheurs à partir au large à un autre moment que prévu, il nous appelle à sortir à notre tour et à prendre le large ; la réussite est à ce prix. Comme pour Pierre, Jésus va nous demander des choses très différentes que ce que nous avons fait jusqu’ici. Nous ne perdons rien du tout si nous lâchons prise et si nous allons avec le Christ là il veut nous emmener. Laissons nous embarquer dans l’aventure de la foi comme aux premiers jours de la Pentecôte.»

Gardons le profil. Il n’est pas en cause.

«Le profil n’est pas toujours bien accepté, il n’est pas non plus très bien compris, comment faire pour que nos discussions aient des suites auprès de nos membres de base, car on perd quelque chose … J’ai été passionné par le dimanche de la Conférence : j’ai vu qu’après trois jours de discussions intensives des gens étaient venus de tout le territoire de la Conférence, j’ai vu qu’il y avait eu multiplicité d’animations selon les tranches d’âges, puis qu’il y avait eu un culte d’envoi ; tous ceux qui avaient reçu une affectation étaient là avec leur conjoint : on a besoin de ça pour tenir une autre année. C’est ça, l’évangile pour notre église, une pomme dans l’arbre de l’œcuménisme….
Notre profil qui n’est pas seulement du papier mais du vécu n’est pas suffisamment ancré dans nos paroisses.  Les gens se souviennent d’anciennes Conférences où nous vivions une communion extraordinaire : les jeunes viennent-ils encore à nos dimanches de Conférence ? Sont-ils enthousiasmés par l’Evangile ?

Nous avons distribué une invitation importante à nos membres, une dame nous a fait une réflexion : où sont les gens ? Ils sont loin, cela me fait souci».


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Claudia

«Autre chose me préoccupe : la question de surcharge, la question du ressourcement. C’est un thème dont nous parlons beaucoup. Nous aimerions entreprendre un tas de choses ; en tant que membres, nous arrivons à nos limites, la difficulté est générale : nous sommes tellement sollicités dans nos familles et notre vie professionnelle, que nous aimerions reprendre du souffle dans nos églises locales, et si la conseil stratégique devient une charge, nous sommes mal barrés…..
Le Seigneur nous a dit :allez vers les gens et invitez-les à venir à Dieu.

Notre difficulté, c’est de lâcher prise. Cela signifie reprendre son souffle, et ne pas imposer de charge supplémentaire.

Aux gens surchargés, nous aimerions montrer la voie du lâcher prise. Lâcher prise permet de trouver de nouvelles réponses.»


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«J’aimerais ajouter quelque chose : lâcher prise. Qu’est)-ce qui se passe quand il ne se passe rien.  Attendez l’inattendu. Celui qui attend l’inattendu est un pionnier. Espérer et croire est important dans notre vie».

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Qu’est-ce que je peux faire dans ma communauté de base ? J’ai l’impression que tout ça les gens de chez moi n’ont rien à cirer, c’est totalement à côté de la plaque. Comment je puis intéresser les gens à toutes ces orientations ? Ils sont indifférents à ce qui se passe dans les autres paroisses en France»….

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Formation et Conseil

« Quand nous accompagnons les communautés, nous voyons une énorme difficulté à créer des espaces et à reprendre du souffle. Quand il y a de nouveaux plans, les gens trouvent que c’est de trop. Nous aidons les gens à lâcher prise et faire de la place à du neuf.

«Formation et conseil»  reste disponible quoi qu’on dise !

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«J’espère que le document de travail va déclencher des projets, des initiatives et des changements en masse.»

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«Construisez autre chose, concentrez-vous sur autre chose ; à partir de là du neuf naîtra».

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«La mission me fait penser à la parole d’un théologien : «la croix n’a pas de poignée» et ça convient parfaitement à la mission. Des missionnaires sont venus en Asie avec leurs petites boites et leurs poignées ; on s’est demandé ce qui pouvait en sortir.
Sur la croix il n’y a pas de poignée ; un polichinelle ne sort pas de la boite.

Quand on ne sait pas quoi faire, comment faire, c’est peut-être une bonne chose….»

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«Soutenons-nous les uns et les autres qui s’engagent pour les autres. Respectons les communautés qui prennent des initiatives et marchons à leur rythme.»

