Message de l'évêque Patrick Streiff

Conférence Centrale

de l'Europe du Centre et du Sud

Winterthur (Suisse) du 13 au 17 mars 2013

Maintenant donc ces trois-là demeurent,

la foi, l’espérance et l’amour,

mais l’amour est le plus grand.

Évêque Dr Patrick Streiff

Table des matières

  • En introduction                 
  • Les pas à trois temps de l’Amour         
  • Construire des communautés        
  • Former des cadres        
  • Objections et dissonances            
  • Façonner notre avenir ensemble       

En introduction

La foi, l’espérance, l’amour, ... ces trois-là, voilà le thème de la Conférence centrale de 2013. Les méditations bibliques du matin intégreront chaque fois l’un de ces trois concepts bibliques centraux. La foi, l’espérance et l’amour jouent également un rôle important dans le petit ouvrage de John Wesley « Les signes distinctifs d’un méthodiste » que les délégués ont reçu, en allemand ou en anglais, avec l’invitation à la Conférence. Dans mon message épiscopal, je vais prendre en compte les affirmations fondamentales de cet ouvrage, avec la question conséquente au sujet de ce qui est aujourd’hui de la première et de la plus haute importance.

Dans mon message épiscopal, je vais également donner un aperçu éclairant de la situation de la Conférence centrale et évoquer les aspects essentiels du travail présent et futur. Tout d’abord, je voudrais mentionner nominativement quatre personnes qui apportent à mon service d’évêque plus de contribution et d’encouragement qu’ils n’en sont sans doute conscients, ce dont je voudrais témoigner dans ce cadre. En premier lieu, je nomme avec grande reconnaissance, mon épouse Heidi. Même si elle se tient souvent à l’arrière-plan, elle renforce en moi l’équilibre et le dynamisme. Les trois autres personnes qui méritent un remerciement particulier ont fait partie, dans les années passées, de notre petite équipe du bureau épiscopal :

Urs Schweizer, assistant expérimenté depuis de longues années et, avec lui, les responsables pour les finances et l’administration : Dorothée Keller jusqu’en 2010 avec, par la suite, un court mais intensif temps de retour à son poste, et ensuite Thomas Rodemeyer. À vous tous, un cordial Merci !

Les pas à trois temps1 de l’Amour

L’amour de Dieu est la force centrale qui a animé les frères Wesley et conduit à la naissance du réveil méthodiste qui déclenche une progression de l’amour en trois pas. Elle commence avec l’expérience de l’amour de Dieu dans le cœur, dans le centre de sa propre personne, et devient une certitude porteuse de vie. Cette expérience incite alors un homme à aimer Dieu de tout son cœur et le rend ensuite capable d’aimer ses prochains comme lui-même. Cette progression de l’amour en trois pas est un signe distinctif et caractéristique du mouvement méthodiste et des méthodistes. John Wesley a décrit ce processus en 1742 dans son ouvrage cité ci-dessus, en utilisant des images musicales : il s’agit d’un triple accord qui invite à danser, en trois temps et trois mouvements, la valse de l’amour.

De nombreux chrétiens, même en dehors de l’EEM, se reconnaîtront dans ces caractéristiques. C’est heureux. C’est ainsi que, par exemple, à l’occasion d’une visite, en février 2011, auprès d’une communauté qui m’était encore inconnue à Cluj, en Roumanie, j’ai reconnu cette caractéristique fondamentalement méthodiste et biblique, ce qui m’a permis d’inviter, sans réserves, cette communauté à devenir membre de notre Eglise. Après quelques mois d’étude d’écrits méthodistes, de prières et de dialogues, le conseil de la communauté a décidé, à l’unanimité, de s’affilier à l’EEM. La Roumanie est ainsi devenue le 16e pays membre de la Conférence centrale de l’Europe du Centre et du Sud.

L’identité est, la plupart du temps, recherchée par le traçage de frontières. Quant à Wesley, il a, comme d’autres Réformateurs, choisi une autre voie : il avait redécouvert le cœur de l’Évangile comme une puissance qui transforme et il voulait donner à cela une place centrale.

Dans son ouvrage « Les signes distinctifs d’un (e) méthodiste », il écarte tout d’abord les malentendus, selon lesquels des doctrines particulières ou des coutumes et usages particuliers seraient ces signes distinctifs. Wesley ne reconnaît même pas aux « Règles Générales » (Ne pas faire le mal, faire le bien, utiliser les moyens de grâce), régulièrement évoquées dans les classes méthodistes, le rôle de caractériser les méthodistes.

1 Ndt : « L’Amour en trois pas » traduit ici, dans ce contexte, l’expression « Dreischritt der Liebe ». Ailleurs, dans la suite du message de l’évêque, l’expression sera rendue par « les trois pas de l’Amour », ou encore « la trilogie de l’amour », « triade », « triple pas ». « Des pas en trois temps » serait le terme le plus proche de l’image employée par l’évêque, c.-à-d. la valse… Toute personne qui a appris à danser la valse sait qu’elle se fait sur une musique avec un rythme à trois temps. Par une succession de trois pas s’enchaînant en une rotation, le danseur et sa partenaire évoluent et progressent ainsi sur la piste de danse.

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« Nous ne partageons pas le point de vue (qui est malheureusement celui de trop de personnes) selon lequel le christianisme se résume à : ne pas causer de dommages, faire du bien, faire usage des moyens de grâce de Dieu. Non, tout cela n’est pas encore suffisant ; nous savons en effet, par expérience, qu’un homme peut pratiquer tout cela pendant des années et rester toujours aussi peu chrétien qu’avant. »

(Les signes distinctifs § 4)

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Il est vrai que le cœur de l’Évangile a une relation avec le genre de vie qui doit être marqué par l’observation des « Règles Générales ». La sainteté recherchée du cœur et de la vie ne peut cependant éclore que de la foi en Christ.

La force qui conduit vers une vie conforme à la volonté de Dieu, provient de la certitude libératrice d’un homme de ce que l’amour de Dieu est répandu dans son cœur. C’est ce qui rend heureux un homme à partir de l’intérieur et qui le remplit d’amour pour Dieu.

