La Conférence annuelle Suisse, France et Afrique du Nord 2014 à Frauenfeld a pris fin avec un culte solennel dans le hall Rüegerholz. Entre 800 et 900 personnes ont participé au culte solennel au centre duquel il y eut le sermon de l'évêque Patrick Streiff et l’ordination Bernfried Schnell comme ancien de l’Église.
De gauche à droite: Dominik Schuler, Christian Hagen, Rolf Wüthrich et Bernfried Schnell
Le thème de la Conférence annuelle « Le soleil se lève à l’Est» a été repris dans les chants entonnés par le choeur de la communauté coréenne de l’EEM de Saint-Gall. La coexistence de différentes cultures et langues a été particulièrement sensible dans le chœur mixte de la communauté germanophone et de la communauté coréenne de Saint-Gall: en allemand et en coréen, il a chanté le chant „Du grosser Gott“ et a ainsi montré que les langues et les cultures peuvent être différentes mais que l'Église est unie quand ses membres louent Dieu.
Dans son sermon, l'évêque Patrick Streiff s’est greffé sur le récit de la lutte de Jacob avec Dieu à Jabbok. Et il s'est rendu compte à quel point cette histoire ancienne résume la situation contemporaine: divisions des petites familles, tromperies, départ pour des lieux incertains, souci grave pour conserver la richesse acquise, un passé problématique qui nous rattrape. Des gens se souviennent actuellement des vieilles promesses de Dieu et et commencent à lutter avec Dieu par une prière fervente. L'évêque a encouragé l’assemblée à mener cette lutte avec Dieu. Cette lutte conduit à l'expérience personnelle, d’être bénis de Dieu et d’avoir le courage d’aller de l’avant dans l’inconnu. Cette expérience correspond au lever du soleil dans l'histoire de Jacob. "Mais", avertit l’évêque sur la base de ce récit de Jacob, « en tant qu'individus et en tant qu’Église, nous recevrons quelque part aussi un coup à la hanche qui nous fera boiter pour nous rendre humblement courageux ».
En évoquant un poème du fondateur de l’Église méthodiste Charles Wesley, il a montré que Dieu n'avait pas dévoilé son nom à Jacob. En Jésus Christ, il a cependant été reconnu comme "Amour". La lutte de l'homme avec Dieu conduit à la réalisation que Dieu l’aime, en dépit de son origine douteuse. L'expérience de cet amour ressemble au lever du soleil après une sombre nuit.
L’envoi en mission de Dominik Schuler comme nouveau pasteur local à Sevelen a été le second point fort du culte. Christian Hagen, Rolf Wüthrich et Daniel Morata (absents) ont été admis comme membres en probation et ont reçu une affectation auprès des communautés de Herisau, Männedorf et Montélimar. Après le solo de la soprano Sori Pfeifer "Je sais que mon Rédempteur est vivant" du Messie de GF Handel, il y a eu l’ordination de Bernfried Schnell comme ancien de l'Église. Il a été trois ans pasteur de l'EEM à Bregenz et a accepté d’être ancien de plein droit de l’Église. La liste des affectations pastorales a été rendue publique comme d'habitude, puis les surintendants ont prononcé une prière de bénédiction chacun à son tour
Avec la bénédiction et un autre chant de la chorale de l'EEM St. Gallen s’est terminé le culte solennel et la place était faite aux rencontres fraternelles.
Au programme de l'après-midi diverses animations, des ateliers de création pour toutes les générations.
Peu avant 16.00 heures, l’évêque Patrick Streiff a terminé la Conférence annuelle de 2014 à Frauenfeld, avec la bénédiction de Dieu. L’encadrement musical de l'après-midi a été assuré par les jeunes de Uzwil d'une façon impressionnante et agréable: Simone Mahler, Mahler et Matthias Philipp Hugentobler.
CA 2014 - CULTE D’ORDINATION – DIMANCHE 22 JUIN
Lectures bibliques: Luc18,1-8; II. Cor. 12,6-10
Prédication: Genèse 32,23-32aChers membres de la Conférence
Voilà que le soleil s‘est levé sur un homme. On n’aperçoit d’abord qu’une chose, c’est qu’il boite. En y regardant de plus près, on voit seulement que cet homme est mal en point. Ce n’est que plus tard, lors des rencontres avec d’autres personnes, que l’on s’aperçoit que cet homme marqué par la vie est devenu plus assuré, plus courageux. Au cours d’une lutte, un homme a rencontré Dieu et c’est béni et transformé qu’il aborde un jour nouveau. Quel lever de soleil!
