LA DIGNITÉ À L’ORDRE DU JOUR

Conférence annuelle de l’EEM Suisse-France-Afrique du Nord a eu lieu du 6 au 9 juin à Berne

La dignité a besoin de résonnance

Les sons font du bien, quand ils sont harmonieux. Quand ils sont dissonants, ils causent du tort. Par le jeu de la guerre, la valeur de l’homme est amoindrie et l’être humain humilié.

Les disciples de Jésus ont pour mission de faire résonner les divers accents des êtres humains.

Faire de nouveau entendre et résonner les accents humains dans toute leur diversité réclame du temps et de la confiance. C’était le cas de Zachée : plus personne ne lui prêtait de la valeur. Lui-même avait eu raison de la valeur des autres.

Jésus entend faire résonner les sons délicats de sa dignité et petit à petit Zachée prend en compte les accents de sa propre dignité et reporte l’accent et l’action sur les autres : je dédommagerai 4X plus ceux que j’ai lésés...

Ainsi ma dignité se renforce-t-elle dès lors que celle des autres est prise en compte. S’accepter en acceptant les autres. Entendre ses accents comme l’accent des autres au nom du Seigneur et nous ferons l’expérience d’une communion plus forte.

Notes de méditation matinale

Sur le thème même de la Conférence « La dignité c’est... », les membres et amis de l’EEM ont pu visiter l’exposition préparée à ce sujet par l’EEM de Berne et suivre le samedi matin, une conférence. Notion abstraite pour beaucoup, la dignité prendra un cachet très concret au fil des interventions.

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Premier intervenant de la matinée, le professeur Stephan Marks, expert en sciences sociales de Fribourg en B.. Grâce à ses exemples tirés de situations quotidiennes, Marks est parvenu à ce que le public présent s’identifie à ce thème abstrait.

D’un point de vue psychologique se pointe la honte en opposition à la dignité. Pour découvrir la face positive de la dignité, il suffit de voir en face la honte là où elle se niche. Le professeur Marks qualifie la honte comme le surplus d’eau qui coule d’un verre trop rempli... La société veille à effacer la trace de ceux dont on a honte (parias, tziganes, les Dalits en Inde) en les marginalisant. Ces gens incarnent la honte et par conséquent on les marginalise.

Tout est une histoire de regard: le regard porté sur une personne conditionne dignité ou honte, selon le cas. Tous les hommes éprouvent tôt ou tard la honte, la Bible renferme divers récits liés à la honte.

La honte s’exprime au-delà des mots, par l’expression corporelle. Elle brise la relation, c’est sûr. Tant qu’on éprouve de la honte, on reste dans le réflexe du narcissisme et la honte isole.

Il n’est pas question de se défaire de la honte. Elle est source de tout «progrès moral». Elle surgit dès lors que l’on a fait un mauvais choix, une erreur. Le degré de honte varie d’un individu à l’autre ; certains peuvent en souffrir radicalement tandis que d’autres s’en accomodent aisément.

Il est de notre responsabilité que la honte ne submerge personne, en même temps qu’il faut veiller à ne pas l’étouffer, car elle conditionne l’expérience de la dignité. «La honte est le gardien de la dignité humaine». La honte est quelque chose d'universel, disait Stephen Marks qui mène des recherches sur ce sujet depuis des années. Il a rappelé que la honte jouait déjà un rôle important dans les récits de la création (Gn 1-3).

La honte fait passer de l’intelligence à la bêtise : on perd petit à petit ses capacités sensorielles et cognitives.

Autre phénomène possible, la projection : quand on éprouve un sentiment de honte, on transfert sur quelqu’un d’autre ce sentiment de honte.

Souvent l’expérience de la honte peut s’évacuer dans la violence (cf sport) : des hommes plongés dans la honte usent de violence sans aucune raison apparente. La violence est souvent un aveu de faiblesse.
Derrière une attitude cool peut se cacher un sentiment d’indignité par réflexe prophylactique, de manière à se libérer d’un sentiment de honte et d’un complexe d’infériorité.

Pic d’orgueil

Quand on est humilié, on cherche à s’en sortir sur le mode de la compensation : ainsi des militaires américains humiliés par l’échec et le drame de la guerre compensent leur sentiment de honte par l’achat de fortes cylindrées.

Certains commettent des meurtres pour sauver leur couple en danger. Même après avoir purgé une peine, lesdits meurtriers risquent de récidiver, parce qu’ils conservent une forte dose de honte.

Un alcoolique boit parce qu’il éprouve de la honte/mépris/marginalisation comme c’est parce qu’il est dans la honte qu’il boit.