Le signe distinctif d’un méthodiste s’articule dans la relation avec Dieu, avec la dimension verticale. Il est cependant significatif que Wesley place la confirmation de l’Évangile devant le premier et plus important commandement, l’amour pour Dieu. La foi en Jésus-Christ contient l’expérience que la promesse de l’Évangile se réalise et que la vie se poursuit sur une nouvelle base. L’amour de Dieu a été répandu dans mon cœur.

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« Un méthodiste est un homme dans le cœur duquel est répandu l’amour de Dieu par l’action du Saint-Esprit qui lui est donné (Ro.5,5) ; un homme qui aime le Seigneur, son Dieu, de tout son cœur, de toute sa pensée et de toutes ses forces. »

(Dt.6,5 ; Mt.22,37)

« Pendant qu’il exprime son amour pour Dieu en priant sans cesse, en étant toujours joyeux et reconnaissant en toute chose (1Th.5,16-18a), le commandement suivant est aussi écrit dans son cœur : Que celui qui aime Dieu aime aussi son frère et sa sœur (1Jn 4,21) Selon ce commandement, il aime son prochain comme soi-même (Mt 22,39), il aime aussi chaque homme comme sa propre âme. »

(Les signes distinctifs § 5+9)

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Aujourd’hui, nous parlerions du feu dans le cœur ou d’un ardent enthousiasme. Wesley, dans sa compréhension d’un domaine émotionnel contrôlé par la raison, a décrit, de façon simplement discrète, sa propre expérience à ce sujet, en s’appuyant sur l’histoire des disciples d’Emmaüs, écrivant « je sentis mon cœur réchauffé de façon singulière » Des paroles et des images ne peuvent de toute façon exprimer que partiellement comment, à partir de l’expérience de l’amour de Dieu, cet amour devient, au plus profond d’un homme, une force capable de transformer la vie.

Wesley définit toujours à nouveau cette articulation, dans des ouvrages ultérieurs et des sermons, comme étant « conforme aux Écritures » Il parle d’un christianisme « conforme aux Écritures », d’une sanctification « conforme aux Écritures » etc. Il désigne ainsi l’expérience évangélique fondamentale d’être accueilli, par grâce et par la foi, dans une relation avec Dieu, heureuse et libérée. L’expérience personnelle d’être aimé par Dieu devient la condition préalable et l’incitation à aimer d’abord Dieu de toutes ses forces et ensuite aussi le prochain comme soi-même. L’assurance de l’amour de Dieu pour nous est le meilleur fondement pour éviter d’être trop exigeants envers nous ou d’autres ou de s’épuiser soi-même. Pour Wesley, le point d’articulation et d’ancrage, c’est la dimension verticale : la relation entre Dieu et l’homme, avec priorité à ce que Dieu intègre, en tant qu’apport préalable, dans cette relation. La foi, l’espérance, l’amour, — ces trois-là imprègnent aussi, pour cette raison, la description des méthodistes.

Les pas à trois temps de l’amour s’accomplissent là où croît, par l’expérience de l’amour de Dieu (premier pas), l’amour pour Dieu (deuxième pas), comme aussi l’amour pour les hommes — pour d’autres hommes, ainsi que pour soi-même (troisième pas). Dans les autres parties de son ouvrage, Wesley décrit, au moyen de nombreuses citations bibliques, quelles sont les conséquences de la transposition du double commandement de l’amour pour Dieu et pour les hommes dans la vie. Cela conduit vers la sanctification du cœur et de la vie, vers la sanctification personnelle et sociale.

À la fin de son ouvrage, Wesley revient vers le fait que ces pas de l’amour ne sont pas autre chose que « les vérités fondamentales et générales du christianisme ». Il ne s’agit pas de doctrines particulières. Cela devrait, au fond, caractériser chaque chrétien et chaque chrétienne, mais être absolument un signe caractérisant des méthodistes. Et cela non seulement par rapport à la foi personnelle, mais aussi par rapport à la vie des communautés. Pour Wesley, la foi chrétienne était toujours une vie en communion avec d’autres chrétiens et pour le bien de toute la société. Alors, dansons ensemble la valse de l’amour !

Construire des communautés

Dans le cadre des quatre points forts que l’EEM s’est donnés pour sa mission universelle, j’aimerais insister sur le point « construire des communautés ».

Car les communautés sont les lieux où apparaît et où se réalise le plus clairement la mission consistant à « conduire des hommes et des femmes à suivre Jésus-Christ, afin de changer le monde ».

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« Nous, peuple de l’EEM, nous nous engageons sur les quatre axes suivants : former des responsables – fonder des églises locales – travailler, aux côtés des pauvres, à réduire la pauvreté – éradiquer les maladies mortelles dues à la pauvreté. »

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C’est dans les communautés, et à travers elles, qu’il sera possible au « triple pas « 2de l’amour de s’épanouir dans la vie. Alors une symphonie de l’amour, marquée par le don de soi, s’étendra et transformera les humains et leur environnement.

Il est étonnant et réjouissant de constater qu’en de nombreux endroits, entre 2008 et 2012, de nouvelles communautés sont nées, ou se sont ajoutées à l’EEM.

Voici un bref aperçu qui nous invite à nous réjouir et à remercier Dieu :

Albanie     Pogradec et Tirana (création – 2008)

Belgique     Bruxelles (intégration d’une communauté de l’EEM congolaise – 2010)

France     Paris (intégration de 2 communautés de l’EEM de Côte d’Ivoire – 2009)

Agde (création – 2010)

Roumanie     Cluj et Miçesti (intégration – 2011)

Suisse     Aarau (intégration d’une communauté arabe – 2008)

Bâle (création d’une communauté hispanophone – 2009)

Berne (création 2009)

Saint-Gall (création d’une communauté coréenne – 2009

Zurich (création d’une communauté brésilienne – 2009)

Slovaquie    Kralovsky Chlmec (création d’une communauté de Roms – 2010)

Tchéquie    Prague (création d’une communauté anglophone – 2011)

Hongrie    Debrecen (création – 2011)

Certaines de ces créations sont encore au stade de faibles plantes, dont nous ne savons pas comment elles vont se développer.