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«Ayons une vision, quelque chose qui brûle en moi, alors je suis prêt à renoncer à quelque chose. Dernier point, si j’y vais, il aura d’abord la vallée des larmes, cela fait partie du processus, une baisse avant une remontée».

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Hans Eschler

«Au début d’année, on prend de bonnes résolutions. On a pu constater que la passion n’est pas un point important jusqu’ici ; pourtant c’est un facteur spirituel important; Il faut parler d’enthousiasme et de feu brûlant pour le Christ : il faut que nous ayons envie que l’on parle du Christ autour de nous et dans la société et il est important de le vivre d’abord par nous-mêmes. C’est le Christ qui nous transmet cet enthousiasme et nous rend capables de le partager autour de nous».

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Schroemmel

«Cette esquisse conduit à réfléchir à ce qu’elle implique pour moi : ai-je envie comme pasteure d’amener de nouvelles personnes au Christ ? C’est très personnel; je n’ai pas de contact avec des personnes extérieures à  l’église. Cela manque dans nos églises. Quelqu’un racontait que grâce à son poste de travail elle était entrée dans une église. Il faut que cela se produise chez nous.»

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«Les paroisses ont des rythmes différents : on ira plus ou moins vite, le but, c’est d’être ensemble sur ce chemin qui vise à amener des hommes et des femmes à suivre le Christ.

Effectivement, il faut respecter le rythme des églises, par contre il est des églises qui vont dans une tout autre direction. Et c’est de notre devoir de les faire réfléchir et de les inciter à prendre la même direction que nous».

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Joerg Niederer remercie les intervenants de leurs contributions stimulantes.

«Nous avons aussi vu qu’il s’agit de travailler sur les contenus. S’agit-il de survie ? Ce qui nous guide, c’est Dieu ou non ? Les gens sont parfois ailleurs que dans les questionnements que nous posons.»

Qu’est-ce que cela veut dire ? Se préoccuper des attitudes est parfois plus difficile que de travailler sur les structures.

Nous n’avons pas de réponse définitive sur la question de la stratégie.

Nous continuerons à travailler sur le sujet ; nous recevrons les stimulations, les idées, d’où qu’elles viennent. Assurément, il y a beaucoup à faire au sujet des contenus.»

ANNEXE

LE DOCUMENT

Esquisse relative à l'objectif de résultat (F) 

Groupe de travail ad hoc du Conseil stratégique chargé de traiter l'objectif de résultat f) de la stratégie de l'EEM: 

Stefan MolI, Theo Schaad, Walter Wilhelm 

1. Remarque liminaire 

Depuis les années 1930, les EEM et leurs précurseurs connaissent en Suisse un recul du nombre des membres et un retrait de nombreux lieux. Cette phase a été précédée par une période d'expansion initiée en 1860. Dans son histoire, l'EEM a vécu une croissance numérique ou un développement géographique à chaque fois qu'elle s'efforçait de combler un vide social ou spirituel. Cela vaut aussi bien pour la période de la naissance du mouvement méthodiste au 18esiècle que pour l'expansion de l'Eglise en Amérique, lorsque l'Eglise a émigré avec les colons et s'est concentrée sur leurs besoins, et pour l'époque où, au 19esiècle, la piété a connu un grand vide en Allemagne et en Suisse. Et cela vaut aujourd'hui encore, là où elle accueille de nouvelles communautés issues de la migration ou offre un service diaconal destiné à répondre à des problèmes sociaux. 

Mais: bien que de tels vides continuent visiblement à représenter un défi pour nos communautés et notre Eglise, nous n'assistons à aucune croissance numérique ni expansion géographique. De manière générale, l'Eglise perd de son impact, les exceptions locales ne faisant que confirmer la règle. 

La rétrospective présentée sous le point deux de la présente esquisse montre que plusieurs Conférences annuelles ont lancé des initiatives en vue de tourner la page. Les efforts fournis n'ont cependant pas permis de prendre le virage souhaité. La stratégie adoptée lors de la Conférence annuelle 2010 s'inscrit dans la lignée des initiatives et appels déjà décidés et bien souvent tombés dans les oubliettes. Nous n'avons trouvé aucune différence indiquant que la stratégie pourrait avoir des effets à long terme. 

