Jeudi - Guide de gestion des conflits

Conférence Annuelle 16-19 juin 2011 à OBERWINTERTHUR / ZURICH

Y sont évoquées diverses situations de crises et les solutions à mettre en œuvre.

Guide de gestion des conflits au niveau des églises locales et des circuits 

1. Introduction 

Les explications ci-après sont destinées à fournir des pistes et à clarifier la situation afin d'aider à la gestion des conflits pouvant surgir dans la communauté ou les organes du circuit. 

Définition du conflit 

Un conflit peut être décrit de manière très générale comme un état de tension né de positions contradictoires irréconciliables entre deux parties ou plus. Lors de conflits, le véritable problème ne réside pas dans les différences existantes, mais dans la manière dont elles sont traitées. 

Constat fondamental 

Tant l'Ancien que le Nouveau Testament comportent de nombreux passages faisant état de situations conflictuelles. Le premier récit commence avec Adam et Eve; un conflit qui éclate avec Dieu et entre eux. Parmi les autres exemples, citons celui de Caïn et Abel ou la dispute entre Pierre et Paul (Gal. 2,11 ss). Les conflits font donc partie de la création et, partant, de la vie de tout être humain. 

En réalité, les conflits ne sont pas fondamentalement négatifs, mais offrent au contraire une possibilité de remettre en question notre manière de penser et de percevoir les choses. Dans nos églises, nous pouvons apporter une contribution importante en termes d'assainissement des relations en cas de conflit. Pour cela, il faut aborder les tensions et les divergences de vues avec un esprit ouvert et constructif. A noter que sans conflits, l'injustice demeure et n'est pas remise en question; il n'existe alors aucun espoir de changement. Les conflits peuvent ainsi s'avérer nécessaires pour que les bonnes intentions de Dieu puissent se réaliser. 

Avant qu'un conflit ne s'envenime, nous pouvons emprunter une voie pleine de promesses. En tant que personnes aimées par Dieu, nous pouvons parler de nos désaccords, de nos divergences de vues ou de nos fautes et les gérer dans le respect. 

La réconciliation en Jésus-Christ nous donne, à nous chrétiens, un puissant argument pour emprunter cette voie suffisamment tôt. C'est ce qu'exprime notamment la prière du Notre père: « Et pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ». Le pardon de Dieu nous permet de rencontrer ceux qui nous entourent dans un esprit de réconciliation. 

Les situations conflictuelles nous offrent justement cette grande chance de pouvoir faire l'expérience libératrice de la foi, de l'amour et de l'espérance. Quelqu'un qui a surmonté des crises ou des conflits peut en ressortir plus fort. 

Notre tâche consiste à faire le premier pas, avant que nos sentiments et nos pensées s'accumulent et se transforment en un conflit ouvert. (cf. exemple, page 6) 

A partir de là, il convient d'utiliser à bon escient les connaissances et les expériences recueillies dans le cadre de l'étude des conflits et des services de consultation professionnels. Le but n'est ni d'ignorer ni de relativiser les conflits, mais au contraire de développer nos compétences sociales de telle sorte que nous parvenions, dans la mesure du possible, à nous sortir nous-mêmes de situations conflictuelles, tout en sachant reconnaître le moment où une aide extérieure s'impose. 

2. Identification précoce 

Une réglementation claire des compétences est un bon moyen de prévention et permet d'empêcher ou de désamorcer des conflits. Si la structure organisationnelle fournit une certaine sécurité et des informations utiles, elle peut aussi renforcer le pouvoir, entraîner des adaptations ou des résistances et créer des situations de subordination. Quoi qu'il en soit, les cahiers des charges contribuent à une bonne exploitation des ressources, délimitent les domaines de responsabilités et protègent des prises de pouvoir arbitraires. Ces éléments, de même que les innovations organisationnelles, doivent être prises en compte dans l'identification précoce des conflits. 

La manière dont nous abordons les différences d'opinions est primordiale. Il convient notamment de déterminer si les divergences portent sur des questions de fond ou s'il s'agit d'oppositions d'ordre émotionnel et de tenir compte des différences exprimées et des diverses perceptions manifestées avant que la situation débouche sur des actes indésirables. Un écart trop important entre la manière de penser, la sensibilité et la perception d'une part et la volonté et les actes d'autre part peut se traduire par un conflit. 