Pour comprendre ce qui s’est passé, il nous faut d’abord revoir l’histoire de Jacob. Puis nous reviendrons encore une fois sur cet élément central de la lutte avec Dieu et les humains. Finalement, nous considérerons la signification de cette histoire pour l’expérience de la rédemption aujourd’hui.
1) L’histoire de Jacob
La plupart d’entre nous connaissent sans doute bien l’histoire de Jacob. Personnellement, je trouve que cette archi-vieille histoire est très parlante pour notre époque. Jacob grandit dans une famille nucléaire typique avec deux enfants. Ce sont des jumeaux, mais ils sont très différents l’un de l’autre. Les parents ne s’entendent pas et ont chacun leur préféré. Ca ne peut que mal finir. Sous la pression de la mère, Jacob, le chouchou de sa maman, capte trompeusement la bénédiction du père. Le conflit s'envenime et pour éviter qu’il y ait finalement mort d’homme, Jacob doit fuir. Tandis qu’il est en chemin, le soleil se couche. Mais en même temps, Dieu lui fait voir en songe une échelle céleste et lui promet le retour et une riche bénédiction. Après quoi il passe vingt ans à l’étranger où plusieurs fois, il est lui-même trompé, jusqu’à ce qu’enfin il peut quitter son oncle en paix avec toutes ses possessions pour retourner dans sa patrie et y retrouver son frère jumeau Esaü.
De nos jours, les familles nucléaires déchirées, comme celle dont vient Jacob, sont modernes. De plus en plus fréquemment, les hommes et les femmes d’aujourd’hui ont des enfants de partenaires différents ; simplement, ils ne sont pas polygames, mais les partenaires se succèdent dans le temps. Il peut en résulter des drames de la jalousie, comme à l’époque. La volonté de s’attribuer indûment des avantages par des moyens pas vraiment honnêtes et au-dessus de tout soupçon est également bien présente aujourd’hui. L’enrichissement personnel aux dépens des autres existe toujours. Au cours de leur existence, la plupart de nos concitoyens deviennent plus riches et en même temps plus anxieux. Ils perçoivent des Rom d’Europe centrale ou des réfugiés africains comme une menace pour leur richesse. Ne sommes-nous pas souvent rattrapés par des peurs et des soucis remontant de notre propre passé, comme dans le cas de Jacob ? C’est donc une histoire à la fois archi-vieille et très actuelle. Retournons encore une fois à cette vieille histoire de Jacob qui se prépare à rencontrer son frère jumeau Esaü.
Il craint cette rencontre. Le temps ne guérit pas les blessures. Le passé rattrape Jacob ; c’est comme si les 20 dernières années n’avaient pas eu lieu. Malin comme il l’est, il répartit ses biens en deux camps, de manière qu’en cas d’attaque armée, il n’en perde que la moitié. Mais il apprend que son frère jumeau vient à sa rencontre avec 400 hommes. Il panique et crie à Dieu : Lire Genèse 32, 10-13 !
Jacob connait les promesses qu‘il a reçues de Dieu. Mais il a peur d’Esaü et donc peur d’être rattrapé par ses fautes passées. Il fait nuit. Jacob prie Dieu de le délivrer. Dans le même temps, il monte un plan de réconciliation: par petits paquets, il envoie tous ses biens en avant et fait constamment savoir que ce sont des cadeaux pour Esaü. Il craint la colère de son frère et espère ainsi l’apaiser.
C’est vrai encore de nos jours : notre passé peut nous rattraper, même des décennies plus tard, comme individus ou comme collectivités, clans familiaux, entreprises ou états. Il en va de même lorsque dans ces cas-là, nous développons des stratégies de limitation des dégâts. Aujourd’hui encore, on engage ses biens et son statut dans l’espoir de pouvoir ainsi maîtriser la situation. Et c’est souvent, mais pas toujours, quand le cas est désespéré que les gens commencent à se souvenir des promesses de Dieu. Ils commencent à prier que Dieu veuille les sauver. Dans notre monde occidental fortement sécularisé, la prière est encore la forme de pratique religieuse la plus fréquemment exercée. Comme dans la vieille histoire de Jacob, on espère encore de bonnes choses de la part de Dieu. Les gens n’ont pas tellement peur de Dieu, comme c’était le cas de Luther. Pour autant qu’on s’adresse à lui et qu’on en attende quelque chose, on demandera plutôt à Dieu de nous faire du bien. Dans ce monde, c’est des autres et de l’avenir qu’on a peur. Avec un coup de prière urgent à Dieu, on essaie de se débarrasser de sa peur pendant qu’on bricole une stratégie de survie.