Le mandat confié par le Conseil stratégique au groupe de travail ad hoc précisait: «Une esquisse expose les contextes sociaux et ecclésiastiques ayant contribué à la diminution constante de membres et d'influence sociale constatée au sein de l'EEM depuis 70 ans et les éléments que nous pouvons en tirer dans la perspective de notre gestion actuelle de l'objectif fondamental et de l'objectif-cadre que nous nous sommes fixés. Le résultat sera soumis à la prochaine Conférence annuelle.» 

Lorsque l'on octroie un mandat consistant à établir une esquisse, l'idée est de tracer les grandes lignes du tableau et de ne pas se perdre dans les détails. Pour ce faire, le groupe de travail s'est fondé sur les rapports rédigés par les surintendantes et surintendants à l'intention des diverses Conférences annuelles. Il a égaIement pris connaissance d'un bilan de la situation dressé à ce sujet par Claus D. 

Eck et Stefan Weiler. Enfin, il s'est laissé guider par ses propres expériences et souvenirs. Il est impossible, dans le cadre donné, de procéder à une analyse approfondie des différents thèmes concernés; un tel examen devrait se faire ultérieurement. 

D'aucuns se demandent si une stratégie est vraiment un instrument adéquat pour une Eglise. Ne faudrait-il pas simplement laisser à Dieu le soin de nous dire où il veut mener l'Eglise? Nous sommes fermement opposés à cette attitude quiétiste!. Nous partons du principe que nous devons nous efforcer d'être des bons intendants des «talents qui nous sont confiés». Ce que Dieu nous a confié à nous, méthodistes, n'est pas remis en question, mais demeure au contraire la base de notre service en tant qu'Eglise. 

Quels développements l'EEM a-t-elle suivis en Suisse et en France entre 1970 et 2010? 

Les grandes lignes qui ressortent de la lecture des rapports des surintendants et surintendantes sont les suivantes: 

Statistiquement: 

Outre le nombre des membres, le nombre des églises locales a nettement baissé. Le nombre des circuits, en revanche, n'a que peu diminué. La vie des églises locales se concentrant de plus en plus sur les centres paroissiaux, la plupart des chapelles ont été transformées ou ont fait l'objet de nouvelles constructions. Le processus n'est d'ailleurs pas terminé. 

Le manque de pasteures et pasteurs revient lui aussi régulièrement dans les rapports des surintendants. 

Jusque dans les années 70, la stratégie est claire: l'Eglise s'efforce d'être proche des gens. Pour ce faire, elle construit de nombreuses chapelles, dans des lieux parfois très reculés. Aujourd'hui, la proximité des gens ne dépend cependant plus du lieu où se situent les immeubles. Cette stratégie, qui fut la dernière à se dégager clairement, est aujourd'hui en cours de démantèlement. 

Les rapports des années 70 portent régulièrement sur des domaines comme les cultes, les études bibliques et la relation d'aide. L'année 1971 marque l'adoption d'un programme intitulé «Le courage de faire des expériences», ciblé, notamment, sur une augmentation de 20% du nombre des membres. Or, non seulement le chiffre visé n'est pas atteint, mais le nombre des membres continue à baisser durant la période concernée. Pour contrer le phénomène, le mouvement «Le courage d'être église» relance le travail en petits groupes en fondant des cellules de maison. Le projet «Le courage d'évangéliser» ne porte lui non plus pas de fruits durables. 

Dans les années 80, les rapports abordent des questions et des études relatives au mouvement charismatique émergeant. En plus des tensions théologiques, ce mouvement fait resurgir la question de la piété personnelle et entraîne un changement, qui perdure aujourd'hui encore, dans la culture des cultes par une nouvelle manière de chanter. Le rapetissement de l'Eglise est préoccupant: la «Vision EEM 2000», adoptée en 1986, ne produit cependant elle non plus pas beaucoup d'effets. La Conférence générale de 1984 fixe pour objectif d'accroître le nombre des membres de l'UMC dans un délai de huit ans. Ce but n'est pas atteint. Le développement paroissial et le mouvement de croissance des églises font alors leur entrée et transforment la méthodologie du management en un sujet convenable. 