Des femmes n'osent pas danser en public, parce qu'elles ont été humiliées au cours de séances d'éducation physique. La honte serait "transmise" en partie d’une génération à l’autre, dans le sens que des minorités courent le risque d’être marginalisées à la périphérie des villes et villages.

Selon Stephan Marks, la honte destructrice peut se déclencher de quatre manières:

  • Par l’absence de respect des personnes,
  • Par des atteintes aux personnalités, 
  • Par un comportement perturbant
  • Par un transfert de culpabilité, par exemple, dans des situations de guerre.
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Débat de gauche à droite : l’orateur Stephan Marks, les pasteurs EEM Simon Zürcher, Brigitte Moser  et Stefan Moll.

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Katharina Jenzer et Ursula Brunner

„Espaces où la honte a lieu d’être“

Les Églises pourraient offrir des espaces contre la honte, a souligné à plusieurs reprises Stephan Marks. C’est ainsi que, pour beaucoup de gens, le manque de reconnaissance constitue une plaie que l’accompagnement pastoral pourrait aider à guérir. Dans les églises, les gens sont censés avoir le sentiment d’appartenance plutôt que le sentiment d'exclusion, ils peuvent exprimer des sentiments très délicats et afficher leurs faiblesses.

Discussions en groupe

‘Appartenance’

Si je regarde notre église du point de vue du sujet «Appartenance» = 

  • De quelles situations est-ce que je me rappelle ?
  • Où sont nos points forts ? Qu’est-ce que nous devrions conserver, renforcer ?
  • Où sont nos déficits ? Que devrions-nous changer ?
  • L’appartenance spirituelle et ecclésiale doit dépasser, surmonter les appartenances ethniques, linguistiques et générationnelles.
  • Nous n’appartenons pas à l’église, parce que notre famille appartient à l’église. L’église ne nous appartient pas, c’est nous qui appartenons à Jésus-Christ. Cela demande de l’humilité et de l’ouverture à l’autre.
  • L’enseignement biblique doit être au coeur de l’église et déteindre sur nos vies. Une certaine appartenance est nocive lorsqu’elle bloque la vie spirituelle au lieu de la favoriser, dans une recherche de pouvoir au lieu «du pouvoir du service» (Pape François).
  • Repérer rapidement, valoriser les dons de chacun pour le service commun.
  • Favoriser les petits groupes : groupes de maison, de quartier pour que l’on apprenne à mieux se connaître, à intégrer les nouveaux, sans que cela devienne un club, tout en conservant la ferveur missionnaire.
  • Déplacer l’église de la zone loisir, secondaire à la zone prioritaire.

Le thème de la conférence fut repris encore plus concrètement dans les discussions de groupe, où l’on a échangé sur les forces et les faiblesses de l'EEM. Dans le débat suivant animé par le pasteur Stefan Moll de Zofingen, les participants ont cité, exemples à l’appui, certaines faiblesses qui affleurent de nos communautés locales. 


La circulation de l'information dans une paroisse est quelque chose de très sensible, a déclaré la pasteure Brigitte Moser de Klingenberg. Des gens qui sont aux marges de l’église sont moins bien informés que ceux qui appartiennent au "clan". «Les institutions et les structures sont souvent mieux protégées que les personnes», a admis Catherine Jenzer, déléguée de Berne.

Comment faire face à la honte ? Ursula Brunner, déléguée de Hombrechtikon et membre de la commission «Eglise et Société» partage son expérience: après avoir suivi un cours sur l'humour, elle a fait partie d'un groupe, où l’on se racontait régulièrement des histoires «honteuses». «Ainsi avons-nous pu relativiser ces histoires embarrassantes et en rire».

Le péché comme déclencheur de honte

«Pouvons-nous parler du péché ?» Question posée par Stefan Moll aux deux pasteurs présents sur la scène. «Nous devons encore en parler», a déclaré Simon Zürcher. Le péché fait partie de la vie. La question était donc la suivante: «Que dois-je en faire ? Qu’en fait Dieu ?» Le message devrait être: le changement est possible. Selon Brigitte Moser, les gens savent pertinemment qu'ils sont des pécheurs. Mais ils veulent être soutenus, savoir et pouvoir faire face à cette réalité. On a besoin à cet égard d’une approche orientée vers des solutions et vers le salut.

«La dignité était pour moi jusqu'alors une formule enflée, une parole creuse, un vain mot. Maintenant, je commence maintenant à en saisir le sens», sur ces mots, le pasteur Simon Zürcher conclut le débat mené dans la matinée sur la «dignité».