Conférence Centrale
de l'Europe du Centre et du Sud
Winterthur (Suisse) du 13 au 17 mars 2013
Culte d’ouverture Conférence Centrale de l’Europe du Centre et du Sud 2013, Winterthur
Lectures du jour :
Psaume 107,23-32+43 ; Matthieu 8,18-23
Prédication : Matthieu 8,23-27
Chers frères et sœurs,
C’est le soir après une longue journée. Pour certains d’entre vous, ce fut une longue journée de voyage, d’autres ont derrière eux une longue journée de réunion, et pour d’autres ce fut une longue journée de travail, la fin des préparatifs de la Conférence centrale juste avant son démarrage.
Dans le récit biblique de l’Évangile de Matthieu que nous avons suivi dans la lecture de l’Écriture, le soir était déjà tombé après une longue journée bien remplie. Matthieu signale précédemment que Jésus avait guéri des malades et que les gens se pressaient toujours davantage près de lui. Dans ces conditions, Jésus veut se rendre avec ses disciples de l’autre côté du lac.
Mais — comme nous l’avons entendu dans la lecture de l’Écriture — un scribe intervient entre-temps qui veut suivre Jésus. Peut-être vient-il d’entendre tout le Sermon sur la Montagne et veut-il pour cette raison suivre le Rabbi Jésus.
Jésus lui fait remarquer qu’il n’a pas de résidence fixe. Le suivre signifie accepter de se mettre en chemin vers l’inconnu. Puis vient un autre qui est même mentionné par Matthieu comme étant un disciple. Il demande à pouvoir encore enterrer son père. Ce disciple semble être prêt à suivre Jésus vers l’inconnu, mais aimerait auparavant quand même remplir un dernier engagement vis-à-vis de sa famille et honorer son père défunt. Mais Jésus l’appelle à le suivre. Tout de suite. Sans retard.
Appeler les gens à suivre Jésus-Christ, comme nous l’avons écrit sur la banderole de l’Église méthodiste unie est une chose radicale. Ce n’est pas un ajout intéressant, qui rendrait la vie un peu plus belle.
Ce n’est pas la promesse d’être ensuite guéri et béni matériellement, comme le proclament de nombreuses églises à forte croissance. L’appel à suivre Jésus-Christ conduit vers l’inconnu. Personne ne peut dire à l’avance où ce Jésus va nous conduire — même si nous, les humains, nous aspirons à savoir ce qui se passera demain ou le jour suivant, par des moyens impies comme l’horoscope et les diseurs de bonne aventure ou sur fond chrétien avec le dit « don de prophétie ».
Bien que nous préférions que les choses se passent différemment, l’Évangile nous rappelle que l’appel à suivre Jésus-Christ conduit vers l’inconnu. Par conséquent, c’est un acte de confiance. Par conséquent, c’est un appel à la repentance et la foi : faire radicalement confiance en Jésus quel que soit le lieu où il veut nous emmener.
Et Jésus monta dans la barque, « et ses disciples le suivirent. » (8.23) L’étape dans le bateau est un symbole de cette étape de la confiance. Le sol se dérobe sous les pieds des disciples. Ils ne peuvent pas marcher sur l’eau, oui. Ils couleraient immédiatement.
Ils montent avec Jésus dans la barque pour aller avec lui de l’autre côté. Au fil de l’exégèse, le bateau est devenu le symbole de l’Église et la traversée celui du voyage de la vie des êtres humains. Le grand objectif est connu, à savoir passer de l’autre côté comme un symbole de l’entrée dans l’éternité de Dieu.
Mais pour ce voyage-là, les disciples doivent quitter le sol ferme et suivre avec confiance le chemin que Jésus a emprunté le premier. Que va-t-il se passer avec le bateau, l’Église, lors de la traversée ?