1 Mouvement ecclésiastique consistant à attendre l'action de Dieu dans la passivité et le silence. 

A la fin des années 80 et dans les années 90, l'Eglise commence à parler des changements sociaux du postmodernisme. La montée du pluralisme et de l'individualisme ainsi que l'importance accrue de la liberté personnelle se font peu à peu sentir. La diversité théologique se développe. On observe de plus en plus souvent des tensions quant à la conduite de l'église. Des tendances congrégationalistes font leur apparition. Dans les rapports, les références à la vision et au mandat de l'EEM se multiplient. Les églises locales sont priées de formuler des lignes directrices définissant leur vision de la communauté; une procédure qui vise à donner une orientation plus claire au travail. Aucune analyse des effets produits par les lignes directrices n'est cependant réalisée après coup. Se pose alors la question de savoir comment conduire les églises locales dans ce contexte. Le rôle de plus en plus délicat des pasteurs fait l'objet de discussions. 

A partir de 1997, l'Eglise est appelée à baser son travail sur la formulation suivante: «D'ici 4 ans, la moitié de toutes les activités proposées par nos paroisses devront systématiquement être développées non pas en fonction de nos propres besoins et style ecclésiastique, mais de manière à répondre aux questions de nos contemporains et sous des formes qui leur soient accessibles.» Si l'idée est très bien accueillie, elle n'a que peu d'effets concrets. Là aussi, il manque une analyse à long terme de la mise en œuvre du projet. Dans le langage de la vie paroissiale, la consigne est en outre rapidement reformulée: d'ici 4 ans, «la moitié de toutes les activités proposées sera tournée vers l'extérieur». Cette modification supprime l'intention intrinsèque du mandat initial de sorte que la mission est à nouveau dirigée par les besoins propres à l'église. 

Les répercussions du travail de Willow Creek se cristallisent dans le concept des cultes ciblés sur des hôtes. La seconde moitié des années 90 est marquée par la réorganisation du travail avec les enfants, les adolescents et les jeunes adultes, sous l'égide de Takano (1997), et la réorientation de la formation des laïques (1998), ultérieurement reprise par le Service Formation + Conseils (2002). 

Entre 2000 et 2010, le phénomène du postmodernisme prend de l'ampleur. La liberté de suivre sa propre voie conduit des groupes entiers de personnes à quitter l'Eglise. Bien qu'ils invoquent avant tout des motifs théologiques, il s'agit souvent d'une question de pouvoir. Le système des affectations gagne en transparence et s'inscrit dans un processus plus participatif. La charge liée au ministère pastoral devenant plus lourde, l'accompagnement des pasteurs est amélioré (p. ex. entretiens d'évaluation et de motivation). Le bénévolat parvient ici et là à ses limites, ce qui déclenche des discussions sur la valorisation et le suivi des collaborateurs et collaboratrices bénévoles. Dans le travail avec la jeunesse, des personnes sont formées (pasteurs-jeunesse) et engagées à temps partiel (collaborateurs et collaboratrices-jeunesse). Le manque de pasteurs est en partie résolu par l'engagement de prédicateurs laïcs avec responsabilité pastorale et la publication de petites annonces. L'Eglise élabore le profil de l'EEM. Son impact sur le développement de l'Eglise et des paroisses n'a pas encore fait l'objet d'une analyse critique. L'implantation d'églises est activement encouragée et le travail avec la génération des 55 et + renforcé. Des églises de migrants voient le jour. Le Cabinet introduit des changements structurels dans la CA: le groupe de pilotage, qui deviendra le Conseil stratégique, est mis sur pied pour resserrer les liens entre les différentes personnes et les divers organes chargés de la conduite de l'Eglise. Il est encore difficile de déterminer si ce nouvel organe sert davantage à clarifier les divergences entre le Comité directeur suisse et le Cabinet ou s'il assume une responsabilité dirigeante. Des incitations à renouveler le travail des églises locales sont alors formulées sur la base de références à des communautés centrales et des communautés de base, aux 5 signes caractéristiques des églises qui portent 

du fruit, selon les termes de l'évêque R. Schnase, et de la formation «Turnaround» . 