Nous connaissons aussi des situations où des créations de communautés ont dû être abandonnées. Ainsi, par exemple, dans le Diemtigtal en Suisse, à Kosice en Slovaquie, ou encore à Split en Croatie. Dans ce dernier pays, il n’y a, à l’heure actuelle, plus de communauté de l’EEM. Nous désirons inclure d’autant plus fortement les communautés citées plus haut dans notre intercession.

Oser quelque chose de nouveau est bon et nécessaire. Lors d’une rencontre des surintendants de toute l’Europe, nous avons eu, en automne 2011, une vision encourageante, d’une part dans les possibilités et les chances d’une évangélisation et d’un développement spirituel chez les adultes, d’autre part dans l’expérience, en collaboration avec l’Église anglicane, de ce que l’Église méthodiste britannique appelle « fresh expressions «.

En Suisse, un groupe de travail s’emploie de façon intensive à promouvoir de tels nouveaux chemins et à trouver les personnes, particulièrement parmi les laïcs, qui conviendraient à de telles démarches.

C’est en étant à l’écoute et en nous confiant dans l’action de l’Esprit de Dieu que, dans un environnement social marqué par la postmodernité, nous aurons le courage de nous engager dans de nouvelles formes d’expression ecclésiales et dans la recherche ciblée de groupes de personnes.

Nous souhaitons que de telles initiatives variées permettent de conduire des hommes et des femmes à la suite du Christ, afin que ce triple pas (pas à trois temps) biblique de l’amour imprègne leur vie.

Des recherches dans l’Église au plan mondial, basées sur des données venant des États-Unis dans les années 2011-2012, montrent que notre attention, notre force et l’engagement de moyens doivent être mis au service de la promotion de communautés vivantes.

2 NdT : l’expression allemande « Dreischritt der Liebe » recouvre « les trois pas de l’Amour » ou « la trilogie de l’Amour » (voir note 1, pape 6)

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Attention, force, liées à un engagement de moyens, permettent de promouvoir et maintenir une croissance en nombre de communautés vivantes. Ces communautés amèneront efficacement des hommes et des femmes à suivre le Christ, afin de changer le monde.

(Call to Action – Adaptive Challenge)

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Une année avant, la Conférence Annuelle Suisse-France-Afrique du Nord s’est déjà donné un cadre qui visait à ce que, par le biais des communautés de l’EEM en Suisse et en France, de plus en plus d’hommes et de femmes deviennent disciples de Jésus-Christ. Dans la formulation et dans la mise en pratique de ce « projet-cadre «, les instances dirigeantes voient l’importance de conduire de façon consciente et renforcée le « soutien «, après qu’on a mis en place, pendant de nombreuses années, des groupes de travail en vue d’aider les communautés dans leur service.

La Conférence Annuelle Suisse-France, dont fait également partie l’Afrique du Nord, est de loin la plus importante de la Conférence Centrale d’Europe du Centre et du Sud.

Encore aujourd’hui, près de la moitié des délégués à la Conférence Centrale viennent de cette Conférence Annuelle. Depuis près de 100 ans, l’EEM en Suisse a toujours été la force économique qui participe au soutien financier des pays d’Europe centrale et des Balkans. Cet engagement envers la Conférence Centrale sera encore nécessaire à l’avenir.

Mais la Suisse est aussi le seul pays, dans lequel on constate, depuis 70 ans, une diminution régulière des membres. La réalisation de l’objectif-cadre « Amener davantage d’hommes et de femmes à devenir disciples de Jésus-Christ « conduit à se réajuster à la mission de base de l’Église. L’EEM en Suisse ne doit pas pour autant perdre de vue sa mission, qui consiste à porter solidairement le travail qui s’effectue dans l’ensemble de la Conférence Centrale. Car la mission ne peut progresser si elle se contente d’être centrée sur elle-même.3

Pour de nombreuses communautés et leurs membres vieillissants, il sera important de retrouver l’expérience primitive qui les a un jour motivés pour devenir eux-mêmes disciples. Car on ne sera en mesure de transmettre aux autres avec joie et envie que dans la certitude que la foi au Christ a changé sa propre vie. Sinon, les objectifs les plus beaux que peut se fixer une Conférence Annuelle ne seront perçus que comme des moyens de pression. Seule l’expérience primordiale, qui consiste à se savoir fondamentalement aimé de Dieu sans avoir à fournir une quelconque performance, seule une telle expérience permet un témoignage libre, joyeux, aussi bien en paroles qu’en actes.

L’Europe centrale et les Balkans connaissent des défis supplémentaires, sans parler des problèmes encore plus complexes en Afrique du Nord. D’une part, beaucoup de communautés sont très petites. D’autre part, la limitation de leur autofinancement conduit tout naturellement à une limitation de leur mission.

Après avoir connu un certain essor économique grâce à aux investissements étrangers, ces pays ont été doublement touchés, depuis 2008, par la crise économique et financière. Les pays de Balkans souffrent d’un très grand taux de chômage (surtout chez les jeunes) ou d’une production industrielle très faible. En 2012, la Banque mondiale estimait qu’un tiers de la population dans les pays de l’ouest des Balkans vivait avec moins de 5 dollars par jour. De mes voyages et mes entretiens je garde l’impression que cette estimation est optimiste. Souvent ces 5 dollars représentent non pas le revenu individuel, mais celui de toute une famille.

En tant qu’Église nous travaillons parmi les gens aux revenus particulièrement bas ou sans travail régulier. C’est pourquoi je suis impressionné de voir que, malgré les difficultés économiques, les offrandes en monnaie locale sont en hausse. Malheureusement, les effets de ces progrès sont réduits par l’augmentation du coût de la vie ou par la dévaluation de la devise locale. Ainsi, si on effectue le change avec le franc suisse ou l’euro, cette hausse des dons est annulée. Mais cette augmentation des dons est pour moi un signe encourageant d’une responsabilisation croissante.