Lire Matthieu 8,23-27
Pendant la traversée, le bateau, l’Église, essuie une grosse tempête et les vagues déferlent sur elle. Le mot de tempête dans Matthieu est le même que celui qui désigne un tremblement de terre (seismos !). C’est encore une fois un symbole que les disciples n’ont plus de sol ferme sous leurs pieds. Jésus dort. Le contraste ne pouvait pas être plus radical.
Nous nous imaginons tous comment les disciples ont tenté de ramer, d’écoper l’eau du bateau ou de venir à bout des voiles. C’est généralement notre première réaction face à une menace majeure : agir de façon à maîtriser tout à nouveau la situation.
C’est ainsi que nous réagissons également dans l’Église : on rame toujours et encore, on positionne les voiles différemment, on écope l’eau du bateau ! Nous autres Méthodistes, nous avons en effet toujours été actifs, et pas seulement les pasteurs, mais aussi les laïcs.
Alors l’important est d’être hyperactif et d’avoir le contrôle de la situation ! Il y a tant de bonnes choses que nous pourrions mettre en œuvre en tant qu’Église dans les tempêtes actuelles : des structures plus transparentes ! De meilleure qualité ! Plus de formation continue ! Une communication plus moderne, alors ça, nous savons assurément le faire !
Parce que nous ne sommes pas tous convaincus que les "rivets" maintiendront le bateau à flot. — Par ailleurs, quelques-uns, même chez les Méthodistes, sont déjà épuisés et sentent toute nouvelle demande comme une demande excessive, comme la demande de trop : « Assez, c’est assez, je n’en peux plus » — En attendant, la tempête continue de faire rage.
Elle a de nombreux visages : « Nous sommes de moins en moins nombreux », « notre pays est ruiné et personne ne trouve du travail », « la violence et l’égoïsme sont endémiques », « personne n’est disposé à accepter un service », « chacun regarde juste ce qu’on lui ramène ». La tempête a de nombreux visages.
« Jésus est endormi ». — C’est là le problème. Si au moins il nous aidait à ramer ou à écoper l’eau. Mais il dort. Passif. Comme s’il n’était pas là. Comme s’il ne s’inquiétait guère que nous et notre Église s’apprêtent à couler. Nous ne supportons pas ce contraste : la tempête fait rage et Jésus continue de dormir.
Nous pensons probablement tous que les disciples tentent d’abord de prendre le contrôle de la situation en passant à l’action. Cette idée est profondément gravée dans notre culture du faire. Fait intéressant, rien dans l’Évangile de Matthieu ne laisse entendre que les disciples ont essayé cela.
Les textes parallèles de Marc et Luc ne laissent pas entendre non plus que les disciples avaient activement lutté contre la tempête. Tous les trois Évangiles rapportent seulement que les disciples réveillent Jésus et crient effarés : « Seigneur, sauve-nous, nous coulons ! » (V.25)
Dans le récit biblique, les disciples ont depuis longtemps abandonné l’espoir qu’ils pourraient reprendre les choses en main. Leur situation était à ce point désespérée qu’avec les forces qui leur restent ils appellent Jésus à l’aide.
Quoi qu’il en soit, ils ont remarqué que Jésus est avec eux dans la barque. Que Jésus soit dans la barque, cela nous ramène directement à l’Église. Parce que, de nos jours, on rencontre parmi les jeunes des jeunes qui ne parlent que de façon générale de la présence de Dieu, et d’autres qui quittent leur propre embarcation, en font le deuil, parce qu’ils ne voient Jésus plus qu’en d’autres lieux.
Ah que c’est bon de découvrir Jésus en train de dormir dans son propre bateau et pas simplement de regarder les vagues retomber sur le bateau, que c’est bon de voir Jésus dormir, également dans mon église locale méthodiste ; que c’est bon de découvrir Jésus en train de dormir au sein de ma Conférence annuelle, de voir Jésus sommeiller au sein de l’Église méthodiste unie mondiale, qui se retrouve exposée à la tempête tout comme de nombreuses autres barques ecclésiales. Il est avec nous dans le bateau !