Conclusion: Tous ces documents attestent de manière impressionnante de la volonté de la Conférence annuelle et de la direction de l'Eglise de faire en sorte que des personnes soient touchées par le message de l'Evangile. Pendant toutes ces années, cet objectif demeure ainsi un paradigme pour l'EEM. L'objectif fondamental de la stratégie 2010 s'y tient d'ailleurs lui aussi expressément. On constate néanmoins un écart flagrant entre le désir et la réalité. Il est certes impossible de dire a posteriori où l'EEM se trouverait aujourd'hui si elle n'avait pas lancé toutes ces initiatives. Force est cependant de constater de manière générale qu'elle n'est pas devenue plus missionnaire ni plus efficace pour autant. 

Le nombre des initiatives et concepts visant à développer le travail des églises est lui aussi impressionnant. La question qui se pose est de savoir pourquoi l'on est pas parvenu, malgré tous ces efforts, à améliorer la situation de l'Eglise. Même si ces démarches ne sont pas toutes axées sur une augmentation du nombre des membres, cette attente joue toujours un rôle essentiel dans la pratique. Pourquoi l'EEM n'a-t-elle pas réussi à aller au-delà de l'attente, tout du moins dans le territoire de la Conférence annuelle Suisse-France? 

En parcourant les rapports des surintendants, nous constatons que cette question est abordée avec une grande prudence. Ou plus directement: tant dans ces rapports que dans nos souvenirs des sessions de la CA, nous ne trouvons aucune évaluation claire et durable de toutes ces initiatives. Cela ne signifie pas qu'une telle évaluation n'a pas eu lieu au sein des divers organes, mais le cas échéant, l'évaluation n'a pas eu d'influence significative sur les étapes suivantes. De notre point de vue, il est donc indispensable de mettre sur pied et de conduire des initiatives telles que le profil de l'EEM ou la stratégie 2010 comme un projet. 

3. Forme et contenu 

Lorsque l'on considère ces programmes, il est frappant de voir que la réflexion se concentre fortement sur la question du «comment?». Est-ce que nous faisons les choses comme il faut? Est-ce que les formes dans lesquelles nous travaillons sont adaptées? Ce qui manque un peu sont les discussions sur le contenu. Les questions relatives au fond demeurent en arrière-plan. Quels sont les sujets théologiques fondamentaux qui marquent de leur empreinte la mission et l'évangélisation? L'EEM a-t-elle fait ses devoirs théologiques au cours de ces dernières années? 

Depuis 1950, le contexte social en Suisse et en France a radicalement changé. Avec l'essor économique de l'après-guerre et le mouvement de la génération de mai 68, qui s'est traduit par une modification sociale du rôle de l'homme et de la femme, les individus ont vu les possibilités de vivre leur vie se multiplier. Le postmodernisme qui s'est ensuivi a mis en avant les valeurs de l'épanouissement personnel et de la liberté. Dans le quotidien professionnel, on encourage la flexibilité et la réorientation. Alors que d'un côté on navigue dans ce village globalisé appelé «monde», de l'autre, le côté privé, on se retire volontiers dans le calme de la vie paisible offerte par son petit chez sol". 

Jürg Stolz et Edmée Ballif renvoient dans leur étude «L'avenir des réformés» (2010) aux mega-tendances, qui influent sur des domaines de l'Eglise comme le nombre des membres, la participation aux cultes, la religiosité, l'image publique, 

2 Cf. à ce sujet les thèses "Communication de l'Evangile dans la société postmoderne» élaborées par le groupe de travail Théologie et ministère pastoral de la CC de l'Europe du centre et du sud publiées dans les actes de la CC 2005, p. 158ss. 

les effectifs en personnel et les finances, et font ainsi opposition à l'Eglise sous sa forme traditionnelle, tout en lui offrant de nouvelles possibilités. 