2.1 Prévention 

Au niveau du circuit, la commission collaboration pasteur-paroisse / le conseil de circuit peut aider la communauté ou le circuit à mieux résister au conflit. Les entretiens d'évaluation et de motivation peuvent également s'avérer utiles pour l'identification précoce des conflits. De même, les accompagnateurs et accompagnatrices qui suivent les nouveaux collaborateurs et collaboratrices durant leur phase d'introduction peuvent attirer l'attention sur des situations particulières indiquant un conflit potentiel. 

Enfin, les cultes, séminaires ou cellules de maison sont autant de possibilités de se pencher sur la question des conflits et de ses multiples facettes. Formation + Conseils de l'EEM propose par ailleurs différents modules de soutien. 

En dépit de toutes les mesures préventives, nous ne parviendrons pas dans tous les cas à clarifier les points de vue ou à renforcer la communauté au point d'éviter tout conflit à l'avenir. Nous devons apprendre à gérer les tensions de manière constructive et à trouver des solutions viables, même lorsque des divergences factuelles ou personnelles demeurent. 

2.2 Types de conflit et interlocuteurs 

Il convient d'identifier le type de conflit dont il s'agit et de définir les interlocuteurs auxquels s'adresser pour déterminer au mieux la suite de la procédure. 

Les types de conflit sont parfois difficiles à distinguer les uns des autres et il n'est pas rare qu'une situation conflictuelle soit le résultat de plusieurs sortes de différends. 

Types de conflit 

- Conflit d'objectif et d'intérêt (p. ex. rénover la chapelle en ville en tenant compte des exigences relative à la protection du patrimoine ou construire un bâtiment moderne en périphérie?) 

- Conflit d'organisation ou de structure (p. ex. compétences) 

- Conflit de valeurs et de jugement (p. ex. style de piété) 

- Conflit de répartition (p. ex. ressources financières ou en personnel) 

- Conflit de rôles et de pouvoir (pasteur - conseil de circuit - surintendant-e) 

- Conflit relationnel (entre deux personnes ou plus) 

- etc. 

Interlocuteurs 

Les interlocuteurs proposent une première audition, sans obligations ni conditions. L'audition doit se dérouler sans bureaucratie aucune et être facilement accessible. Il est impératif de toujours écouter les deux parties, dans la perspective de trouver un consensus sur la base duquel les questions litigieuses pourront être traitées. Le but consiste aussi à clarifier la suite du processus. 

Les parties au conflit ci-dessous sont présentées à titre d'exemple. Au moment de la désignation des interlocuteurs, il convient de tenir compte de l'organisation du circuit. 

Parties au conflit Membres de la paroisse 

Membre de la paroisse et pasteur-e 

Premier interlocuteur 

Pasteur-e / conseil de circuit 

Président-e de la commission collaboration pasteur-paroisse ou du conseil de circuit 

Pasteur-e 

Membre de la paroisse et membre dirigeant Membres pastoraux 

(au sein d'une équipe) 

Membres dirigeants 

Membre dirigeant et pasteur-e 

Président-e de la commission collaboration pasteur-circuit et à défaut le surintendant/la surintendante Pasteur-e 

Président-e de la commission collaboration pasteur-paroisse ou du conseil de circuit 

En cas de conflit, les interlocuteurs susmentionnés informent le surintendant/la surintendante, au plus tard au moment du recours à des conseillers externes. 

2.3 Evaluation des conflits 

Les degrés d'escalade des conflits (selon le Prof. F. Glasl) illustrent les différentes phases d'un conflit et les réactions observées dans chacune de ces phases. Plus le degré d'un conflit est évalué avec précision, plus les possibilités et les limites de l'auto-assistance sont faciles à identifier. 

1. Durcissement des points de vue, crispation. Pas encore d'appartenance rigide à un camp. 

2. Polémique, pensée en noir et blanc, formation de groupes avec violence verbale. Lutte pour la supériorité; alternance entre coopération et concurrence. 

3. Parler n'est plus d'aucun secours, d'où un passage à l'acte. Dichotomie entre comportement verbal et non-verbal, augmentation de la méfiance réciproque. Perte de l'empathie. Concurrence prenant le pas sur la coopération. 

4. Rumeurs, vision négative du camp adverse, paille dans l'œil du voisin. Les parties se poussent mutuellement à assumer des rôles négatifs. 

5. Perte de la face, perte des valeurs, attaques directes personnelles et publiques contre la partie adverse. 

Menaces et ripostes, stress, actions de chantage, augmentation de la pression. 

Mise à exécution des menaces, préjudices infligés vécus comme des victoires personnelles. 

8. Eclatement des parties et tentative de destruction matérielle et/ou psychiquesociale de l'adversaire. 

9. Point de non-retour. Recherche de l'anéantissement de l'autre au prix de son propre anéantissement. Volonté de nuire durablement à la descendance. 