Les disciples crient tout effrayés : « Seigneur, sauve-nous, nous sommes en train de couler ». Toujours couché au fond du bateau Jésus répond : « Pourquoi avez-vous peur, gens de peu de foi ? » Il a touché le point sensible : Oui, en tant que chrétiens, nous sommes également vite remplis de crainte, peu importe que nous nous cachions notre peur sous une multitude d’activités comme si elles nous amenaient la délivrance, ou que nous ayons déjà renoncé à tout espoir, parce que, de toute façon, il n’y a plus rien à sauver.
Nous avons peu de foi. Nous avons peut-être suivi Jésus dans la barque avec foi et peut-être même avec une ardente conviction — mais au milieu de la tempête on a pris conscience, même un évêque peut faire ce constat, qu’on ne pouvait pas demander davantage de foi de soi ou des autres. Et même pour le plus grand héros de la foi, quand trop, c’est trop : "J’ai une belle religion d’été ».
Je suis bien placé pour en parler, oui, je le crois, tant qu’aucun danger ne se présente… Mais dans une tempête, je pense que, « si l’Évangile n’est pas vrai, je suis le plus grand imbécile de tous », a déclaré John Wesley dans son journal.
Et même après avoir fait une expérience personnelle profonde de l’Esprit et que l’amour de Dieu a été répandu dans son cœur, il a connu à plusieurs reprises des moments de tentation et d’incrédulité dans sa vie. Jésus touche le point sensible : à un certain moment de notre parcours de disciples, nous sommes tous de sacrés gens de peu de foi (nains de l’adhésion, Chouraqui) !
« Alors Jésus se leva, parla sévèrement au vent et à l’eau du lac, et il se fit un grand calme. Tous étaient remplis d’étonnement et disaient : « Quel genre d’homme est-ce pour que même le vent et les flots lui obéissent ? » Une tempête peut prendre divers visages dans la vie de l’Église, tout autant son apaisement : l’expérience personnelle de l’amour de Dieu dans nos cœurs ; des gens devenant des pierres vivantes dans l’édification de l’église, au lieu de jeter des pierres sur les autres, la réconciliation qui fait plus de remous que la haine et les conflits.
Là où les tempêtes sont stoppées et apaisées, c’est là le ministère de Jésus-Christ. Jésus calme la tempête, et pas les disciples, ni un particulier ni un collectif, et ce n’était pas non plus leur foi, leur espérance et leur amour. Ces derniers peuvent être porteurs du ministère de Jésus dans le meilleur des cas.
Et là où des gens font l’expérience que Jésus apaise les tempêtes internes et externes, cela conduit les disciples eux-mêmes, mais aussi les gens tout autour à s’étonner sur l’identité de Jésus : qui donc est ce Jésus ? Cet étonnement est un début prometteur, quand de leur côté des gens osent franchir le pas de la foi pour suivre Jésus et entrer dans le bateau.
Personne n’aime les tempêtes, et moi non plus. Je ne me souhaite pas des tempêtes, je ne m’en souhaite pas pour cette session, ni pour l’Église Méthodiste Unie en Europe du Centre et du Sud ni non plus pour la population dans les pays où nous travaillons.
Mais quand se lève la tempête et que s’élèvent les vagues, on a aussi la chance de découvrir Jésus en train de dormir parmi nous. Il peut calmer la pire des tempêtes et faire en sorte que notre parcours de disciples nous fasse accoster à la rive du nouveau monde de Dieu. Actuellement caché, Il est présent, Jésus en train de dormir. Invisible, Il est parmi nous, surtout quand Il nous invite aussi comme ses hôtes à sa table. Amen.
Patrick Streiff
Traduction jp.w
Prédication de l’évêque Patrick Streiff (fichier pdf 190 ko)