Les changements sociologiques mis en exergue par Stolz/Ballif ont aussi des répercussions importantes, en termes de contenu, pour notre foi. L'individualisation de l'être humain exerce une influence considérable sur son rapport aux valeurs qui le définissent. Pour l'homme ou la femme du 19e siècle et du début du 20e siècle, le message de la grâce libératrice de Dieu a eu un impact tout à fait direct sur sa relation avec le monde standardisé de l'industrie et de l'administration, de l'appartenance à la famille, à la société et à la nation. Être pécheur était étroitement lié au fait d'être conscient de ne pas respecter les normes préétablies. Or, que signifie le message de la grâce libératrice de Dieu pour une personne qui est convaincue que la situation «me convient»? A l'époque des années de croissance de l'Eglise, le message biblique, tel qu'il était proclamé par les méthodistes, touchaient les gens dans leur problématique quotidienne. Dans les années 1960, les campagnes d'évangélisation ont quant à elles mis l'accent sur une doctrine paulinienne du pardon (souvent très simplifiée). Elles n'ont cependant pas vraiment été bien accueillies par les gens. L'être humain doit-il d'abord devenir pécheur pour pouvoir recevoir le message de l'Evangile? Les discussions se sont tues sans que l'on ait de trouvé de réponses à ces questions de fond. 

Pour illustrer cette observation, citons un article de Achim Hartner, professeur de théologie pratique à la Haute école théologique de Reutllnqerr'. A quoi l'évangélisation du 21 e siècle peut-elle ressembler? Hârtner répond par le paragraphe suivant: 

«L'Eglise pourrait offrir au 'moi épuisé' (Alain Ehrenberg) par les exigences du quotidien une 'culture de la vie' qui donnerait une nouvelle valeur à ce qui est petit, insignifiant, modeste et provisoire. Ici, nul besoin de taire les éléments brisés, douloureux de la vie, qui peuvent être apportés dans la lumière de la bonté de Dieu. Le regard est fixé sur la qualité plutôt que sur la quantité, sur une amélioration de la vie qui passe par un approfondissement plutôt que par une multiplication: le message de l'acceptation et de la justification de l'être humain par Dieu redevient d'actualité». Vient alors immédiatement la question de l'église locale: «Développer l'église comme un lieu permettant à celles et ceux d'aujourd'hui qui sont 'fatigués et chargés' (Matthieu 11,28) de respirer et se reposer paraît être un point de départ tout à fait actuel du travail d'évangélisation et de mission de notre temps.» 

Là aussi, la question du «quoi?» théologique est vite évincée par le «comment?» pratique. 

En regardant les programmes des Conférences annuelles de ces dernières années, on remarque un grand intérêt pour «l'église locale». Elle doit être renforcée qualitativement et quantitativement. Cela ne laisse que peu de place à la réflexion sur l'homme ou la femme en tant qu'individu et sur l'action miséricordieuse de Dieu pour lui. 

Parallèlement aux questions sotérioloqiques", l'Eglise doit aussi traiter des questions ecclésioloqiques''. Il n'est pas possible de combler les lacunes apparaissant dans le contenu proposé aux postmodernistes en modifiant des structures ou des formes. 

3 Extrait du magazine «unterweqs» du 16 janvier 2011. «Evanqéliser aujourd'hui: suivre les traces de l'action de Dieu» 

4 Questions relatives au salut et à la rédemption. 

5 Questions relatives à la vision théologique de ce qu'est l'Eglise. 

Quelle culture d'entreprise l'EEM en tant 

qu'organisation apprenante connaît-elle? 

Quiconque lit les procès-verbaux des Conférences annuelles découvrira dans ces documents ainsi que dans les rapports des divers organes une foule d'impulsions au contenu précieux, d'analyses pertinentes, ainsi que de bonnes idées et tentatives, destinées à entraîner un changement de la situation à travers une modification des structures. Aucun changement fondamental n'a cependant été atteint à ce jour au niveau de la base. Les exceptions à cet égard ne font que confirmer la règle. Il semblerait parfois même que l'EEM ait une tradition consistant à faire face aux défis en se contentant de modifier la structure, pour ensuite constater avec étonnement que sa démarche n'a pas produit beaucoup d'effets. Dans le domaine de la direction et de la conduite, les principaux facteurs déterminants, outre la structure, sont pourtant aussi la culture et les personnalités en présence, avec leurs compétences méthodologiques, sociales et personnelles. Comment intégrer efficacement ces éléments 'souples' dans la direction de l'Eglise? 