3. Gestion des conflits 

Les parties au conflit doivent élaborer des solutions et dégager des pistes indiquant la manière dont elles entendent atteindre l'objectif qu'elles ont défini. La clarification d'un conflit doit intégrer toutes les parties concernées. Il convient de veiller à la position ou au comportement des parties: les dialogues doivent être directs, l'écoute active, la discussion commune; il faut éviter de parler les uns des autres. 

Degrés d'escalade 

1 - 3 L'auto-assistance peut déboucher sur une solution du conflit. Il convient de vérifier si un entretien avec une personne de confiance peut s'avérer utile en cas de conflit. Ce dialogue peut avoir lieu soit avec l'un des interlocuteurs susmentionnés soit avec un spécialiste d'un autre circuit. L'essentiel est avant tout d'aborder les points litigieux, de clarifier les oppositions et de définir un objectif. 

3 - 4 Il est impératif que toutes les parties soient fondamentalement disposées à bénéficier d'un accompagnement. Nous recommandons de demander de l'aide à l'extérieur de la paroisse à une personne ayant de l'expérience en matière de conflits. Son impartialité est une condition indispensable. A noter qu'aucune des personnes parties au conflit ne peut assumer de fonction dirigeante dans le processus. 

à partir de 5     A partir du degré d'escalade 5, il est indispensable de recourir à une 

aide et un accompagnement extérieurs pour parvenir à résoudre le conflit. 

3.1 Accompagnement des parties au conflit dans la perspective d'une solution 

Le conseil de paroisse ou de circuit demande de manière indépendante et délibérée, au plus tard à partir du degré d'escalade 3, l'aide d'une conseillère ou d'un conseiller extérieur à la communauté et en informe les organes concernés. Le surintendant ou la surintendante peut également ordonner une consultation/un accompagnement. 

Le conseil de circuit établit le budget nécessaire aux services du conseiller ou de la conseillère et prend une décision à ce sujet. Les différentes formes de consultation sont décrites en annexe. 

3.2 Communication 

Il convient de veiller à ce que toutes les personnes concernées reçoivent des informations concordantes, si possible en même temps. La communication doit être compréhensible et aussi simple que possible. 

Comment 

Les informations doivent être fournies par écrit, sous une forme adaptée au déroulement du processus. Si nécessaire, elles doivent être complétées par des informations orales. Les moyens d'information doivent être définis suffisamment tôt et connus de l'ensemble de la communauté. Un texte écrit devrait être porté par toutes les personnes concernées. 

Quoi 

Les communications doivent être exemptes de toute attribution de faute et respecter la dignité des personnes concernées. L'objet du conflit doit être nommé. Les informations doivent être factuelles et fournir autant d'indications que nécessaire tout en en disant le moins possible. 

Qui 

La communication incombe à une personne désignée à cet effet par la commission pour la collaboration pasteur-paroisse ou le conseil de circuit au début du processus. Cela implique de toutes les parties concernées qu'elles respectent le principe de confidentialité. La personne chargée de la communication doit posséder les compétences et la crédibilité nécessaires. Il peut s'agir d'un membre de la commission pour la collaboration pasteur-paroisse / du conseil de circuit ou d'un professionnel. 

Quand 

Le plus tôt possible, pour éviter les rumeurs. Une communication proactive est donc recommandée. Toute décision doit être communiquée le plus rapidement possible. 

Où 

Il convient de distinguer entre la communication entre les parties au conflit d'une part et la communication aux personnes extérieures au conflit d'autre part. Ce faisant, il faut éviter l'apparition de rumeurs. 

4. Conclusion 

Même dans un conflit, il est important de placer l'objectif commun que sont Dieu et la mission de l'Eglise au centre des discussions. Nous pouvons compter sur l'appui de l'Esprit Saint, qui nous accompagne dans et au travers des situations de conflit. 

Les personnes ont besoin de plus ou moins de temps pour suivre un processus entamé dans le cadre d'une situation conflictuelle et elles nécessitent parfois l'aide d'un professionnel pour pouvoir gérer (transformer) un conflit de manière constructive. Ce processus peut déboucher sur de nouveaux enseignements et perspectives utiles 

au développement de l'église. 

Ce ne sont pas les choses elles-mêmes qui nous gênent, mais l'idée que nous nous faisons des choses. 

Epictète 

Nous souhaitons à toutes les personnes concernées, aux communautés et aux circuits des pas encourageants et des expériences riches en bénédictions. 