Pourtant il m’arrive d’assister à des cultes, aussi bien à l’Ouest qu’à l’Est, où j’ai le sentiment que le corps pastoral craint de rendre attentif à la collecte, et il n’est pas rare de voir des personnes chercher où déposer leur offrande à la sortie du culte. Croître dans la suite du Christ implique que les croyants soutiennent avec reconnaissance et assurance l’œuvre de Dieu. Certaines « pites de la veuve « mettraient mal à l’aise les plus aisés d’entre nous.

Qu’est-ce qui distingue les communautés vivantes ? Dans beaucoup de lieux, l’ouvrage de l’évêque Robert Schnase, à propos des « cinq pratiques pour porter du fruit «, a provoqué d’utiles impulsions. Il en est de ce livre comme de beaucoup de choses sur le marché chrétien. Si on le considère comme une recette permettant de parvenir rapidement à une solution et à un résultat, ce sera la déception assurée.

Des processus de changement, lorsqu’ils ont un ancrage spirituel, demandent du temps jusqu’à ce que les racines s’enfoncent suffisamment profondément pour trouver la source d’eau vive et permettre à l’arbre de porter du fruit. Qu’on se réfère au livre de Schnase ou au « développement naturel des communautés « selon Schwarz, ou qu’on fasse appel à d’autres moyens encore, il faut convenir que ces ressources ne produiront des effets durables que si on les emploie dans la durée, et lorsque des changements dans des actions simples permettent de densifier les comportements plus fondamentaux.

En partant des enquêtes faites par notre Eglise aux États-Unis à propos des communautés vivantes, les évêques de l’Église Évangélique Méthodiste conseillent que dans chaque communauté soient mis en place des outils permettant de mesurer cinq « marqueurs « 4. Ces cinq « marqueurs « sont des « marqueurs « des fruits qui distinguent les communautés vivantes et en croissance.

L’initiative conseille aux communautés d’employer ces données non seulement pour alimenter les statistiques de l’année écoulée, mais de les utiliser pour se projeter en avant, pour fixer des objectifs dans les années à venir.

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Dans l’ensemble de l’Église, il convient de prendre en considération et donc aussi de chiffrer :

Les disciples au culte (la fréquentation du culte)

Les disciples qui conduisent de nouvelles personnes à la suite du Christ (chiffrer les fêtes de confirmations5 de baptêmes).

Les disciples qui mûrissent6 dans leur foi (le nombre de petits groupes dans la communauté)

Les disciples qui participent à la mission (nombre de personnes qui s’engagent dans des services dans la société, soit à proximité, soit plus loin).

Les disciples qui partagent leurs moyens au profit de la mission commune (soutien financier)

  1. umvitalcongregations.org

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Ndt : La citation WWW explicite les choses : « la fréquentation au culte,… le soutien financier… » sont autant de « marqueurs » qui peuvent être quantifiés (affectés d’un coefficient, par ex 10 pour excellent, 5 pour moyen, 0 pour… nul !) L’ensemble des marqueurs ainsi quantifiés donne un « profil » de communauté ou d’église.

5 Ndt : en allemand « Taufbekenntnis « 

6 Le texte allemand dit « grandissent «.

L’important dans tout cela consiste à permettre à la communauté de réfléchir de façon consciente et visionnaire, comme par exemple à l’augmentation du nombre de participants au culte de cinq personnes dans les mois à venir.

Lors de la Conférence Générale de 2012, les Conférences Annuelles des États-Unis et d’autres en dehors des USA, ont collecté les résultats de leurs communautés pour préparer les quatre ans à venir. Nous ne pouvons pas produire la croissance, mais mon attitude, mes attentes, mon action, tout ce qui m’engage concrètement comme membre du corps du Christ, tout cela peut avoir de l’influence.

Je me réjouis de visiter des églises locales encore dans les prochaines quatre années, d’entendre de la part des pasteurs et des membres de nos communautés comment ils vivent la mission de base de l’Église. Ma prière est celle de ce chant du 19e siècle avec ces paroles qui réveillent :

« Vivifie ton œuvre, Seigneur,/montre la force de ton bras,/réveille les morts par ta Parole,/réchauffe le cœur des tiens !/Vivifie ton œuvre, accorde l’éclat de ta grâce !/Alors à toi l’honneur et la louange et à nous la bénédiction ».

Former des cadres

Au cours des quatre dernières années, j’ai pu ordonner, ici et là, beaucoup de pasteurs, y compris des femmes pasteurs, comme anciens dans l’Église du Christ. Ce sont toujours des événements marquants dans les Conférences annuelles, en particulier dans les petites Conférences où cela ne se produit pas chaque année. Il est également réjouissant de voir une nouvelle génération plus jeune s’engager dans le ministère à plein-temps en Europe du Centre et de l’Est et dans les Balkans et commencer à prendre des responsabilités. Au cours des quatre dernières années comme dans les quatre prochaines années, on prendra congé également de surintendants qui ont apporté bien des expériences essentielles remontant à la période qui précédait la réunification allemande et qui en partie avaient déjà commencé leur ministère au temps de la réunification. Sans vouloir citer ici des noms et des situations individuelles, je tiens à leur exprimer mes sincères remerciements pour le ministère si grand et exigeant qu’ils ont assumé ou qu’ils assument encore, et qui les a souvent conduits aux limites de leurs forces. Dans les pays d’Europe centrale et orientale comme dans les Balkans où j’ai nommé de nouveaux surintendants au cours des dernières quatre années, j’ai souligné toujours à nouveau qu’il s’agissait en principe d’un ministère à durée déterminée. Notre Règlement d’église de la Conférence centrale étend la durée d’un tel ministère de 6-8 ans à 8-10 ans dans l’ensemble de l’Église. Mais dans les pays ne comptant que quelques anciens ordonnés, ces délais doivent souvent être prolongés jusqu’à ce que se détache la figure d’un leader.

Les pays européens sont de petite taille et pratiquent le multilinguisme, ce qui représente pour l’Église un défi particulier dans l’organisation de son travail en comparaison à d’autres parties du monde. Et pour compliquer un peu plus les choses, il y a le fait historique que des Églises d’État ont partout existé, que les Méthodistes ont entamé relativement tard leur mission et qu’ils sont de ce fait toujours demeurés numériquement faibles. Cela se traduit par des difficultés supplémentaires dans la formation des responsables. La langue allemande n’est plus un lien unificateur, comme au début de la mission méthodiste, dans la plupart des pays de notre Conférence centrale. L’anglais gagne en importance aux dépens de l’allemand en tant que langue commune de communication, tant du côté des pasteurs que des laïcs.