L'EEM est empreinte d'une culture des rapports. Ces documents sont étroitement liés au principe de direction connexionnelle de la conférence; ils sont adressés à la conférence et constituent la base des délibérations de celle-ci. A l'origine, les rapports montraient les résultats de la mission et de l'évangélisation. Etablir des rapports sur les activités menées avec succès permettait d'une part d'exprimer de la reconnaissance et des louanges à Dieu et d'autre part de procéder à une analyse critique des événements passés, dans la perspective de la planification de nouveaux programmes. Que devons-nous faire? Comment devons-nous le faire? Que devons-nous en apprendre? 

Aujourd'hui, nous surévaluons l'impact de nos rapports à la Conférence annuelle. Apparemment, ils ne parviennent pas à déclencher les processus nécessaires pour que les décisions rendues à la conférence soient traduites en actes dans les églises locales. Ils servent à rendre compte de la situation, mais peinent à faire bouger les choses et sont trop axés sur le passé pour pouvoir indiquer de nouvelles orientations pour l'avenir et démarrer des processus. Afin de pouvoir faire son chemin de la tête jusqu'au cœur, une idée doit visiblement passer non seulement par la lecture et la discussion, mais aussi, et surtout, par l'expérience et le vécu. 

Les processus de changement de la CA doivent-ils donc se développer jusqu'à dépasser la forme du rapport pour pouvoir atteindre la base et devenir des projets d'apprentissage? Qui accompagnerait et évaluerait alors ces projets? 

Des projets courageux, voire téméraires, pourraient être encouragés de manière ciblée. Ces touches de couleur favorisent l'esprit de pionnier. Mais où sont ces visionnaires et ces projets précurseurs qui s'attellent à de nouvelles choses? L'impression générale est que les entreprises courageuses sont davantage accueillies par un scepticisme attentiste que par l'envie, mêlée de curiosité, de soutenir le projet proposé. Dans le même temps, il faut avoir le courage de tirer un trait sur un projet lorsqu'il n'aboutit pas au résultat escompté. Si l'on déplore l'absence d'une évaluation critique, il en va de même du débat public. L'EEM devrait-elle décerner une récompense de l'innovation pour que l'on considère les choses dans une autre perspective? Qui la décernerait et selon quels critères? 

Notre culture d'entreprise comprend également un degré élevé d'identification avec les valeurs de l'Eglise. C'est un bien précieux. Le fait que toutes les impulsions prometteuses d'un impact missionnaire soient accueillies positivement par la conférence et les églises locales est ainsi particulièrement appréciable. En réalité, ce qui entrave la mise en œuvre est l'absence de cohérence dans la gestion des changements et des conflits qui découlent de ceux-ci, mais aussi toutes les incertitudes concernant la manière dont nous pouvons accomplir notre mandat 

missionnaire auprès de nos contemporains. Les instruments connus, - le présent rapport n'en est qu'un parmi d'autres - se sont émoussés; et nous n'avons pas les connaissances ni l'expérience nécessaires pour appliquer des formes alternatives. 

Tout nouveau départ est toujours accompagné par la prière. Nos attentes envers Dieu sont grandes, surtout lorsque nous lançons de nouvelles initiatives. Cette attitude se heurtant cependant souvent à une évaluation critique, la culture de l'Eglise veut aussi que nous mettions en lumière les traces de bénédictions, mais taisions les échecs. Comment faire en sorte qu'à l'avenir nous parvenions de plus en plus à nommer ces échecs et ainsi à formuler notre déception face à nos propres performances ou à l'action de la prière? 

5. Recommandations 

Au vu des réflexions ci-dessus, le sous-comité ad hoc recommande au Conseil stratégique les mesures suivantes: 

a. Travail théologique de fond 

Le message fondamental proclamé par l'Eglise méthodiste doit être revu à la lumière de la perception de soi qu'a l'être humain d'aujourd'hui. Cet examen comprendra une vision compréhensible des notions de perdition, de rédemption et de sanctification. 