Quand nous approfondissons l’histoire de Jacob, nous réalisons combien cette archi-vieille histoire est actuelle. Elle illustre notre lutte avec Dieu et les hommes.
2) Lutter avec Dieu
Nous arrivons ainsi à la partie de l’histoire que j’ai lue tout à l’heure. Il fait nuit. Jacob prend ce qu’il a de plus cher et de plus précieux, ainsi que les membres de sa famille la plus proche qui sont encore près de lui et leur fait traverser le cours d’eau. Il est maintenant seul à rester en arrière ; il est le dernier. Seul avec lui-même. Seul avec sa peur de ce qui va arriver. Pendant cette interminable nuit solitaire, un inconnu lutte avec lui jusqu’à l’aube. Aucun vainqueur n’émerge de cette lutte. L’inconnu ne peut pas non plus vaincre Jacob. Mais il le frappe à la hanche pour l’affaiblir et le mettre hors de combat. Mais comme l’issue du combat n’est pas encore déterminée, l’inconnu prend la parole et exige: « Lâche-moi ». Un dialogue s’instaure alors au milieu de la lutte. Jacob dit: « Je ne te laisserai pas que tu ne m’aies béni. » Encore une fois et plus que jamais, Jacob veut être béni. Tout tourne autour de la bénédiction. L’inconnu demande son nom à Jacob. Jacob le prononce et ne peut dès lors plus cacher que toute son histoire est liée à son nom, qui signifie "tricheur". Mais l’inconnu lui donne un nouveau nom, Israël et lui donne ainsi une nouvelle existence : « Car tu as lutté avec Dieu et les hommes et tu l’as emporté.» Jacob veut alors connaître le nom de l’inconnu, mais celui–ci répond simplement: „Et pourquoi me demandes-tu mon nom ? » et bénit Jacob. Jacob commence alors à entrevoir qu’il a lutté avec Dieu et qu’il s’en est tiré avec la vie sauve. Le soleil de lève au-dessus de lui. Il est certes marqué par le combat et il boite. Mais désormais, il avance courageusement pour être le premier à rencontrer son frère Esaü.
Nous pouvons et devons lutter avec Dieu. Et nous pouvons et devons encourager d’autres personnes à lutter avec Dieu. Dans la première lecture biblique, tirée de l’Evangile de Luc, la veuve importune est louée parce qu’elle n’a de cesse jusqu’à ce que le juge inique lui fasse justice. Dieu va certainement faire justice à ceux qui font appel à lui. Pour autant qu’ils attendent réellement quelque chose de Dieu, les gens attendent qu’il leur fasse des promesses et du bien. Mais seule la lutte avec Dieu mène à l’expérience personnelle d’être béni et d’avancer courageusement vers un avenir inconnu. Une telle lutte est toujours liée à la solitude et à une nuit sombre. Cela nous fait peur. Nous esquivons. Notre société moderne transforme les nuits en journées prolongées pour éviter ce qu’il y a d’opprimant dans la nuit. Elle offre de nouvelles possibilités d’être constamment en contact avec d’autres personnes, échappant ainsi à la solitude et au fait d’être renvoyé à soi-même. Elle empêche de parvenir à la lutte et à une rencontre personnelle avec Dieu.
Depuis quatre ans, notre Conférence annuelle est en route vers le but qui est d’amener des femmes et des hommes à devenir disciples de Jésus-Christ. De plus en plus d’églises locales s’orientent consciemment dans ce sens. Nombre d’entre elles sont encore dans la phase d’auto-analyse critique ; d’autres en sont déjà à la mise en œuvre dans leur vie personnelle et celle de l’église. Dans le cadre du projet sotériologie, un petit noyau de personnes de notre Eglise lutte avec lui-même, avec ses expériences et avec Dieu pour découvrir comment nous pouvons atteindre de nouvelles personnes avec l’évangile et les amener à devenir disciples de Jésus-Christ. Et j’encourage ceux parmi vous qui êtes aujourd’hui consacrés à un ministère pastoral, respectivement qui êtes admis comme anciens dans l’Eglise, à accompagner dans la relation d’aide des personnes dans leur lutte. Le but d’amener des femmes et des hommes à devenir disciples de Jésus-Christ va immanquablement amener à une lutte avec Dieu, interne ou externe. Une telle lutte a lieu dans la perspective de la promesse d’une rencontre avec Dieu authentique, libératrice et rendant capable d‘aimer. Pour ma part, je vois déjà la lumière de l’aube pointer à l’horizon. Mais : en tant qu’individu comme en tant qu’église, nous allons aussi encaisser quelque part un coup sur la hanche et boiter, afin de devenir humblement courageux.