Pour la formation théologique des futurs pasteurs de l’Europe du Centre et de l’Est comme des Balkans, nous sommes toujours à la recherche de bonnes solutions. À l’heure de la réunification, les étudiants avaient été envoyés de nouveau vers les centres de formation en Europe de l’Ouest. Actuellement, nous essayons d’assurer la formation théologique de base autant que possible dans chaque pays. Cela présente des avantages en termes de langue, d’inculturation et de coûts.

Mais dans aucun de ces pays, nous ne pouvons nous permettre de disposer d’une faculté de théologie méthodiste qui nous soit propre et qui dispense un programme théologique complet, non seulement pour une question de personnel, mais aussi pour des considérations financières.

Par conséquent, nous faisons la promotion de la « Methodist e-Academy » comme une façon très avant-gardiste de rassembler des étudiants de toute l’Europe grâce aux moyens modernes de communication et à des séminaires de courte durée. Les six cours de base sur l’histoire, la théologie et l’ecclésiologie méthodistes aident chacun à se forger une identité méthodiste en toute responsabilité. Ils permettent également à chacun de regarder ailleurs que son propre pays et de développer le « connexionalisme » (= réseau) méthodiste en Europe. Dans la « Methodist e-Academy », l’allemand ou l’anglais sont les langues de communication.

Avec reconnaissance, j’aimerais mentionner ici les diverses initiatives qui contribuent à trouver le soutien financier nécessaire à la formation des pasteurs. Tant pour la « Methodist e-Academy » que pour les bourses d’études des étudiants, il existe tout un réseau d’individus et d’instances religieuses qui apportent un insigne soutien via la Conférence centrale. La Conférence générale 2012 a ratifié la création d’un Fonds pour l’éducation théologique dans les Conférences centrales de 5 millions de dollars pour les quatre ans à venir. Bien que la quasi totalité de cette somme soit nécessaire pour répondre aux immenses besoins en Afrique, nous espérons que quelques miettes reviendront néanmoins à l’Europe.

Sur le plan des pensions des pasteurs retraités, l’initiative de la Conférence générale en faveur des retraites apporte une assistance significative à la Conférence centrale. Bien qu’elle ne puisse pas couvrir tous les besoins, elle contribue néanmoins à réduire les retenues sur les salaires (charges de l’employeur et cotisations salariales pour les futures prestations de retraite) qui sont toujours encore très bas en Europe centrale et orientale et dans les Balkans. Les communautés de l’Europe centrale et orientale comme des Balkans restent dépendantes d’un soutien salarial non seulement pour la formation et la retraite, mais aussi pour la période de service actif des pasteurs. Dans certains pays, on a cherché sciemment à augmenter l’autofinancement. Il est bon et nécessaire de développer une saine fierté ici pour ce que l’on a réussi à obtenir par ses propres moyens. La Suisse ainsi que d’autres pays occidentaux continueront à apporter leur soutien consistant aux salaires. Ce soutien restera encore longtemps nécessaire.

L’évêque et avec lui son personnel de bureau à Zurich constituent naturellement la direction de l’Église. Je ne vois pas comment je pourrais assumer mon ministère d’évêque sans mes deux excellents collaborateurs au bureau. Il y aurait assez de travail pour deux évêques dans le vaste espace si diversifié de notre Conférence centrale. Mais pour cela, nous devrions probablement enregistrer une croissance continue de nos membres et de nos finances. De façon réaliste, il importe de noter que sur l’ensemble du fonds épiscopal de l’Église seule la moitié des fonds nécessaires à l’évêque et à son bureau provient de la Conférence centrale elle-même. Le reste provient des États-Unis. Nous devons être reconnaissants pour l’existence des trois Fonds de notre Église mondiale pour la formation théologique, les retraites et le ministère de l’évêque et de son bureau. Ce sont des signes importants de la solidarité de l’Église dans son entier qui s’étend au-delà de notre Conférence centrale.

La formation des cadres n’est pas seulement ciblée sur le groupe des futurs pasteurs. Elle concerne tout autant la formation des membres de nos églises locales à des postes de responsabilité. Des membres actifs et impliqués dans l’église sont essentiels pour que les communautés soient vivantes et vivent leur mission. Sous cet angle, le Carrefour des femmes a fait un bon travail de pionnier, sous l’influence de la coordinatrice de la Conférence centrale et avec le soutien du Carrefour des femmes en Suisse. Dans de nombreux pays, le travail et les responsabilités incombent pour une large part au pasteur ou à la pasteure. Si tout leur retombe dessus, l’église restera toujours petite. Les pasteurs ont une fonction de supervision pour édifier l’église locale. La croissance n’est possible que lorsque la responsabilité et l’autorité pour traiter des taches spécifiques sont réparties si possible entre plusieurs personnes. C’est comme pour un arbre : le tronc doit être divisé en branches, qui, pour leur part, portent des fleurs et des fruits. Un chef de file peut se nommer grand s’il permet aux autres de grandir.

Chez les jeunes adultes, il est particulièrement frappant de constater que leur identification à la communauté dépend grandement de l’opportunité qu’on leur laisse de s’y engager.

Lorsque les adolescents et les jeunes adultes ont le champ libre pour s’impliquer, et si on les y encourage vraiment, alors leur foi va s’approfondir et leur volonté de servir en sortira renforcée. Si vous commencez à goûter l’amour de Dieu, alors le peu que vous avez découvert, vous allez vouloir l’utiliser et le cultiver.

La personne que l’on traite trop longtemps comme un visiteur ou un consommateur dans l’église locale reste dans cette position. C’est la raison pour laquelle il est insidieux de désigner l’Église comme un prestataire de services. L’Église est plutôt la communauté de ceux qui sont impliqués à partager avec les autres cela même qui les a touchés.