Au nom du groupe de travail Conflits Markus & Ruth Voegelin, RLC 

Membres du groupe de travail: 

Madeleine Bähler (modératrice) 

Markus Bitterli / Käthi Hiltbrand / Markus Da Rugna / Stefan Zürcher Markus & Ruth Voegelin (responsables) 

Outils auxiliaires

1. Exemple tiré de la pratique

La situation exposée ci-après peut par exemple être utilisée pour introduire la réflexion sur la gestion des conflits au

niveau du circuit. A la fin du culte, une musicienne se plaint auprès du pasteur d'une réaction négative exprimée par un membre de la communauté. Elle explique qu'elle s'est vraiment fait descendre en flammes parce que la personne qui a émis la cri- tique n'a aimé ni sa musique ni son choix des cantiques. Se sentant agressée personnellement, elle n'a plus envie d'apporter sa contribution musicale au culte. Le pasteur prend cette déclaration au sérieux. Il reconnaît que les personnes concernées n'arrivent plus à se parler et prend donc contact avec la personne incriminée. Il lui demande comment elle a perçu le culte et la musique. Le pasteur essaie de lui faire comprendre que sa réaction ne changera pas grand-chose à la situation, mais qu'elle a été blessante. La personne concernée se rend compte du fait que son comportement n'était pas correct et prend contact avec la musicienne pour s'excuser. Le fond du problème n'est certes pas réglé puisque la différence des goûts musicaux demeure un potentiel de conflit, mais au plan humain, les deux personnes peuvent à nouveau se regarder en face et essayer de gérer leurs différences de manière plus consciente. Questions: - Connaissez-vous ce conflit ou des conflits similaires? - Comment le conflit évoluerait-il en l'absence de toute intervention? - Comment géreriez-vous ce type de conflit? Le cas échéant, que feriez-vous différemment? - Quel comportement auriez-vous adopté si vous aviez été dans ces trois différents rôles?

2. Consultation et accompagnement par un service externe Supervision, La supervision consiste en une analyse approfondie des expériences vécues. Dans le cadre d'une supervision, des personnes ou des groupes réfléchissent à leurs actes, à leur manière de penser et aux structures qui les entourent. L'accent est mis sur de nouvelles perspectives, sur une réflexion créative, une évolution émotionnelle, une compréhension de l'organisation et sur l'action. La supervision a pour objectif d' « accompagner et optimiser les processus d'apprentissage, de changement et de développement de personnes et de groupes. » Coaching Le coaching consiste à apporter à des personnes se trouvant dans une situation complexe et délicate un accompagnement axé sur une solution et un objectif. Il s'adresse généralement à des personnes exerçant des fonctions dirigeantes. Le but du coaching est d'aider des gens à examiner et à faire évoluer leur propre comportement, mais aussi à améliorer leur capacité d'apprentissage et de prestation.

Le conseiller ou la conseillère aide à prendre du recul par rapport à la situation, à circonscrire le problème et à dégager les objectifs et solutions potentiels. Dans le cas du coaching, la durée du processus est en principe définie à

l'avance.

Transformation des conflits

La transformation des conflits s'attache aux points de vue personnels, liés au comportement et aux mentalités, sociaux, structurels et culturels d'un conflit. Elle vise à transformer des processus destructeurs en développements constructifs. La transformation des conflits est un processus systémique, au travers duquel les personnes concernées s'exercent à adopter de nouvelles perspectives et positions ainsi qu'une nouvelle attitude envers soi-même et les autres et qui permet d'introduire des adaptations structurelles. Il arrive que l'on ne trouve pas de solution au conflit. Mais même lorsque les intérêts, les valeurs et les besoins des personnes concernées demeurent différents, il est possible de gérer la situation sans violence et dans le respect.

Médiation

La médiation est une forme de facilitation. Il s'agit d'un processus visant à apporter une solution constructive à un conflit entre deux parties opposées, mais désireuses de parvenir à une solution commune grâce à la médiation. La plupart du temps, la solution est consignée par écrit et son application vérifiée au bout d'un délai fixé d'un commun accord.

Le médiateur ou la médiatrice ne prend aucune décision concernant le conflit ni ne propose aucune solution, se con- tentant de diriger le processus. L'idée primordiale de la médiation est de laisser les parties aux conflits assumer leur propre responsabilité. Développement organisationnelLe développement organisationnel consiste à initier des processus de changement et d'évolution au sein d'organisations et à les suivre méthodiquement. Ce processus fait appel aux capacités de chacune et chacun et de l'organisation en tant que tout. Dans les églises locales, ce principe est utile pour appuyer la gestion des conflits. 

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