3) La lutte avec Dieu dans le contexte du Nouveau Testament.
Nous voici donc arrivés à la troisième partie, à ce que cette archi-vieille histoire signifie pour l’expérience de la rencontre avec Dieu, qui nous transforme personnellement et – pour utiliser une image de la Bible – "crée une vie nouvelle". D’une manière pour moi inégalée, Charles Wesley a relié l’histoire de la lutte de Jacob au message néotestamentaire du salut en Jésus Christ. Dans la première strophe de son poème, il souhaite la venue de l’inconnu. Il cherche à le saisir, mais ne peut le voir. Il veut passer la nuit seul avec lui pour lutter avec lui. Dans la deuxième strophe, il lui dit que lui, l’inconnu, sait déjà quel pécheur il est, mais qu’il veut maintenant lui demander à lui, l’inconnu, quel est son nom : « Dis-moi ton nom et dis-le moi maintenant. » Dans les troisième et quatrième strophes, il affirme qu’il ne lâchera jamais l’inconnu et demande: « Es-tu l’homme qui est mort pour moi ? Révèle le secret de ton amour !» Une fois encore, il assure qu’il ne lâchera jamais l’inconnu tant qu’il n’aura pas révélé son nom et sa nature. Dans les cinquième et sixième strophes, il admet avoir reçu un coup qui l’a affaibli, mais qu’avec l’aide de Jésus-Christ, le Dieu-homme, il vaincra. Comme Paul, il peut dire "lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort." Nous avons entendu le texte correspondant dans la deuxième lecture. Dans le poème de Charles Wesley, cette sixième strophe culmine dans la prière que l’Autre puisse parler à son cœur, le bénir et lui dire si son nom est AMOUR. Dans la septième strophe, il s’écrie: «C’est l’amour ! C’est l’amour ! Tu es mort pour moi. / J’entends ton murmure dans mon cœur. / L’aube pointe, les ombres s’enfuient, / Tu es l’amour pur et complet. / Pour moi, pour tous, tu es ému au plus profond de ton être / Ta nature et ton nom sont AMOUR. » Toutes les strophes suivantes chantent Jésus-Christ comme Seigneur et Sauveur et se terminent toujours par le même refrain " Ta nature et ton nom sont AMOUR."
Pour moi, ce poème de Charles Wesley exprime de manière inégalée la façon dont un être humain lutte avec Dieu. C’est une lutte pour faire l’expérience de Dieu en Jésus-Christ; une lutte pour recevoir personnellement dans son cœur l’assurance de l’amour de Dieu. Sans une telle lutte avec Jésus-Christ, la confiance en lui comme Seigneur et Sauveur ne peut naître. Si nous voulons amener plus de femmes et d’hommes à devenir disciples de Jésus-Christ, cela n’ira pas sans payer le prix d’une telle lutte. L’archi-vieille histoire de Jacob peut nous aider à réaliser qu’il n’y a pas besoin d’amener les gens à craindre Dieu pour être ensuite sauvés. Il suffit qu’au cours de leur vie ils soient rattrapés par leur propres échecs et fautes et qu’ils considèrent l’avenir avec angoisse. Nous pouvons les accompagner pour que leurs coups de prières urgentes à Dieu pour être sauvés les mènent à une lutte avec Dieu et que dans cette lutte, ils s’accrochent à Jésus jusqu’à ce qu’ils fassent l’expérience de la bénédiction : « Je ne te laisserai pas que tu ne m’aies béni. » Cette expérience de la bénédiction les rendra plus humbles pour suivre Jésus-Christ et en même temps plus courageux dans le monde. Le soleil de Pâques s’est levé au-dessus d’eux.
CULTE D'ORDINATION - PRÉDICATION DE L'ÉVÊQUE PATRICK STREIFF (Gn 32,23-32) (fichier pdf 92 ko)