Des dirigeants, qu’ils soient laïcs ou pasteurs, sont nécessaires dans chaque communauté pour renforcer la mission de l’Église dans la diversité des projets sur la base du triple pas de l’amour7. Ce qui est écrit dans les « Fondements de la doctrine » et dans les « Principes sociaux » dans le Règlement de l’Église, contribue à nous donner un profil clair en tant qu’Église méthodiste, sans succomber au danger de vouloir nous démarquer à tout prix.

Objections et dissonances

Les accords à 3 notes, les valses à 3 temps, font partie de la musique classique. La musique contemporaine est bien plus riche encore en sonorités et en thèmes. La trilogie méthodiste classique de l’amour, elle aussi, doit s’affirmer au cours des temps qui changent. Des objections théologiques aussi bien que sociétales ont été formulées qui, pour rester fidèle à la métaphore musicale, pourraient être qualifiées de dissonances. Aujourd’hui, il semble évident que le point de référence et d’ancrage dans la relation à Dieu, n’est plus la dimension verticale.

En premier lieu, un glissement s’opère, qui substitue l’amour du prochain à l’amour de Dieu. Au 19e siècle, avec l’émergence de la théologie libérale en Europe occidentale, l’amour du prochain est devenu le point de référence et d’ancrage de la « véritable religion ». Ainsi Albrecht Ritschl (Enseignement de la religion chrétienne, 1890) écrivait-il :

« L’amour pour Dieu ne peut s’exprimer dans les faits ailleurs que dans l’amour pour les frères. » Si la foi (la relation verticale à Dieu) s’épanouit ainsi dans l’accomplissement du bien (la relation horizontale avec le prochain), alors la situation privilégiée de la dimension verticale se perd. En outre, on aboutit à relativiser l’au-delà au profit d’un monde terrestre où l’espérance d’une vie éternelle auprès de Dieu n’a plus de sens. Les mouvements de Réveil du 19e siècle, dans leur sillage la mission méthodiste sur le continent européen et la théologie dialectique du 20e siècle ont protesté et se sont défendus, chacun à sa manière. Mais ces deux influences ne sont guère plus perceptibles dans la société européenne occidentale, après les événements de 68.

La question de Dieu en tant que sujet d’un débat autonome -selon son propre droit- a surgi dans toutes les sociétés d’Europe, après de grands bouleversements -ou dans leurs suites immédiates-, liés à l’effondrement des idéologies dominantes : comme le national-socialisme (à la fin de la 2e Guerre Mondiale) et le communisme (lors de la chute du bloc d’Europe de l’Est en 1989). Ces changements de société radicaux ont suscité un questionnement persistant au sujet de Dieu et maintenu en éveil de larges cercles de la population.

C’est ainsi que durant les années 50, l’EEM d’Allemagne a connu une forte croissance (en fort contraste avec la Suisse). Après la réunification des deux Allemagne, notre Église a connu une croissance remarquable dans l’est de l’Europe centrale et dans les Balkans, durant une décennie. Dans ces deux contextes, les jeunes adultes connaissent un renouveau spirituel important. Les deux grands changements mentionnés précédemment, favorisent grandement la quête de Dieu : des hommes et des femmes se convertissent, suivent Jésus et rejoignent des communautés chrétiennes.

Des ébranlements ponctuels -comme les attentats du 11 septembre 2001- ont déclenché de grandes frayeurs. Néanmoins, pour la société, ils n’ont pas eu d’effets à long terme sur le plan socioreligieux. Ces événements ont déclenché une situation de choc et de peur, qui emplissent les églises pour des services divins particuliers. Mais le phénomène est limité dans le temps. Très rapidement la quête de Dieu s’estompe et la relation personnelle à Dieu passe à l’arrière-plan.

De plus, à la fin du 20e siècle, l’amour du prochain cède la place à l’amour du Moi. Ce glissement pointait dans les années 60 avec la nouvelle compréhension positive de l’amour du Moi. Cela transparaît dans les écrits du psychanalyste et psychosociologue Erich Fromm (The Art of Loving, 1956, dt 1960) ou dans les développements de la théologie féministe : des femmes, en accord avec Dieu s’accordent tout à nouveau avec elles-mêmes. Il faut promouvoir l’autodétermination. Stimulés par l’essor de la société du plaisir, des cercles chrétiens ont désormais convenu de s’intéresser à eux-mêmes par la mise en œuvre d’un évangile qui prône l’aisance et le bien-être. La foi doit m’apporter quelque chose.

Dans la génération postmoderne, l’amour de soi est devenu point de référence et d’ancrage. L’amour de soi ne laisse plus de place à l’amour pour Dieu ni à l’amour du prochain. C’est à l’aune de « ce qui me convient » que se mesurent les services et les intentions. Se perd non seulement l’exigence de Dieu sur ma propre vie, mais aussi l’exigence du prochain. Dès les années 90, des théologiennes critiques comme Dorothée Sölle ont mis en garde contre cette perte.

Les deux glissements font également apparaître des objections importantes et fondées. Les dissonances ne sont pas toujours des événements négatifs, mais elles attirent l’attention sur des particularités : de simples harmonies (si l’on veut garder la métaphore musicale). Ceci s’applique au glissement qui fait de l’amour du prochain un point de référence et d’ancrage parce que cette démarche produit des manières particulières pour exprimer l’amour envers Dieu. Dans le Nouveau Testament, les épîtres de Jean mettent en garde contre ces formes particulières. Elles ont souligné et soulignent encore qu’il ne peut y avoir d’amour pour Dieu reconnu authentique sans amour du prochain. Revêtu de vieux habits ou d’habits neufs, le fanatisme religieux exige toujours un amour pour Dieu (ou la représentation d’idéal divin que l’on se forge) qui se développe au détriment de l’amour du prochain.

Le glissement de l’amour du prochain vers l’amour de soi a été déclenché par de dangereuses particularités. C’était les particularités d’une éthique du devoir qui exigeait d’une manière nuisible le don de soi au profit d’autres individus ou encore pour d’autres idéaux plus élevés. « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Il est intéressant de constater que l’exégèse judéo-chrétienne de ce commandement, à ses débuts, est fondée tout naturellement sur une évaluation positive de l’amour pour soi, de sorte à en faire le fondement de l’amour du prochain (Cf. Augustin et Thomas d’Aquin). Ce n’est qu’au Moyen âge tardif et lors de la Réformation que l’amour de soi a été progressivement compris comme péché d’égoïsme.