Les multiples formes du travail paroissial, mais aussi les nouveaux défis que représentent les communautés de migrants et le travail répondant à des problèmes sociaux remettent en question notre compréhension de la communauté et de l'Eglise. Dans le même esprit, il convient de revenir sur l'ecclésiologie méthodiste. Dans de nombreuses églises locales, la vie est marquée par une culture qui leur est totalement propre. De nouvelles formes de communautés se sont développées. Il faut se demander d'une part quelles sont, d'un point de vue méthodiste, les valeurs et les contenus qu'une communauté chrétienne pourrait offrir en réponse à un isolement largement répandu et d'autre part comment intégrer de nouvelles formes de coexistence dans le quotidien de l'église. 

Soutenir les développements et les accompagner en gardant un esprit critique 

La culture de l'Eglise doit évoluer de manière à promouvoir les processus de développement. L'apprentissage en commun, par le biais d'expériences et de modèles, doit être renforcé par un échange sur les possibilités et les limites. Les églises doivent être encouragées à faire preuve de diversité dans les formes données au travail paroissial, à fixer des priorités claires et à tester de nouvelles formes. Les nouveaux modèles devront bénéficier de l'attention nécessaire et être accompagnés dès le début dans un esprit critique. Les églises témoignant d'un développement extraordinaire seront considérées comme des modèles et soumises à un suivi critique. 

Développement d'une organisation de projet axée sur la 

mise en œuvre de la stratégie 2010 

La stratégie adoptée en 2010 doit être appliquée comme un projet. L'élaboration du projet, la définition des objectifs partiels, la réalisation pratique et le contrôle des résultats doivent être confiés au Conseil stratégique ou à un organe compétent en la matière. Des ressources en finances et en personnel doivent être dégagées en vue de sa mise en œuvre. 

La compréhension de la notion de conduite au sein de l'EEM doit faire l'objet d'un débat. Qui est responsable de l'application des décisions de la Conférence annuelle au sein des églises? Qu'est-ce que cela implique lorsqu'une église locale ne participe pas à la mise en œuvre? Comment le Conseil stratégique, le Cabinet et le Comité directeur assument-ils leur tâche de conduite? Qu'attend-on des pasteurs responsables et des membres laïques à la Conférence annuelle? Comment les organes de l'église locale assument-ils leur tâche de conduite? Comment les personnes dotées d'une responsabilité de conduite - notamment au niveau de l'église locale - sont-elles considérées, formées et motivées? 

6. Pour conclure 

La présente esquisse invite à réfléchir aux stratégies et initiatives actuelles et passées. Pour ce faire, elle pose avant tout des questions, notamment aussi pour exprimer son propre désarroi. Etant donné qu'en dépit des nombreuses initiatives mises en place, nous ne sommes pas parvenus jusqu'ici à prendre à nouveau pied dans la société, plusieurs questions tout à fait fondamentales se posent à nous: 

- En quoi dois-je distinguer la stratégie qui vient d'être adoptée de celles qui l'ont précédée, de sorte que les objectifs fondamentaux et de résultats qu'elle définit débouchent sur des changements durables? 

- Quels sont les vides que nos églises doivent considérer comme des appels et que faut-il pour que l'EEM incarne d'une manière fiable la bonne nouvelle dans ces domaines-là? 

- Dans l'hypothèse où la voie que nous empruntons aujourd'hui ne nous amènerait pas vraiment voire pas du tout dans la direction souhaitée, aurions-nous le courage de transférer les communautés de l'EEM dans d'autres Eglises et d'offrir le reste de notre patrimoine à des mouvements aptes à combler à notre place les vides identifiés au sein de la société? 

Le groupe de travail ad hoc a ressenti en son sein une certaine inquiétude par rapport à la stratégie 2010. Comment pourrait-elle parvenir à contribuer de manière significative à ce que nos contemporains reconnaissent clairement dans notre façon de vivre que nous sommes des disciples de Jésus? Réussira-t-elle là où d'autres initiatives avant elle ont échoué? Si cette question nous a touchés, c'est peut-être parce que notre travail s'est basé davantage sur la situation de l'Eglise que sur la stratégie. L'examen rétrospectif, en particulier, a renforcé notre impression que la stratégie ne pourrait faire bouger les choses qu'à condition qu'un changement intervienne dans l'Eglise et dans l'esprit des gens qui la composent. Nous avons aussi eu l'impression que les manques résidaient davantage dans le fond que dans la forme ou les structures. 

Stefan MolI, Theo Schaad, Walter Wilhelm 

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