Nous devrions entendre ces dissonances et ces objections. Elles préservent de l’étroitesse d’esprit et des extrêmes dommageables. Mais déplacer le point de référence et d’ancrage n’est pas une solution adaptée. Dans le premier cas, cela conduit à une Eglise qui n’a de signification que pour la société, qui ne décompte que ses activités sociodiaconales et les nombreuses heures de travail bénévole. Dans le deuxième cas, cela aboutit à une Eglise qui propose des événements aussi agréables que possible, à la satisfaction et au grand bonheur de tous, avant de devoir retourner au quotidien et au travail. Dans les deux cas on évite le noyau scandaleux de l’Évangile :

« Ceci (l’amour pour Dieu de tout cœur) est le premier et le plus grand commandement. Le deuxième (l’amour du prochain comme pour soi-même) lui est semblable » (Mt 22, 38-39). Les marques distinctives d’un/une méthodiste -telles que Wesley les a formulées il y a plus de 250 ans- n’ont rien perdu de leur actualité. Wesley débute « la trilogie de l’Amour »8 par l’Amour de Dieu envers l’être humain. Bien qu’il ne l’ait pas exprimé ainsi, il a implicitement admis que le fait d’être aimé soi-même devient le fondement d’un véritable amour pour Dieu et pour le prochain.

Ce que Wesley a mis au centre de sa trilogie de l’Amour n’est guère pris en considération dans les ouvrages théologiques classiques traitant de dogmatique. Néanmoins, je suis d’avis qu’en plaçant ainsi les accents, Wesley a mieux saisi et de manière essentielle le cœur du message biblique. En même temps, Wesley n’a pas hésité à nommer ce qui en son temps et aujourd’hui encore est une pierre d’achoppement dans l’Évangile : le droit sans partage du premier commandement, qui n’est pas accompli ni dans l’amour du prochain ni dans l’amour de soi : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toutes tes forces. »

Face à notre monde multireligieux, il faudrait apporter une précision qui pour Wesley, constituerait une évidence, mais qui requiert une prise de conscience. Dans la société actuelle, (presque) tout le monde évoque un bon Dieu, du moins sous la forme généralisée d’un être aimant supérieur. Mais ce qui est particulier à l’Évangile, c’est qu’il concrétise -de manière incomparable- cet amour de Dieu, en Jésus Christ de Nazareth. En Jésus, le Christ, Dieu a pris un visage clairement reconnaissable. Par la vie de Jésus, sa mort et sa résurrection, Dieu nous a réconciliés avec Lui. Par la foi en Jésus notre Seigneur et Rédempteur, nous recevons le salut. En suivant Jésus, nous sommes sauvés. L’Évangile est le message d’amour de Dieu. L’Évangile est le message d’amour de Dieu qui revêt cette forme tout à fait concrète : en la personne de Jésus Christ. Cette concrétisation de l’amour en la personne de Jésus Christ, et en dernier ressort le mystère du Dieu trinitaire, fait partie du caractère scandaleux de l’Évangile dans la société actuelle.

L’être humain est créé pour la relation avec Dieu et ne trouve son bonheur et la plénitude de la vie qu’en Lui. « Un christianisme conforme à l’Écriture » consiste à inviter des hommes et des femmes à croire en Christ et à le suivre, afin que cela produise des traces de changement dans ce monde. Avec le Christ, c’est l’amour de la danse qui commence, qu’elle soit classique ou moderne.

Façonner notre avenir ensemble

J’ai déjà repris deux des quatre priorités que retient l’Église Évangélique Méthodiste dans son ensemble : construire des communautés et former des cadres. Dans cette dernière partie du message de l’évêque, je voudrais mentionner deux autres : réduire la pauvreté aux côtés des pauvres et éliminer les maladies mortelles dues à lapauvreté.

En ce qui concerne ce dernier point, à savoir l’élimination des maladies mortelles dues à la pauvreté, il faut surtout garder à l’esprit en particulier les grandes initiatives prises au niveau mondial en matière de paludisme et du VIH/SIDA. Fort heureusement, le paludisme ne représente plus une menace pour notre continent depuis l’assèchement des grands marais d’Europe méridionale durant l’entre-deux-guerres mondiales. Mais comme par le passé, le gros problème du VIH/SIDA persiste en Europe. Malheureusement, le nombre de personnes nouvellement infectées n’a toujours pas reculé dans de nombreux pays. Pour la zone de la Conférence centrale, nous n’avons pas de projets à notre compte dans ces deux domaines. Mais Connexio, le réseau pour la mission et la diaconie de la Conférence Annuelle Suisse — France — Afrique du Nord, contribuent à l’instauration et à la promotion des soins de santé en dehors de l’Europe, en particulier en République démocratique du Congo.

Depuis 2002, Connexio rassemble ce qui constituait à l’origine trois départements : la Mission intérieure suisse, la Mission extérieure et l’Aide au diocèse, la zone de la Conférence centrale. Au cours des dernières années, la coopération et le soutien financier de la France a augmenté. Au cours des quatre dernières années, les pays d’Europe centrale et orientale et les Balkans ont déclaré qu’ils ne désirent pas être uniquement les bénéficiaires de l’aide, mais souhaitent aussi participer à des projets dans d’autres pays. Les collectes pour chaque projet sont organisées en étroite coopération entre le Fonds pour la mission en Europe et Connexio. Comme Conférence centrale, nous n’allons pas créer notre propre instance missionnaire. J’encourage donc les communautés paroissiales et les gens dans tous les pays de notre Conférence centrale à s’impliquer de plus en plus dans les projets du Fonds pour la mission en Europe et Connexio. Ainsi pouvons-nous promouvoir conjointement le soutien continu et la poursuite de la mission à l’échelle mondiale.

Lorsque l’EEM a déterminé les quatre priorités de son action globale, je me suis souvenu de diverses situations dans l’Église, comme quoi la pauvreté n’est pas seulement un problème en Afrique. "L’éradication de la pauvreté aux côtés des pauvres", concerne notre Conférence centrale, mais pas seulement : de toute urgence s’impose le travail parmi les Roms (dans certaines régions, ils se désignent eux-mêmes du nom de Tsiganes).

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« Il fut un temps où l’on considérait que la mission était un mouvement allant du centre vers la périphérie, des privilégiés aux marginaux de la société. Désormais, les personnes vivant à la périphérie revendiquent le rôle clef qui leur revient d’être des agents de mission, et ils affirment que la mission est transformation. Cette inversion des rôles dans la manière d’envisager la mission a de solides fondements bibliques du fait que Dieu a choisi les pauvres et les fous, les faibles et les vils (cf. 1 Corinthiens 1,18-31) pour poursuivre la mission divine de justice et de paix afin que la vie puisse s’épanouir. Si donc nous sommes passés de « la mission vers la périphérie » à « la mission depuis la périphérie », quelle est alors la contribution distinctive des personnes venant de la périphérie ? Et pourquoi leurs expériences et leurs visions sont-elles essentielles pour repenser la mission et l’évangélisation aujourd’hui ? » (COE, 2012, § 6, « Ensemble vers la vie : Mission et évangélisation dans des contextes en évolution »)

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Avec le soutien du Conseil Mondial de la Mission de l’EEM (GBGM), nous avons pu organiser, il y a deux ans, une première consultation à propos des Roms dans notre Conférence centrale. Les Roms font partie d’une minorité souffrant d’exclusion et de discriminations de tous ordres en Europe. J’espère que nous réussirons au cours des quatre années à venir à mettre en œuvre par-delà toutes les différences individuelles de chacune des communautés roms, des projets communs favorisant l’indépendance de ces communautés, et que nous réussirons en même temps à développer leur intégration, à la fois dans notre Église et dans la société en général.

Parmi les grandes questions de société qui sont trop souvent occultées par l’agenda politique et économique du moment figure le double enjeu, de « réduire la pauvreté avec les pauvres » et de « sauvegarder la création ». Le Conseil des évêques le rappelle avec force dans son message "La création renouvelée de Dieu : Un appel à l’espoir et l’action" (2010). Ce message du Conseil des évêques montre également le lien existant entre la sauvegarde de la création, le renforcement de la paix et l’éradication de la pauvreté. Il est important de garder à l’esprit par la suite ces préoccupations au sein de notre Conférence centrale.

Au niveau de l’Église globale, dans les quatre années à venir, je vais surtout œuvrer dans les mêmes domaines que précédemment : dans l’enseignement théologique, et au sein du Comité permanent des Conférences centrales. Pour cette raison, je dois renoncer à m’impliquer dans un nouveau domaine, ce que j’avais initialement prévu, surtout au niveau des instances œcuméniques en Europe. Dans le domaine de l’enseignement théologique, je vais garder mes fonctions en Europe au sein de la « Methodist e-Academy" et de l’association des facultés théologiques (Methodist related Theological Schools in Europe), et je vais m’engager tout à nouveau dans des projets visant à promouvoir l’enseignement théologique dans les Conférences centrales. En décembre 2012, j’ai pu remettre en d’autres mains la gestion de la consultation francophone pour l’enseignement théologique.

Au Comité permanent chargé de traiter des questions relatives aux Conférences centrales, j’ai été élu président pour les quatre années à venir. C’est dans ce cadre que sont abordées toutes les questions fondamentales que l’on se pose ensemble à l’échelle mondiale en ce qui concerne les Conférences centrales. Au cours des quatre années précédentes, le Comité permanent a élaboré les critères à retenir pour la création de nouvelles zones épiscopales en dehors des États-Unis. Au cours des quatre années à venir, nous nous attendons au retour des Conférences centrales sur les objectifs qu’elles se fixent et sur la question de savoir comment les structures des Conférences centrales peuvent mieux renforcer la mission de l’Église. Le Comité permanent devra également fournir un modèle pour la prochaine Conférence générale, à quoi doit ressembler le Règlement de l’Église globale, aux résolutions contraignantes. Un tel Règlement mondial d’Église ne souffrira plus d’aucun droit d’adaptation. Mais chaque Conférence centrale pourra adopter d’autres règlements complémentaires pour sa zone en partant de ce Règlement d’Église valable mondialement. Les mandats reçus de la Conférence générale par le Comité permanent auront une influence décisive sur l’évolution à venir de l’EEM mondiale.

A cette Conférence centrale seront également présentées des suggestions sur la façon dont nous pouvons façonner ensemble l’avenir. La Connexio méthodiste vit principalement grâce à des relations entre frères et sœurs qui se soutiennent mutuellement et qui contribuent à l’édification de l’Église. C’est la raison pour laquelle vous aurez beaucoup de temps au cours de cette session pour apprendre à vous connaître et à vous apprécier, du temps pour apprendre à participer et à donner, de façon à revenir dans votre propre communauté et dans votre Conférence encouragés et avec de nouvelles idées. La mission, dans laquelle nous nous trouvons engagés, et la trilogie de l’Amour9, dont je vous ai beaucoup parlé, est la mission de Dieu. Ou pour le dire autrement : la question n’est pas de savoir si l’Église a une mission ou non. Parce que Dieu a la mission de son amour et en vit. Puisse Dieu continuer à trouver en Europe du Centre et du Sud, au sein de l’Église méthodiste unie, une communauté d’Église composée de gens acceptant d’entrer dans cette mission avec la foi, l’espérance et l’amour. Et en premier lieu entre en jeu le virage à prendre et le point d’ancrage, à savoir la relation avec Dieu.

« Que Dieu, la source de l’espérance, vous remplisse d’une joie et d’une paix parfaites par votre foi en lui, afin que vous soyez riches d’espérance par la puissance du Saint-Esprit » (Ro 15.13).

Message de l’évêque 2013

Église Évangélique Méthodiste

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E-mail : bischof@umc-europe.org

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Traduction française : Daniel HUSSER, Pierre BERTOLOLY, René GERBER et 

Jean-Philippe WAECHTER

fichier pdf 239 ko Le message de l’évêque Patrick Streiff (2013)